France – Cet été nous avions publié les résultats de notre enquête annuelle sur la rémunération des médecins français. Les données complètes de l’enquête internationale, qui a interrogé plus de 20 000 praticiens européens (britanniques, allemands, espagnols, portugais) et américains (États-Unis, Brésil, Mexique) est maintenant disponible (International Physician Compensation Report 2019) et permet de mieux comprendre comment médecins français se situent par rapport à leurs homologues étrangers sur les revenus et les conditions de travail. Sur de nombreux critères, la très vaste étude de Medscape révèle plusieurs caractéristiques françaises. Ainsi, les médecins sont indéniablement les champions du temps de leur exercice médical passé avec les patients avec 45 heures par semaine pour les hommes, et 43 heures pour les femmes. Ce sont aussi – et ceci explique peut-être cela – ceux qui se sentent les moins satisfaits par leur rémunération (26%), à égalité avec les médecins mexicains (26%) et devant les médecins espagnols (16%).
Après les Américains, les Allemands et les Anglais en termes de revenus
En termes de revenus, avec une moyenne de 98 339 euros annuels, les médecins français se classent en quatrième position, loin derrière les médecins américains (285 031€), les Allemands (148 435 €) et les Anglais (125 647 €). Ils sont néanmoins mieux rémunérés que leurs homologues espagnols (57,361 €), brésiliens (52 809 €), ou mexicains (20,032 €). Des données, pour les médecins français libéraux, corroborées par la Carmf, qui établit le bénéfice net commercial en 2017 des médecins libéraux à 91 921 euros. En revanche, le salaire net d'un praticien hospitalier au 13e échelon (après 24 ans d'ancienneté) en France est de 79 000 euros. Loin, donc, des 98 339 euros.
Coût et longueur de la formation : les Etats-Unis en tête
Mais si les médecins américains sont ceux qui gagnent le mieux leur vie, il faut se rappeler que ce sont aussi ceux qui déboursent le plus pour se former. Le coût de la formation médicale dans le public est de 35 000 dollars aux États-Unis (et 50 000 dollars dans le privé), contre 800 dollars (en équivalent) en France dans le public. En Allemagne, la formation dans le public est moins élevée qu'en France, mais une offre privée a récemment émergé, dont le coût est compris entre 19900 dollars et 38200 dollars. Pareil pour l'Espagne, où l'offre publique est comprise entre 600 et 1700 dollars concurrencée par une offre privée comprise entre 6K$ et 17K$. En termes de durée d'étude, les États-Unis trustent là aussi la première position puisque les cycles primaires et secondaires sont de huit ans, suivis de 3 à 7 ans d'internat. Ce qui porte, au maximum, à quinze ans la durée d'études. En Allemagne la durée de formation peut aller jusqu'à 13 ans, jusqu'à 12 ans en Grande-Bretagne, et jusque 11 ans en France.
Inégalités salariales femmes/hommes : la France peut mieux faire
Mais quand il s’agit d’écart salarial hommes/femmes, tous les pays se valent avec des chiffres qui vont de 20% en Allemagne à 29% au Brésil pour la médecine générale. Avec 21%, la France n’est pas la plus discriminante mais peut mieux faire. D’autant qu’avec la spécialisation, ces écarts augmentent pour atteindre des différences de 43% en France ! contre 33% aux Etats-Unis, 38% en Royaume-Uni et même 47% en Allemagne.
Les médecins français aussi insatisfaits de leur rémunération que les Mexicains
Sans surprise, les médecins les mieux payés sont aussi les plus satisfaits de leur rémunération. Ce sont les spécialistes américains (56%) qui se considèrent comme le plus justement récompensé pour leur travail, suivis par les généralistes américains (53%), les généralistes allemands (45%), puis les spécialistes allemands (44%). Les Français, généralistes ou spécialistes, sont très peu satisfaits (26% pour les généralistes et 26% pour les spécialistes) de leur bénéfice non commercial (BNC), à égalité avec les Mexicains (26% pour les généralistes et 26% pour les spécialistes). Seuls les médecins espagnols font pire en termes de satisfaction salariale avec seulement 16% des généralistes et 26% de spécialistes se considérant payés de façon adéquate.
La France, championne du temps passé avec les patients…
Indéniablement, s’il est un domaine où les médecins généralistes français arrivent en tête tous pays confondus, c’est celui du temps passé auprès de leurs patients, avec 45 heures par semaine pour les hommes, et 43 heures pour les femmes. Aux États-Unis, à titre de comparaison, les généralistes masculins passent 40 heures auprès de leurs patients, contre 36 heures pour leurs homologues femmes. Explication avancée : les constantes réductions d'effectifs en France, que ce soit dans les hôpitaux, avec la crise des urgences et de la psychiatrie en point d’orgue, ou chez les libéraux, avec les départs à la retraite qui ne trouvent pas de remplaçants et les déserts médicaux.
…mais pas de celui à faire l’administratif
Autre possibilité : les médecins français sont moins accaparés que leurs homologues étrangers par la "paperasserie". Ce sont eux qui passent le moins de temps sur les tâches administratives : seuls 11% des médecins français y consacrent plus de 25 heures par semaine contre 24% des médecins allemands, 18% des médecins américains et 17% des médecins britanniques. La majorité des médecins français passent plutôt entre 10 et 24 heures par semaine sur les tâches administratives, c’est-à-dire moins que les Allemands (59%), les Anglais (57%) et les médecins américains (56%). Ces derniers se disent accaparés par le report de données médicales dans le dossier médical informatisé (electronic healthcare record ou EHR), et les exigences en termes de report d’informations de divers programmes gouvernementaux – un temps vécu comme une contrainte et dont les médecins français semblent moins dépendants.
Les Français, moins satisfaits de leurs résultats professionnels que les autres
Si la majorité des médecins semblent insatisfaits de leurs revenus, ils sont, en revanche, dans l’ensemble – et c’est une bonne nouvelle – contents de leurs résultats professionnels, avec une échelle de réponses de médecins satisfaits de la façon dont ils réalisent leur travail qui va de 91% pour américains, les plus satisfaits, à 71% des français, la nationalité la moins satisfaite. Pour ces derniers, « être bon dans ce que ce fait « et « trouver des réponses aux problèmes qui se posent » est ce qui satisfait la majorité d’entre eux (62%) – une réponse qui les différencie des autres nationalités pour qui cet item n’entre en compte que pour 24% à 36% des autres médecins. Le relationnel avec les patients est mentionné comme facteur de satisfaction par 15% des médecins français, tandis que l’argent gagné n’entre en compte que pour 7% des médecins français – contre 12 % des américains et des allemands, 18% des Mexicains et 23% des Brésiliens –, soit qu’ils fassent ce métier par pur altruisme, soit qu’ils considèrent qu’ils n’en gagnent pas assez au vu du travail effectué.
Beaucoup referait les mêmes choix
À la question : quels sont les plus grands défis que vous ayez à affronter dans le cadre de votre exercice médical ? Les Français et les Allemands (39%) sont les plus nombreux à se plaindre des lois et de la réglementation, suivi pour les Français par le temps et la charge de travail (27%), dénoncé aussi par 36 % des médecins brésiliens et 31% des médecins espagnols. Pour les médecins de Grande-Bretagne, ce sont leurs relations avec le NHS qui semblent être le point le plus préoccupant (50%).
Malgré cela, la majorité des médecins, quel que soit leur pays, choisirait de nouveau le métier de médecin, si c'était à refaire. Mais c'est en Grande-Bretagne que le nombre de médecins qui changeraient de voie est le plus important (39%) suivis par la France (34%).
Chez les spécialistes, on est majoritairement contents de son choix et on referait le même : les médecins américains à 79%, suivis par les Anglais et les Allemands à 77%.
C'est en Espagne et au Brésil que les spécialistes seraient les plus enclins à changer de spécialités (35%). En France, on se situe entre ces deux tendances, avec 31% des spécialistes qui changeraient de spécialité si c'était à refaire.
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Citer cet article: Grille des revenus : les médecins français sont-ils les plus à plaindre ? - Medscape - 24 sept 2019.
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