Cancer du sein : anti-PARP et immunothérapie à l’honneur à l’ESMO 2019

Pr Frédérique Pénault-Llorca, Dr Véronique Dieras

Auteurs et déclarations

16 octobre 2019

Enregistré le 1er octobre 2019, à Barcelone, Espagne

L’actualité du cancer du sein de l’ESMO 2019 commentée par Frédérique Penault-Llorca et Véronique Dieras : les études BROCADE-3, IMpassion130, Keynote-522, MORNARCH-2 et MONALEESA-3, et plus encore.

TRANSCRIPTION

Frédérique Penault-Llorca — Bonjour, je suis Frédérique Penault-Llorca, pathologiste au Centre Jean­Perrin, à Clermont-Ferrand, et je suis avec le Dr Véronique Diéras, oncologue médicale au Centre Eugène-­Marquis, à Rennes. Nous sommes à l’ESMO 2019, à Barcelone, et nous allons discuter des actualités marquantes dans le cancer du sein.

BROCADE-3 : anti-PARP + chimio chez les patientes BRCA1/BRCA2

Frédérique Penault-Llorca — Tout d’abord, je voudrais commencer par ta présidentielle, parce qu’on était extrêmement fier que ta présentation ait été choisie en présidentielle[1]. Donc tu as présenté BROCADE 3.

Véronique Diéras — Merci. Oui, en effet, BROCADE 3 est la première étude de phase III qui évalue l’apport d’un inhibiteur de PARP à une chimiothérapie à base de platine/taxol chez les patientes qui ont une mutation constitutionnelle BRCA1 ou BRCA2 : donc c’est le cancer du sein métastatique qui ne devait pas avoir reçu plus de deux lignes de chimiothérapie, et donc qui a été randomisé sur un ratio 2 : 1 entre véliparib/carboplatine/paclitaxel versus placebo/carboplatine/paclitaxel.

Ce qui était très important, c’est que lorsqu’on arrêtait la chimiothérapie pour toxicité sans progression, les patientes avaient une maintenance par véliparib/placebo/contrôle. Et le bras placebo se voyait offert un cross-over, à progression. Important aussi : on voit que le bras contrôle est très fort, puisque nous sommes à plus de 12 mois de survie sans progression médiane dans le bras contrôle. Mais l’apport du véliparib apporte plus de deux mois en termes de survie sans progression. Et vraiment, cet effet est durable puisqu’à deux et trois ans, beaucoup plus de patientes dans le bras véliparib sont sans progression et en vie, et notamment à trois ans, 26 % versus 11 %, ce qui est vraiment important. En termes de survie, les données ne sont pas matures, mais c’était une analyse planifiée au moment du premier objectif de PFS – on a une survie médiane de près de trois ans dans le bras véliparib, ce qui est extrêmement encourageant compte tenu de cette population, en sachant qu’il y avait la moitié des patientes qui présentaient un cancer du sein triple négatif.

Frédérique Penault-Llorca — C’est sûr que ce sont des signaux extrêmement intéressants et des perspectives intéressantes avec les inhibiteurs de PARP.

IMpassion130 : travaux de concordance

Frédérique Penault-Llorca — De mon côté, j’ai retenu des essais d’immunothérapie. Tout d’abord IMpassion130 : le cancer du sein triple négatif métastatique traité par atézolizumab plus nab-paclitaxel, versus atézolizumab — on avait déjà eu les résultats de cette étude qui montrait un bénéfice de l’atézolizumab pour les patientes qui présentaient au moins 1 % de positivité de PD-L1 dans les cellules immunes. Là, a été présenté un travail qui comparait différents anticorps, parce qu’on est face à une difficulté : comme vous le savez, en immunothérapie, dans le cancer du poumon et dans d’autres types de cancer, on est aussi parfois obligé de tester PD-L1. Il y a plusieurs anticorps qui sont disponibles et c’est vrai que l’anticorps dans cette étude, qui est le SP142, n’est pas un anticorps qui est utilisé par exemple dans le cancer du poumon ou dans les cancers ORL. Donc, ont été présentés des travaux de concordance, mais dans l’essai clinique, qui sont intéressants parce qu’ils regardent si le bénéfice observé persiste, et en fait il n’y a qu’avec l’anticorps SP142, donc à 1 % de marquage dans les cellules immunes, où il y a vraiment une significativité dans l’étude. Alors j’aimerais juste insister sur plusieurs  points. D’une part, c’est vrai qu’on est toujours un peu alerté par ce 1 % de positivité. Il faut le remettre à l’échelle de la positivité dans les cellules immunes, parce qu’en fait, un marquage très fort dans les cellules immunes, c’est 10 %. Donc on n’est pas – lorsqu’on résonnait sur les cellules tumorales — à du 100 % de marquage ou 50 % de marquage de cellules tumorales, donc c’est quelque chose qui a quand même une signification importante par rapport à ce qu’on attend d’un fort marquage. Néanmoins, aujourd’hui, en tout cas dans le contexte de l’atézolizumab et donc en France et dans le contexte de notre ATU, il s’agit du marquage avec le SP142, et donc supérieur ou égal à 1 % de cellules immunes marquées. Il va donc falloir qu’on s’adapte au niveau des pathologistes.

KEYNOTE-522 : pembrolizumab dans le cancer triple négatif

Une autre étude très intéressante, KEYNOTE-522, a été présentée en plénière.  Là on est sur du néoadjuvant, avec du pembrolizumab, donc toujours dans les cancers du sein triple négatifs avec un bras contrôle de chimiothérapie tout à fait conséquent dans cette étude. On observe une augmentation très significative de la réponse pathologique complète dans ce groupe-là, et par contre, il n’y a pas de relation avec le taux de PD-L1. C’est-à-dire qu’on voit un peu plus de réponses pathologiques complètes mais ce n’est pas significatif. Donc on voit que la combinaison du pembro avec une chimiothérapie avec des sels de platine nous apporte des taux de réponse pathologique extrêmement importants, c’est un premier signal qui est fort. Les données de survie ne sont pas matures, néanmoins on voit déjà une très belle séparation des courbes et on ne voit pas ce qui va faire changer les choses, donc on anticipe vraiment un effet important de cette stratégie. Alors il faut bien sûr attendre les données de survie — mais il y a une attente importante.

Véronique Diéras — Oui. Je suis tout à fait d’accord, d’autant plus que dans cette étude néoadjuvante, le bras contrôle chimiothérapie est optimal avec intégration du platine, et de plus, en effet, cette étude a vraiment été, sur le plan statistique, designée pour pouvoir répondre sur la survie sans événement. C’est très important pour bien corréler l’augmentation du taux de réponse complète pathologique avec la survie sans maladie par la suite.

RH+ HER2- : les anti-CDK 4/6 en première ligne

Frédérique Penault-Llorca — Quelques nouvelles des RH+ et un peu d’HER2+, aussi ?

Véronique Diéras — Alors surtout je dirais plutôt dans les RH+ HER2- ; nous savons en fait que toutes les études de phase III qui ont évalué l’apport d’un inhibiteur de CDK 4/6 à une hormonothérapie ont été positifs avec une amélioration notable de la survie sans progression. Et ce qui était important, c’est que toutes ces études de phase III ont des caractéristiques d’inclusion différentes, mais quand on regarde les hazard ratio pour la survie sans progression, ils sont tous très similaires. Je pense que la démonstration de preuve de concept de l’activité d’un inhibiteur de CDK 4/6 dans cette population est faite, elle est indiscutable. Jusqu’à aujourd’hui, on avait très peu d’essais dans la population RH+ HER2-. Il n’y en avait pas qui avaient démontré un bénéfice en survie globale et pour la première fois cette année (on a eu à l’ASCO MONALEESA-7 et ici nous voyons arriver MONARCH 2 et MONALEESA-3) on a des études qui démontrent également un bénéfice en survie globale, ce qui est un point majeur dans notre population de patientes. Après, la question se pose : est-ce un effet de classe ou un effet de l’agent, ribociclib et abémaciclib, présenté cette année ? À mon avis, on ne peut pas faire de comparaison entre les essais parce que les caractéristiques d’inclusion des populations sont différentes et également le plan statistique est également différent ; de plus, le critère de définition d’hormonosensibilité ou de résistance est aussi différent. Mais là encore, si on regarde le hazard ratio, ils sont extrêmement similaires.

Donc la conclusion est de se dire que, clairement, on ne peut pas envisager de ne pas traiter une patiente qui a un cancer du sein métastatique RH+ HER2- sans inhibiteur de CDK 4/6. C’est très réconfortant. En plus, le suivi plus prolongé montre qu’il n’y a pas de signal de toxicité nouveau et ce qu’on souhaite tous dans la communauté médicale — parce qu’après on peut essayer de faire des analyses en sous-groupes pour savoir quelles patientes bénéficient le plus ou pas — c’est d’avoir la méta-analyse de tous ces grands essais de phase III, qui nous permettra de mieux sélectionner les patientes candidates à tout de suite la première ligne, ou à la deuxième ligne.

Frédérique Penault-Llorca — Oui, parce qu’on n’a toujours pas de biomarqueur.

Véronique Diéras — Toujours pas de biomarqueur, non.

RH+ HER2+ : actualité de l’immunothérapie

Véronique Diéras — Pour les HER2+, dans l’immunothérapie, il y a eu l’étude KATE2, mais je rappellerai quand même que l’objectif principal est négatif, ils n’ont pas démontré. Après, il y a des analyses post-hoc qui ont regardé la population PD-L1 positif, il y a un signal qu’on avait eu dans PANACEA, mais c’est trop tôt pour dire vraiment l’apport de l’immunothérapie – il y a, là encore, un sous-groupe et je crois qu’avec HER2+, on va faire ce qu’on fait dans les triples négatifs, c’est-à-dire envisager le traitement selon la diversité, l’hétérogénéité de ces populations. Donc dans une sous-population, nous avons une population HER2 RH positive et là aussi, il y avait l’essai monarcHER avec l’abémaciclib et trastuzumab et fulvestrant, et le bras trastuzumab/fulvestrant/abémaciclib semble apporter un bénéfice supplémentaire par rapport au bras abémaciclib/trastuzumab ou trastuzumab/chimiothérapie. Là encore, il y a très certainement une piste à creuser — ce n’est pas définitivement la preuve de concept, mais beaucoup d’essais sont en cours dans cette population RH+ HER2+.

Frédérique Penault-Llorca — Ce qu’on peut dire, c’est que c’était un grand ESMO pour le cancer du sein, avec de très belles études.

Véronique Diéras — De très belles études, ne serait-ce que d’avoir quatre sessions présidentielles sur le cancer du sein, c’est un message très fort.

Frédérique Penault-Llorca — Merci beaucoup – et on vous conseille, maintenant, d’aller suivre les articles qui correspondent à ces études, qui ont pratiquement tous été publiés le même jour que les sessions présidentielles. Merci.

 

Commenter

3090D553-9492-4563-8681-AD288FA52ACE
Les commentaires peuvent être sujets à modération. Veuillez consulter les Conditions d'utilisation du forum.

Traitement....