Stockholm, Suède -- La grossesse constitue un défi en cas de SEP d'un côté parce que si elle est envisagée cela peut influencer le choix thérapeutique, de l'autre parce que se pose alors la question de la continuation ou de l'arrêt du traitement lorsqu'elle est en cours. Cette question est tout particulièrement importante pour les femmes dont la SEP est très active et que l'on peut donc difficilement envisager de laisser sans traitement.
Lors de l' ECTRIMS 2019 à Stockholm, le DrDoriana Landi (Université de Rome, Italie) a présenté les données d’une étude observationnelle concernant l'impact du natalizumab sur l'évolution de la SEP pendant la grossesse et le post-partum[1].
Les bases du défi
L'effet du natalizumab sur le système immunitaire commence à s'estomper 8 à 12 semaines après la dernière administration et disparaît quasi complètement après 16 semaines [2]. Cela explique que même en cas de grossesse survenant très vite après un arrêt du natalizumab en raison d'un désir de grossesse, le risque de poussée soit élevé dans le courant du premier trimestre.
Il a été montré que ce risque pouvait être très fortement réduit (facteur 3) lorsque l'administration de la dernière dose de natalizumab était effectuée à distance du dernier cycle menstruel [3] et des données allemandes ont même montré que les injections pouvaient se poursuivre sans encombre pour la mère et pour l'enfant jusque la 30ème semaine de gestation [4]. Mieux encore ces données présentées lors de l'ECTRIMS 2017 suggéraient qu'en cas de SEP très agressive ou de forts handicaps, la poursuite au-delà de 30 semaines pouvait s'envisager pour éviter le rebond du post-partum.
En dépit du très petit nombre de preuves formelles, les directives britanniques recommandent de continuer le natalizumab jusqu'à 34 et même 40 semaines de gestation et soucieuces des éventuels problèmes fœtaux, conseillent de limiter cette exposition en administrant le dernière dose vers la 34ème semaine et en recommençant les administrations 8 à 12 semaines plus tard pour diminuer le risque de rebond.
Les recommandations européennes, en revanche, indiquent que » chez les femmes avec une maladie hautement active et persistante, il sera généralement recommandé de reporter la grossesse ». Mais que « pour celles qui décident tout de même de devenir enceinte ou qui ont une grossesse imprévue, un traitement par natalizumab (Tysabri®) pendant la grossesse peut être envisagé après une discussion sur les risques potentiels ».
Stop ou encore ?
Afin de déterminer la meilleure approche chez les femmes sous natalizumab planifiant une grossesse, l'équipe italienne a comparé les données maternelles et fœtales de 3 groupes de patientes provenant de 19 centres de la SEP en Italie :
groupe 0 (31 grossesses) dans lequel le natalizumab a été arrêté pour désir de grossesse et aucune administration n'a donc eu lieu après la conception ;
groupe 1 (30 grossesses) dans lequel le natalizumab a été suspendu après la conception dans le cadre d'un délai pouvant aller jusqu'à 90 jours après les dernières règles ;
groupe 2 (28 grossesses) dans lequel le natalizumab a été poursuivi au-delà des 90 jours après les dernières règles (jusqu'à la 28ème semaine dans la majorité des cas). Dans ce groupe, 5 injections ont été administrées en moyenne pendant la grossesse (3-6).
Les bénéfices maternels
Dans le cadre d'un suivi de 12 mois de chaque grossesse, les résultats montrent que la poursuite du natalizumab (y compris avec des doses réduites ou plus espacées) va de pair avec une réduction du risque de poussée et que ce risque est même annihilé lorsque l'exposition pendant la grossesse dépasse les 90 jours. Le risque de nouvelle poussée pendant la grossesse est de 1,06 (IC95%: 0,69-1,54) dans le groupe 0, de 0,49 (IC95%CI:0.25-0.84) dans le groupe 1, et de 0,09 (IC95%:0,01-0,27) dans le groupe 2.
Parallèlement, le risque de poussée post-partum est le plus élevé chez les femmes non exposées au natalizumab pendant leur grossesse et le risque constaté chez les femmes exposées est très largement dépendant du délai avant reprise du traitement après l'accouchement. Le taux de rechute post-partum est respectivement de 0,39 (IC95%CI:0,21-0,65) dans le groupe 0, de 0,23 (IC95%:0,10-0,45) dans le groupe 1 et de 0,10 (IC95%:0,04-0,30) dans le groupe 3.
Les investigateurs avancent donc qu'en cas d'exposition au natalizumab pendant le troisième trimestre, il est souhaitable de reprendre les injections au cours des 3 mois qui suivent la dernière injection pendant la grossesse pour éviter un double rebond (post-partum plus récepteur VLA-4 insuffisamment saturé pour empêcher l'adhésion des cellules T activées aux cellules endothéliales).
Outre le risque de poussées, l'arrêt du traitement expose à un risque d'aggravation du handicap apprécié via l'EDSS.
De la mère au fœtus
Ces bénéfices pour la mère ne sont pas obtenus au détriment de la taille, du poids et de l’âge gestationnel des fœtus qui sont similaires dans les 3 groupes évalués. Le poids de naissance est légèrement inférieur à celui des grossesses classiques, mais sans différence entre les 3 groupes.
Comme dans d’autres études auparavant [5], une anémie a plus souvent été constatée chez les foetus des groupes 2 (5), mais il s'agissait surtout de prématurés (3/5).
Concernant les malformations congénitales, elles ont été observées chez un nouveau-né dans le groupe 0 (mineure), chez 4 nouveaux nés dans le groupe 1 (4 mineures et une majeure) et chez 3 nouveaux nés du groupe 2 (une mineure et 4 majeures). Toutefois, la plupart des malformations dans le groupe 2 ont concerné une grossesse gémellaire, a souligné Doriana Landi, ce qui peut constituer un bias.
En conclusion, pour l’oratrice : « pendant la grossesse, continuer le natalizumab diminue le risque de poussées chez les femmes et n’est pas associé à des risques foetaux majeurs ».
Les investigateurs toutefois insistent sur le fait que des populations plus importantes doivent être suivies pour apprécier pleinement l'incidence de complications fœtales en cas d'exposition au natalizumab pendant la grossesse et pour pouvoir bien conseiller les patientes en pratique clinique.
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Citer cet article: Natalizumab et grossesse, continuer ou interrompre le traitement ? - Medscape - 23 sept 2019.
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