ESMO 2019 : des études très attendues dans le cancer du sein, de l’ovaire et du poumon

Liam Davenport, Aude Lecrubier

Auteurs et déclarations

27 septembre 2019

Barcelone, Espagne — Plus de 24 000 spécialistes mondiaux du cancer vont se réunir du 27 septembre au 1er octobre à Barcelone à l’occasion du congrès annuel de la Société européenne d'oncologie médicale (ESMO).

L’occasion de le faire le point sur les dernières avancées en oncologie, avec une nouveauté cette année : l’ESMO se tiendra conjointement avec le congrès de l’EACR, association européenne pour la recherche sur le cancer.

Pour ce cru 2019, sont particulièrement attendues les données de plusieurs études phares dans le cancer du sein, du poumon, de l'ovaire et dans quelques cancers rares.

Cancer du sein HR+, HER2 négatif : de l’intérêt des ICDK4/6

En ce qui concerne le cancer du sein, le deuxième symposium présidentiel (Dimanche 29, Auditorium de Barcelone, 16h30-18h00) comportera deux présentations importantes sur l’intérêt des inhibiteurs CDK4/6 dans le cancer du sein avancé HR+, HER2-.

« Elles révéleront des données de survie globale attendues depuis longtemps, a déclaré le Pr Pilar Garrido (oncologue médicale, Université d'Alcalá, Madrid, Présidente de la commission médias de l’ESMO) à notre confrère de Medscape.com Liam Davenport.

Il s'agit de l'essai MONARCH-2 comparant l’association abémaciclib (Verzenio®, Eli Lilly) plus fulvestrant au fulvestrant seul chez des patientes avec un cancer du sein avancé, résistant à l’hormonothérapie, ménopausées ou non.

Et de l'essai MONALEESA-3 qui a comparé l’association ribociclib [Kisqali®, Novartis] et fulvestrant au fulvestrant seul en première ou seconde ligne de traitement chez des patientes ménopausées.

Pour rappel, en juin, à l’ASCO 2019, l’étude MONALEESA-7 a montré qu’ajouter le ribociclib au traitement endocrinien de première intention des femmes non-ménopausées atteintes d'un cancer du sein avancé HER2 négatif améliorait de manière significative leur survie globale.

Changement de pratique dans le cancer de l'ovaire ?

Le cancer de l'ovaire fera, lui aussi, l'objet de plusieurs études clés qui, selon le Pr Garrido, « pourraient potentiellement changer le traitement standard ».

En session présidentielle, le Pr Isabelle Ray Coquard, oncologue médical au Centre Léon Bérard, spécialiste des tumeurs gynécologiques, présentera les résultats positifs de l’étude PAOLA-1/ENGOT-ov25 dont elle est le principal investigateur.

L’essai a évalué l’intérêt d’ajouter l’inhibiteur de PARP olaparib (Lynparza®, AstraZeneca) au bevacizumab comme traitement d’entretien chez des patientes nouvellement diagnostiquées avec un cancer de l'ovaire avancé et ayant déjà reçu une ligne de chimiothérapie à base de platine.

« Le principal enseignement de cette étude », a indiqué le Pr Garrido, « est que cette stratégie de double maintenance potentielle serait accessible à tous les patients, quel que soit leur statut de mutation BRCA1 / 2. »

« Il faut attendre d’avoir les données », précise-t-elle, « mais cela pourrait impliquer une extension de l'utilisation de l'olaparib (dans ce cas) à une population plus large. »

Nouvelles données dans le cancer du poumon

Les résultats de deux études importantes sont également attendus dans le cancer du poumon, les uns portant sur une thérapie ciblée, l’autre sur l'utilisation de l'immunothérapie. Elles seront présentées lors du premier symposium présidentiel.

Le premier, l’essai de phase III FLAURA a été entrepris chez des patients atteints d’un cancer bronchique non à petites cellules (CBNPC) présentant une mutation de l’EGFR, ce qui représente environ 10% à 13% des patients d’origine caucasienne.

Dans FLAURA, l’osimertinib, inhibiteur de tyrosine kinase (TKI) anti-EGFR de troisième génération, a été comparé à la prise en charge standard par erlotinib ou gefitinib en traitement de première ligne.

« Nous savions déjà que les résultats étaient positifs sur la survie sans progression avec l'osimertinib (Tagrisso®, AstraZeneca) en première ligne, mais cette année, nous allons en savoir plus sur les résultats de survie globale, » a-t-elle expliqué.

« D'après un communiqué de presse de la firme pharmaceutique, il semble que l'étude soit positive, mais nous attendons d’en savoir plus sur l’ampleur du bénéfice. »

Il est nécessaire d’avoir ces données « pour savoir si le débat sur la meilleure séquence de traitement ITK-EGFR est clos. Si le bénéfice n'est pas assez important, nous continuerons à débattre ».

Toute la question est de savoir s’il faut préférer l’osimertinib d’emblée (alors qu’il n’y a pas d’autre option ITK-EGFR en cas de résistance au traitement) ou s’il faut débuter par des ITK-EGFR plus anciens puis passer à l’osimertinib en cas de résistance au traitement.

L’autre essai, CheckMate 227, a comparé une association d’immunothérapie à une chimiothérapie à base de platine en première ligne de traitement chez des patients atteints d’un CPNPC avancé. L'immunothérapie en question a consisté en une association de l’anti-PD1 nivolumab (Opdivo®, Bristol-Myers Squibb) et de l’anti-CTLA4 ipilimumab à faible dose (Yervoy®, Bristol-Myers Squibb).

Les premières données sur la charge mutationnelle tumorale comme moyen de sélection des patients ont déjà été présentées à l'ASCO 2018. Le Pr Garrido a indiqué que jusqu’ici les résultats sur la survie sans progression et la réponse tumorale étaient « assez intéressants » mais que ceux sur la survie globale étaient négatifs.

« Cette année, les résultats seront basés sur l'autre biomarqueur, le ligand programmé de mort 1 (PD-L1), qui est déjà utilisé dans les essais cliniques », a-t-elle précisé.

Ces nouvelles données indiqueront si l’immunothérapie combinée peut être utilisée en première ligne à la place de la chimiothérapie pour certains sous-groupes de patients.

Cancers rares : des avancées

Dans le troisième symposium présidentiel (30 septembre, Auditorium de Barcelone, 16h30-18h15), se sont les cancers rares qui seront à l’honneur.

Seront présentés les résultats de l'essai ClarIDHy sur l'ivosidenib (Tibsovo®, Agios Pharmaceuticals) versus un placebo dans le cholangiocarcinome avancé (cancer du canal biliaire) avec mutation IDH1, une forme très rare de la tumeur.

Selon le Pr Garrido : « si l'étude est positive et que les résultats sont suffisamment bons, il est possible que nous ayons une option pour un patient sur six présentant ce type de maladie à un stade avancé. » Actuellement, ces patients « ont très peu d'options, c’est donc vraiment intéressant », a-t-elle ajouté.

Au cours de la même session, seront également dévoilés les résultats de l’essai IMvigor130, qui a comparé l’association d’atézolizumab (Tecentriq®, Genentech) et d’un placebo à un traitement de chimiothérapie à base de platine dans le traitement du carcinome urothélial localement avancé ou métastatique (cancer de la vessie).

Pilar Garrido a également mis en avant l’étude de phase 3 INVICTUS, qui sera présentée par le Pr Jean-Yves Blay (directeur général du Centre Léon Bérard et oncologue médical spécialiste des sarcomes et tumeurs rare, président du Conseil scientifique de l’ESMO). Cette étude de phase 3, menée en double aveugle contre placebo, a évalué la sécurité et l'efficacité du DCC-2618 (ripretinib) chez des patients présentant des tumeurs stromales gastro-intestinales avancées, ayant reçu au moins quatre lignes de traitement.

« Encore une fois, d'après un communiqué de presse de la firme pharmaceutique, il semble que l'étude INVICTUS démontre un certain bénéfice dans ce contexte », a déclaré le Pr Garrido. Ce serait une option « pour un petit sous-groupe de patients ».

Mais aussi…

Parmi les sessions ne dévoilant pas de nouvelles données cliniques, certaines seront consacrées à des sujets socio-professionnels brûlants.

Un symposium sera consacré à l'épuisement professionnel et au soutien psychologique des oncologues, professionnels de santé particulièrement touchés par le burnout (Auditorium Toledo, 30 septembre).

Aussi, d’autres interventions seront consacrées aux problématiques très actuelles de la pénurie en médicaments anticancéreux ou du coût élevé des nouvelles thérapies anticancéreuses.

Les résultats de la première étude française corrélant le prix des nouveaux médicaments anticancéreux à leur valeur ajoutée, seront présentés le 30 septembre à 16h30 dans l’Auditorium Salamanca.

Le Pr Garrido a des liens d’intérêt avec AbbVie, AstraZeneca, Blueprint Medicines, Boehringer Ingelheim, Bristol-Myers Squibb, Janssen, Gilead, Guardant Health, Pfizer, Lilly, Novartis, MSD, Roche, Rovi, Sysmex, Takeda et Novartis.

 

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