Barcelone, Espagne—Lors du congrès de l’ESMO 2019, les résultats de trois études : PAOLA-1/ENGOT-ov25, PRIMA/ENGOT-OV26/GOG-3012 et VELIA /GOG-3005 évaluant l’administration précoce de différents anti-PARP dans le cancer de l’ovaire avancé ont été présentés en session présidentielle[1,2,3,4].
Pour rappel, les anti-PARP bloquent la réparation de l’ADN dans les tumeurs porteuses d’un défaut de recombinaison autologue dont font partie les mutations BRCA1 et BRCA2.
Les résultats de ces trois essais randomisés de phase III, tous positifs, ont suscité un réel enthousiasme auprès de l’audience d’oncologues alors que le cancer de l’ovaire avancé reste aujourd’hui de très mauvais pronostic.
En effet, en dépit d’une bonne réponse initiale au traitement standard par chirurgie, chimiothérapie et bévacizumab, 70 % des femmes atteintes d’un cancer de l’ovaire avancé rechutent à 3 ans et le taux de survie à 5 ans est respectivement de 20% et de 5 % pour les stades 3 et 4.
« L’objectif principal dans le cancer de l’ovaire est donc d’éviter la rechute après la première ligne de traitement parce que dans ce cas, la probabilité de guérison est très faible », a rappelé le Dr Ana Oaknin (Vall d´Hebron Institute of Oncology (VHIO) lors de la discussion des résultats des études PAOLA-1 et de PRIMA.
Après ces nouveaux résultats, les anti-PARP semblent désormais incontournables, en maintenance, pour prolonger la survie sans progression des patientes atteintes de cancer de l’ovaire avancé nouvellement diagnostiqué, et ce, même chez des patientes sans mutation BRCA.
« Le temps est venu de donner un anti-PARP à toutes nos patientes », a commenté le Pr Mansoor Raza Mirza (Copenhague, Danemark) lui aussi modérateur de la session.
Olaparib : après SOLO-1, PAOLA-1
Les résultats de l’essai PAOLA-1/ENGOT-ov25 présentés par le Dr Isabelle Ray-Coquard (Centre Léon Bérard, présidente du groupe GINECO, Lyon) ont montré qu’ajouter l’olaparib au traitement de maintenance standard du cancer de l’ovaire avancé augmentait la survie sans progression et ce même chez les patientes non BRCA mutées.
Pour rappel, les résultats de l’essai SOLO-1 présentés l’année dernière à l’ESMO ont démontré les bénéfices de l’olaparib seul en première ligne de maintenance versus le traitement standard chez les patientes avec mutations BRCA (RR=0,30, survie sans progression à trois ans à 60 % versus 25 % dans le groupe placebo). Des données « révolutionnaires » qui ont permis l’obtention d’une AMM pour l’olaparib dans le cancer de l’ovaire[5].
Les indications actuelles de l’olaparib dans le cancer de l’ovaire
Chez les patientes adultes atteintes d'un cancer épithélial séreux de haut grade de l'ovaire, des trompes de Fallope ou péritonéal primitif, l’olaparib est actuellement indiqué en Europe en cas de récidive, en monothérapie, dans le traitement d'entretien pour les tumeurs sensibles au platine quel que soit le statut BRCA.
En outre, il est indiqué en première ligne de maintenance dans le cancer de l’ovaire avancé avec une mutation du gène BRCA (germinale et/ou somatique) après réponse complète ou partielle à une chimiothérapie à base de platine.
PAOLA-1 : renforcer le traitement de maintenance chez plus de patientes
A la différence de SOLO-1, la population de PAOLA 1 est représentative de la majorité des patientes atteintes de cancer avancé car la population n’a pas été restreinte aux patientes BRCA mutées ou sélectionnée en fonction des résultats de la chirurgie, a souligné le Dr Ray Coquard lors de la présentation des résultats.
Dans PAOLA-1, les participantes à l’essai avaient un cancer de grade 3 ou 4 et étaient en réponse partielle ou complète après une première ligne de traitement de chimiothérapie incluant le bévacizumab.
En tout, 806 patientes ont été randomisées pour recevoir le traitement de maintenance olaparib (300 mg, 2x/j) plus bévacizumab (n=537) versus placebo plus bévacizumab (n=269). Les patientes ont reçu jusqu’à deux ans d’olaparib et 15 mois de bévacizumab.
Le temps médian entre le premier cycle de chimiothérapie et la randomisation était de 7 mois. Le suivi moyen a été de deux ans dans le bras olaparib et de 22,7 mois dans le bras placebo.
Le critère primaire de l’essai était la survie sans progression (critères RECIST). Les critères secondaires étaient le temps la survie globale, la tolérance et la qualité de vie.
Plus de 5 mois de survie sans progression gagnés avec l’ajout d’olaparib
Dans PAOLA-1, la survie sans progression s’est avérée significativement supérieure dans le bras olaparib+ bévacizumab versus le bras bévacizumab seul (22,1 mois vs 16,6 mois, IC95% : 0,49 à 0,72 ; RR=0,59 ; p<0,0001).
« D’autres études auparavant ont suggéré que l’association d’un antiangiogénique et d’un anti-PARP était bénéfique[6,7] et les résultats d’aujourd’hui le confirment. Au final, pour les participantes qui ont reçu la chimiothérapie, le bévacizumab et l’olaparib, la survie sans progression était en moyenne de près 30 mois. Il s’agit de la plus longue survie sans progression que nous avons jamais vue », a commenté Isabelle Ray Coquard.
En termes de tolérance, les effets secondaires étaient ceux déjà observés avec le bévacizumab en monothérapie et l’olaparib en monothérapie mais l’ajout d’olaparib n’a pas impacté la tolérance au bévacizumab ni la qualité de vie des patientes.
Dans le détail, des effets secondaires sévères (Grade ≥3) ont été rapportés par 57 % des patientes du bras olaparib versus 51 % des patientes du bras placebo. Les plus fréquents étaient l’hypertension (19% vs 30%) et l’anémie (17% vs <1%). En tout, cinq effets secondaires se sont avérés mortels, un dans le bras olaparib et quatre dans le bras placebo.
Les interruptions, les baisses et les arrêts de traitement sont survenus chez respectivement 54% vs 24%, 41% vs 7% et 20% vs 6% des patientes.
Aucune différence n’a été observée en termes de qualité de vie.
Concernant survie globale, les résultats ne sont pas matures et seront présentés l’année prochaine, a indiqué le Dr Ray Coquard à Medscape édition française.
PRIMA : le niraparib en monothérapie, en traitement d'entretien
Dans l’essai PRIMA, un autre anti-PARP a été testé en monothérapie, le niraparib. Il a été comparé à un placebo, après réponse à une chimiothérapie à base de platine, chez 733 patientes nouvellement diagnostiquées avec un cancer avancé.
Les résultats ont été simultanément publiés dans le NEJM. Ils montrent que le traitement de maintenance par niraparib en monothérapie (sans bévacizumab) augmente significativement la survie sans progression après une première ligne de chimiothérapie[6] : réduction du risque de progression de 38 % (p<0,001). Globalement, la survie sans progression moyenne était de 13,8 mois chez les patientes recevant le niraparib versus 8,2 mois dans le bras placebo.
Ces résultats obtenus avec un anti-PARP en monothérapie sont similaires à ceux observés dans l’essai PAOLA-1 (anti-PARP + bévacizumab), ils posent donc la question du bénéfice réel apporté par le bévacizumab, a souligné le Dr Oaknin lors de la discussion des résultats.
Niraparib dans le cancer de l’ovaire : quelles indications ?
A ce jour, le niraparib est indiqué en monothérapie pour le traitement d'entretien de patientes adultes atteintes d'un cancer épithélial séreux de haut grade de l'ovaire, des trompes de Fallope ou péritonéal primitif, sensible au platine et récidivant, qui sont en réponse (réponse complète ou partielle) à une chimiothérapie à base de platine.
VELIA : véliparib en sus de la chimiothérapie de 1ère ligne et entretien
Un autre essai, VELIA/GOG-3005, également publié dans le NEJM, a évalué l’intérêt du véliparib administré en sus de la chimiothérapie de première ligne (carboplatine et paclitaxel) puis continué en entretien versus placebo chez 1140 patientes de stades III et IV non traitées auparavant.
Il a montré que l’anti-PARP, qui n’a pas encore d’AMM en Europe dans le cancer de l’ovaire, augmentait significativement la survie sans progression quelle que soit la réponse au traitement de première ligne.
Dans la cohorte BRCA mutée de l’essai, la survie sans progression moyenne était de 34,7 mois chez les patientes recevant le véliparib versus 22 mois dans le bras placebo (RR=0,44, IC95% : 0,28-0,48, p<0,001). Dans la cohorte avec défaut de recombinaison autologue, HRD+ (incluant les BRCA mutées), la survie sans progression moyenne était de 31,9 mois chez les patientes recevant le véliparib versus 20,5 mois dans le bras placebo (RR=0,57, IC95% : 0,43-0,76, p<0,001).
Ces bons résultats en termes de survie sans progression étaient toutefois contrebalancés par des effets secondaires plus importants chez les femmes recevant du véliparib : plus d’anémie, de thrombocytopénie, de nausées et de fatigue.
« L’association de chimiothérapie et de l’anti-PARP a accru la toxicité pour les patientes et ne semble pas donner de résultats plus intéressants que les anti-PARP administrés seuls en première ligne », a commenté le Pr Raza Mirza lors de la discussion des résultats.
Comment sélectionner au mieux les patientes ?
D’après les résultats des analyses de sous-groupes pré-spécifiées des trois essais, deux populations de patientes ont tiré particulièrement avantage des anti-PARP, celles BRCA mutées et celles dont les tumeurs ont un défaut de recombinaison autologue (HRD+), ces dernières représentant 50 % des patientes.
Au final, les trois anti-PARP olaparib, niraparib et véliparib se sont montrés efficaces et offrent un bénéfice qui semble similaire chez les patientes avec des tumeurs BRCA mutées (PRIMA : réduction du risque de progression de 60 %, RR=0,40 ; PAOLA : réduction du risque de progression de 69 %, RR= 0,31, VELIA : réduction du risque de progression de 56 %, RR=0,44, p<0,001).
En parallèle, les sous-groupes de patientes BRCA non mutées et avec un défaut de recombinaison homologue (HRD+) ont été étudiés dans les trois études avec des résultats différents. Le niraparib en monothérapie et l’olaparib en sus du bévacizumab sont efficaces et offrent des bénéfices similaires chez ces patientes alors que les résultats avec le véliparib ne sont pas statistiquement significatifs (PRIMA : réduction du risque de progression de moitié, RR=0,50 ; PAOLA : réduction du risque de progression de 57 %, RR= 0,43, VELIA : RR=0,74 NS).
« Au final, une nouvelle population de patientes a été identifiée, HRD+ sans mutations BRCA, qui tire un bénéfice substantiel de l’association de traitements », a commenté le Dr Ray Coquard lors de la présentation des résultats de PAOLA-1.
Enfin, dans le sous-groupe de patientes sans défaut de recombinaison homologue (HRP, HRD-), les résultats diffèrent aussi entre les essais. Seul le niraparib en monothérapie montre un bénéfice clinique statistiquement significatif mais peu important (PRIMA : réduction du risque de progression de 32%, RR=0,68, p=0,02 ; PAOLA-1 : RR=0,92 NS ; VELIA : RR=0,81 NS).
Selon le Pr Mansoor Raza Mirza, l’absence de bénéfice dans l’essai PAOLA-1 sur les tumeurs HRP pourrait être lié à l’effet du bévacizumab (masquant celui de l’olaparib).
Selon l’expert danois, au final, l’essai PRIMA montre que les patientes HRP ont désormais le choix entre deux options thérapeutiques : le niraparib et le bévacizumab.
« Nous savons maintenant que nous pouvons utiliser les anti-PARP en première ligne de traitement de maintenance chez les patientes BRCA et HRD+, mais la question reste plus floue pour patientes sans défaut de recombinaison autologue HRD- », a commenté pour sa part le Dr Susana Banerjee (Royal Morsden Hospital, Londres, Royaume-Uni), invitée à modérer les résultats de PAOLA-1 lors de la conférence de presse de présentation des résultats.
La question du statut HRD est d’autant plus complexe que si le test de dépistage génétique (myChoice, Myriad) est disponible aux Etats-Unis, il ne l’est pas en Europe.
Questionnée sur ce point lors de la conférence de presse, le Dr Isabelle Ray Coquard a précisé que les chercheurs français travaillaient depuis peu avec les autorités de santé pour qu’un test soit accessible aux patientes françaises.
Reste également la question centrale du coût élevé de ces traitements pour un bénéfice qui semble beaucoup plus limité chez les patientes porteuses de tumeurs sans défaut de recombinaison homologue.
PAOLA-1 a été financée par ARCAGY Research, AstraZeneca, Merck & Co., Inc. and Hoffmann-La Roche. Isabelle Ray Coquard a des liens d’intérêt avec AstraZeneca, Clovis, Tesaro, PharmaMar, Roche, Genmab, MSD. Ana Oaknin a des liens d’intérêt avec Roche, AstraZeneca, PharmaMar, Clovis Oncology, et Tesaro. Susana Banerjee a des liens d’intérêt avec TESARO, Inc., Clovis, et AstraZeneca. Mansoor Raza Mirza a des liens d’intérêt avec : Karyopharm Therapeutics Inc., Metamark Genetics Sera Prognostics Inc. Advaxis, AstraZeneca, Boehringer Ingelheim, Cerulean, Clovis Oncology, Genmab, Novocure, Pfizer, Roche, Sotio Tesaro, 2X Oncology et Tesaro. |
Actualités Medscape © 2019
Citer cet article: Cancer de l’ovaire avancé : bientôt des anti-PARP pour toutes les patientes ? - Medscape - 29 sept 2019.
Commenter