CheckMate-227 : l’option nivo-ipi fait ses preuves en première ligne de traitement dans le cancer du poumon NAPC

Dr Jean-Claude Lemaire, Stéphanie Lavaud

29 septembre 2019

Barcelone, Espagne -- Les données de l'essai CheckMate-227, révélées lors du premier symposium présidentiel du congrès annuel de l'European Society of Medical Oncology (ESMO 2019), suggèrent qu'une approche sans chimiothérapie combinant, à faible dose, deux agents d'immunothérapie nivolumab (Opdivo®, Bristol-Myers Squibb) + ipilimumab (Yervoy®, Bristol-Myers Squibb) serait préférable à la chimiothérapie pour le traitement de première intention de certains patients atteints de cancer du poumon non à petites cellules (NSCLC) à un stade avancé [1,2].

Les résultats ont montré que chez les patients avec une expression PD-L1 ≥1%, la médiane de survie globale était améliorée de 21%, passant de 15 mois à 17 mois, avec l’immunothérapie combinée vs la chimiothérapie.

De plus, les résultats ont montré que la combinaison nivolumab (NIVO)- ipilimumab (IPI), était associée à un bénéfice en termes de survie, indépendamment du statut PD-L1, avec un effet persistant au-delà des 2 ans de traitement.

Une nouvelle option de traitement

« CheckMate-227 est le premier essai montrant que l'association nivolumab + ipilimumab prolonge la survie globale par rapport à la chimiothérapie chez des patients ayant un NSCLC métastatique n'ayant jamais reçu de traitement préalable », a déclaré le Pr Solange Peters (Centre Hospitalier Universitaire Vaudois, Lausanne, Suisse), qui a présenté l'étude publiée conjointement par The New England Journal of Medicine [1,2]. « Nous disposions déjà de plusieurs options de traitement de première ligne pour ces patients, notamment une chimiothérapie associée à un agent anti-PD1 ou à un agent anti-PD-L1. S'y ajoute maintenant une option nivolumab + ipilimumab qui évite la chimiothérapie » a-t-elle ajouté.

Patients PD-L1+ et PD-L1-

Le nivolumab, anticorps anti-PD-1, et l'ipilimumab, anticorps dirigé contre l'antigène 4 des lymphocytes cytotoxiques cytotoxique (CTLA-4), sont des inhibiteurs de points de contrôle de l'immunité dotés de mécanismes d'action distincts mais complémentaires.

L’étude de phase 3, randomisée, contrôlée, CheckMate-227 a testé la combinaison de ces deux agents chez des patients atteints d’un NSCLC de stade IV qui n’avaient pas reçu de traitement antérieur. Il s'agit d'une étude comportant plusieurs étapes, la première ayant pour objectif d'évaluer différents schémas posologiques à base de NIVO par rapport à une chimiothérapie dans deux sous-groupes ayant des taux différents d'expression de PD-L1.
Au total, 1 189 patients présentant une expression ≥ 1% de PD-L1 ont été randomisés vers trois bras, NIVO + IPI à faible dose, NIVO seul ou chimiothérapie seule) et 550 patients ayant une expression de PD-L1 <1% (n = 550) ont été randomisés vers 3 bras (NIVO + IPI à faible dose, NIVO + chimiothérapie ou chimiothérapie seule).

Le suivi minimum pour atteindre le critère primaire était de 29,3 mois, et celui pour évaluer la réponse objective était de 28,3 mois.

Survie de 17,1 mois (nivo-ipi) versus 14,9 mois (chimio)

Solange Peters a rapporté une survie globale significativement plus longue chez les patients randomisés vers le bras NIVO + IPI à faible dose par rapport aux patients randomisés vers la chimiothérapie. Ainsi, chez les patients avec expression de PD-L1> 1% traités par NIVO + IPI à faible dose, la médiane de survie globale (IC 95%) était de 17,1 mois (15,0-20,1) versus 14,9 mois (12,7-16,7) chez les patients recevant la chimiothérapie [ratio des risques (HR) : 0,79 ; IC 97,72% : 0,65 - 0,96 ; p = 0,007], soit une augmentation de 21%.

La divergence entre les courbes en fonction des différents traitements a commencé à devenir évidente autour de 9 mois, avec 63% des patients sous immunothérapie combinée et 56% des patients sous chimiothérapie toujours en vie à 12 mois, et 40% et 33% respectivement, à 24 mois.

Le bénéfice du traitement a persisté au-delà des 2 années de l’étude – la divergence entre les courbes de survie continuant à s’accentuer à 36 mois. « Des résultats vraiment incroyables » a commenté Solange Peters en conférence de presse.

La survie globale pour les patients traités par nivolumab seul s’est, elle, établi à 15,7 mois (médiane), soit une durée intermédiaire entre les patients traités par immunothérapie combinée et ceux traités par chimiothérapie.

Indépendamment du statut PD-L1

La survie sans progression, les taux de réponses objectives et la durée de réponse étaient également tous plus importants avec la combinaison NIVO + IPI à faible dose qu'avec la chimiothérapie.
Quant à la survie globale, elle était plus importante avec la combinaison NIVO + IPI à faible dose qu'avec la chimiothérapie chez les patients avec une expression de PD-L1 <1% et chez tous les patients randomisés (expression de PD-L1 <1% et ≥ 1%).

Des profils d’effets indésirables différents

En termes de toxicité, CheckMate-227 montre que les profils d'innocuité des deux stratégies sont différents, avec plus spécifiquement pour NIVO + IPI à faible dose, des diarrhées, éruptions cutanées et fatigue et pour la chimiothérapie, de la fatigue et des toxicités gastro-intestinales et hématologiques.

Dans CheckMate 227, IPI était utilisé à raison de 1 mg toutes les 6 semaines, ce qui a beaucoup amélioré la tolérance et a limité les taux de toxicités et d'abandons ou de décès liés au traitement.

Le Pr Peters a considéré qu’il n’y avait pas eu de signal de sécurité particulier dans l’étude avec un taux d'événements indésirables de grade 3-4 liés au traitement de 33% chez les patients traités par NIVO+IPI à faible dose, de 19% chez les patients traités par NIVO seul et de 36% chez les patients traités par chimiothérapie.

« Aucun biomarqueur n’est capable de sélectionner les patients »

Pour le Pr Peters, ces données devraient conduire à un changement de pratique. Mais qui doit recevoir quoi ? reste la principale question. « L’étape la plus importante est maintenant de développer un algorithme permettant de sélectionner, pour chaque patient, le meilleur traitement de première ligne pour améliorer la survie à long terme. Les données de suivi à cinq ans des essais utilisant les traitements de première ligne nous apprendront s'il y a réellement une option meilleure que d’autres ».

Sachant que dans cet essai, la charge des mutations tumorales (TMB) n’a pas été prédictive de l’efficacité de l’association IPI-NIVO, l’oratrice a ajouté qu’aujourd’hui « aucun biomarqueur n’est capable de sélectionner les patients et de dire qui va répondre à une combinaison d’immunothérapies ».

Interrogée en conférence de presse sur le fait que tous les patients aient été répondeurs indépendamment de leur statut PD-L1, elle a expliqué que le bénéfice chez les patients PD-L1 négatifs montre que l’inhibition CTLA-4 « induit une forte expression PD-L1 », ramenant l’immunité pré-existante à une « sorte de niveau moyen ».

Une réponse prolongée

Dans un commentaire, le Dr Marina Garassino (National Cancer Institute, Milan, Italie) a insisté sur la persistance de la réponse, permettant de prolonger la vie des patients en s’exemptant de régime à base de chimiothérapie.

Rappelant les récentes avancées obtenues avec le pembrolizumab, rapportées lors du congrès de l'ASCO 2019, elle a considéré que la « bonne nouvelle » était qu’il existe désormais de multiples options pour traiter les patients (pembro, chimio + immuno, immuno +immuno) en ajoutant qu’à l’ère de l’« empowerment», les patients allaient jouer « un rôle important dans la décision quant au traitement à utiliser en première ligne ».

Dans une vidéo pour Medscape édition française, le Pr Fabrice Barlesi (oncologue, Marseille), a considéré, lui aussi, que la durée prolongée de réponse faisait tout l’intérêt de l’immunothérapie : « 40 à 49% de patients toujours répondeurs à 2 ans, c’est, dans le cancer du poumon, appréciable » a-t-il commenté.

Pour en savoir plus sur les études sur les avancées thérapeutiques dans le cancer du poumon du congrès ESMO 2019, voir aussi la vidéo  Cancer du poumon : 4 études majeures au congrès ESMO 2019

La question du statut PD-L1 interpelle

Lors de la présentation en session plénière, le Dr Sanjay Popat, oncologue médical (Royal Marsden Hospital, Londres), invité à commenter l’étude, s’est livré à une analyse, en focalisant notamment sur l’intérêt de cette association d’immunothérapies en fonction du statut PD-L1 des patients. La question du statut PD-L1, qui ne répond pas à un continuum dans cette étude, a beaucoup fait parler.

Car si la combinaison d’immunothérapies fait mieux que la chimiothérapie indépendamment du statut PD-L1, une analyse détaillée des résultats de CheckMate 227 montre, en effet, des nuances. Ainsi, pour le Dr Sanjay Popat, l'association NIVO-IPI constitue une option de traitement chez les patients PD-L1 < 1% et chez ceux avec un PD-L1 > 50% (mais non chez ceux avec un PD-L1 entre 1 et 49%).

Sur cette même question de l’absence de continuum du statut PD-L1, le Pr Barlesi a, lui, considéré qu’« il n’y a pas d’explication franche ». « Cependant, a-t-il ajouté, lorsque l’on regarde la publication qui donne la répartition des résultats de survie globale selon, à la fois, le statut de la charge mutationnelle et le statut PD-L1 (cf Figure 3), on voit qu’il y a des résultats particulièrement intéressants chez les patients PD-L1 négatifs ayant une charge mutationnelle élevée. » Dans ce sous-groupe de patients (N = 213), la survie globale est effectivement quasiment doublée dans le bras combinaison d'immunothérapies versus chimio [20,4 vs 11,2 mois; 0,51 (0,30–0,87)], respectivement.

« Pour l’instant, contrairement à ce que l’on pouvait anticiper, il n’y a pas de marqueur particulier permettant de trouver la place de la combinaison mais on a une combinaison efficace supérieure à la chimiothérapie qui – de manière théorique – s’ajoute à l’arsenal thérapeutique pour ces malades avec un régime qui est sans chimio, ce qui répond à la demande d’une partie de nos patients » a conclu l’oncologue marseillais.

De son côté, l'oncologue londonien s’est interrogé sur la pertinence d’en faire un traitement préféré aux autres en raison des 33% d’effets indésirables de grade ¾ (versus 36% avec la chimiothérapie).

Quel est le bon partenaire ?

Parmi les questions que soulève l’essai et qui méritent une réponse, le Dr Popat s’est demandé quel allait être le devenir des effets indésirables chez ces patients et comment garder l’efficacité de l’association IPI-NIVO tout en en réduisant la toxicité. Enfin, a-t-il interrogé, « si l’ipilimumab améliore l’efficacité d’un anti-PD-1, le nivolumab est-il le bon partenaire ? ». Il a, à ce titre, mentionné l’essai en cours KN598 qui teste la combinaison pembrolizumab +/- ipilimumab en première ligne chez des patients atteints de cancer du poumon non à petites cellules à un stade métastatique (TPS ≥ 50%).

Réponses lors des prochains ESMO.

 

 

 

CheckMate 227 a été financée par Bristol-Myers Squibb.

 

Le Pr Solange Peters a rapporté des liens avec AbbVie, Amgen, AstraZeneca, Bayer, Biocartis, Bioinvent, Blueprint Medicines, Boehringer Ingelheim, Bristol-Myers Squibb, Clovis, Daiichi Sankyo, Debiopharm, Eli Lilly, F. Hoffmann-La Roche, Foundation Medicine, Illumina, Janssen, and Merck Sharp and Dohme. La liste des liens d’intérêt des autres auteurs figure dans la publication.

Le Pr Barlesi a déclaré des liens d’intérêt avec AstraZeneca, Bayer, Bristol-Myers-Squibb, Boehringer-Ingelheim, Eli Lilly Oncology, F. Hoffmann-LaRoche Ltd, Novartis, Merck, MSD, Pierre Fabre, Pfizer et Takeda.

 

 

 

 

 

 

 

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