Sclérose en plaques : l’essentiel du congrès ECTRIMS 2019

Pr Pierre Clavelou, Pr Bruno Brochet

Auteurs et déclarations

23 septembre 2019

Enregistré le 12 septembre 2019, à Stockholm, Suède

Pierre Clavelou et Bruno Brochet commentent les sessions du congrès européen sur la sclérose en plaques : focus sur la sécurité des traitements, notamment autour de la grossesse, les greffes de cellules hématopoïétiques ou mésenchymateuses, les nouveautés en imagerie/IRM et la cognition, et enfin les nouvelles thérapeutiques avec deux essais cliniques sur le ponesimod et l’ofatumumab.

TRANSCRIPTION

Pierre Clavelou — Bonjour, je suis Pierre Clavelou, neurologue à Clermont-Ferrand, en direct du 35e congrès de l’ECTRIMS, à Stockholm. J’ai le plaisir d’évoquer avec vous quelques données du congrès avec le Pr Bruno Brochet, neurologue à Bordeaux.

Il y a une certaine maturité dans l’analyse de données, maintenant anciennes, qui permettent de penser que la maladie n’est plus celle que nous avons connue au début de nos études médicales, qu’elle a un profil évolutif un peu différent. Est-ce que tu peux apporter quelques éléments factuels ?

Une évolution vers une maladie moins sévère, mais une augmentation de la prévalence

Bruno Brochet — Oui. Cela fait plusieurs années qu’on évoque ces données, mais là, il y a eu une session [1] dédiée à cette question. La maladie semble évoluer de façon plus bénigne qu’il y a quelques années, le délai pour passer en forme progressive semble plus tardif, le handicap des patients est atteint plus tardivement, les études des groupes placebo des essais cliniques montrent une fréquence des poussées moindre, donc il semble y avoir une évolution vers une maladie moins sévère. Quels sont les causes et les mécanismes ? C’est, bien sûr, sujet de débat. Le premier élément est le rôle des traitements de fond. Il y a eu de nombreuses études observationnelles qui ont montré un impact des traitements de fond sur le pronostic à long terme, mais il y a probablement aussi des facteurs environnementaux qui jouent, car, par exemple, l’effet sur les groupes placebo ne peut pas être lié au traitement de fond. D’où l’intérêt de ces études en vie réelle, qui était le centre de la session principale [1], la session inaugurale du congrès.

Pierre Clavelou — Ne peut-on pas l’expliquer aussi par un diagnostic plus précoce, et peut-être une réduction — cela a aussi été un débat — d’une forme progressive primaire de la maladie où il y a un délai de diagnostic ? Cet élément de diagnostic plus précoce n’intervient-il pas ? Parce qu’on voit quand même une explosion de la prévalence maintenant dans certains pays.

Bruno Brochet — C’est vrai que l’évolution des critères diagnostiques ont permis d’accélérer le diagnostic de façon très importante, en particulier les derniers critères de 2017. Mais il semble y avoir aussi des tendances épidémiologiques lourdes. En effet, la fréquence de la forme progressive primaire diminue, le sex-ratio change, non pas dans les formes progressives primaires, mais dans les formes rémittentes et pas dans tous les pays. Donc là aussi le rôle des facteurs environnementaux est probablement important — on a évoqué de nouveaux facteurs environnementaux pendant ce congrès, notamment les facteurs de pollution atmosphérique, qui peuvent être intéressants.

Pierre Clavelou — L’application de cela est une vraie réflexion de mise en commun de tous ces registres que beaucoup alimentent. On connaît le registre MSBase qui est multi-pays, avec des accès aux médicaments qui sont différents d’un pays à l’autre, peut-être moins d’exhaustivité que notre registre OFSEP, auquel beaucoup participent, qui est un registre qui a cette particularité d’être homogène — en tout cas l’accès aux médicamentx est le même pour tout le monde. Il y a donc une fusion des registres, MSBase, OFSEP, le registre italien, le registre suédois… ce qui permet d’avoir des données assez importantes. Et il y a eu quelques éléments applicatifs très simples. Par exemple OFSEP a réussi, dans le cas d’une analyse de safety de la biotine [2], qui est ce produit que la France est la seule à avoir pour l’instant, en attendant l’étude de phase 3 qui est menée aux États-Unis et dans certains pays d’Europe. Il y avait un doute sur le caractère éventuellement de réactivation inflammatoire de ces formes secondairement progressives plutôt calmes, puisque c’était un des critères ; cette étude n’a pas démontré, en étude rétrospective en comparant à un groupe contrôle, qu’il y avait une réactivation de l’inflammation. C’est un peu au crédit de l’OFSEP, comme les études comparatives de traitement, qui sont importantes.

Une autre étude, menée en Amérique du Nord, montre qu’il y aurait moins d’états dépressifs dans les formes très actives de la maladie traitées par des produits de seconde ligne par rapport aux formes moins actives traitées par des agents immunomodulateurs classiques injectables. Avec, toujours, le problème suivant : est-ce que ce n’est pas la dépression liée à la perte d’espoir dans ces formes avec de nombreuses poussées… ou est-ce que c’est la poussée [étant] inflammatoire… ?

Sécurité des traitements

Bruno Brochet — En effet, la sécurité des traitements a été au cœur de nombreuses communications avec en particulier une session sur la sécurité des traitements de deuxième ligne. Il y a eu d’abord une présentation intéressante sur la prise en charge des LEMP [leucoencéphalopathie multifocale progressive] chez des patients traités par TYSABRI[3]. Depuis l’arrivée de cette complication, beaucoup de patients ont été traités par échange plasmatique. Et on se pose la question de savoir si cette prise en charge avec cette thérapeutique est la plus adaptée. Il y a donc une étude qui a été présentée sur une grosse population qui montre plutôt l’inverse, que les patients qui n’avaient pas d’échange plasmatique avaient plutôt une évolution meilleure en termes de mortalité et de handicap. Il faut dire que cette étude n’était pas exempte de biais, car il est probable que les patients qui ont reçu les échanges plasmatiques n’étaient pas les mêmes que ceux qui ne les ont pas reçus, et en particulier c’était moins sévère chez ceux qui n’ont pas reçu les échanges. Donc il y a probablement des biais. Mais en ajustant sur ces biais, il semble que les résultats persistent. Un autre aspect, c’est l’utilisation des anticorps anti-CD20 qui a beaucoup émergé ces dernières années. La question de la fréquence et des conséquences des modifications des immunoglobulines. Alors, il y a eu une présentation[4] dans les cohortes importantes traitées par rituximab, qui a donné des indications sur les fréquences avec ce produit et puis, de façon intéressante, il y a eu également les données…

Pierre Clavelou — IgG et IgM ?

Bruno Brochet — IgM même plus qu’IgG. Et qui montre de toute façon une diminution globale de ces taux dans les populations traitées avec un certain nombre de patients qui arrivent en dessous du seuil.

Il y a eu donc une communication intéressante [5] sur les données des essais pivots ocrélizumab et des phases d’extension, ce qui fait des données sur six ans à la fois des études OPERA et d’ORATORIO. Ces études retrouvent cette diminution progressive des IgM et d’IgG, mais qui, en moyenne, est au-dessus de la limite de la normale. Elles trouvent que cette diminution est plus importante chez les patients progressifs, dans ORATORIO, et notamment le pourcentage de patients qui sont en dessous de la normale est plus important dans les formes progressives.

Pierre Clavelou — C’est lié à l’âge ?

Bruno Brochet — C’est possiblement lié à l’âge ou aux facteurs associés. Les patients qui ont des formes progressives peuvent avoir des comorbidités et ont été exposés, par le passé, à d’autres traitements. Alors la question, bien sûr, porte sur les conséquences en termes d’infection. Il y a eu un certain nombre d’infections rapportées. Dans les études ocrélizumab, tous ont répondu au traitement et la plupart des patients ont continué l’ocrélizumab. Il est intéressant de rappeler, même s’il y a eu quand même une quarantaine d’infections chez des patients qui avaient des taux en dessous de la normale, la majorité des infections sous ocrélizumab survient chez les patients qui n’ont pas de baisse d’immunoglobulines. Ce qui veut dire qu’il ne faut pas être faussement réassuré par l’absence de diminution des immunoglobulines. Il est important de monitorer, je crois, les immunoglobulines, parce que c’est un facteur de risque, mais l’absence de diminution n’empêche pas les infections et en particulier certaines sont liées à des lymphopénies qui peuvent survenir.

Pierre Clavelou — Il n’y avait pas, dans mon souvenir, d’infections opportunistes — c’est un élément important à dire, même s’il faut garder toujours beaucoup d’acuité sur ces effets indésirables autant que possible, et d’ailleurs tous ces patients sont vaccinés. Est-ce qu’il y a des attitudes pratiques qui ont été proposées en fonction des taux les plus bas ? Est-ce qu’on doit avoir des attitudes vis-à-vis des rythmes des perfusions, vis-à-vis des substitutions avec des perfusions d’immunoglobulines ? Ce n’est pas encore tranché ?

Bruno Brochet — Il n’y a pas d’algorithme qui est proposé. C’est très variable d’un centre à l’autre : certains substituent en donnant des immunoglobulines intraveineuses en fonction d’un certain seuil, d’autres attendent, enfin ne le font que s’il y a des signes infectieux. Cela reste à valider… La sécurité était aussi au cœur des présentations sur la session consacrée aux greffes…

Greffes de cellules hématopoïétiques ou mésenchymateuses

Pierre Clavelou — Ah oui ! Session très attendue parce que les quelques publications les plus récentes, et notamment la publication toute récente d’un groupe qui était dirigé par RK Burt, un Nord-Américain qui a commencé il y a nombreuses années et qui a associé avec lui beaucoup de centres scandinaves – ce qui a quand même créé un biais parce qu’il y a eu un certain délai de recrutement entre les premiers et les derniers, près de 10 ans, et donc un accès au traitement qui était complètement différent et des difficultés pour avoir un élément de comparaison. Il y avait deux groupes, un qui était traité — greffe de cellules hématopoïétiques — et un groupe qui maintenait son traitement. C’est très nettement en faveur de la greffe, sur les données d’efficacité. Sur les poussées… le NEDA-3 est assez impressionant. [6] C’est impressionnant sur le plan imagerie et sur le plan clinique. C’est aussi intéressant sur le plan de la qualité de vie, mais c’est un peu une conséquence de l’efficacité, mais aussi de la tolérance et, en particulier dans cette tolérance, qui était le facteur limitant, alors que ces patients sont quand même exposés à une possible aplasie profonde, il n’y a pas eu d’épisode infectieux, il n’y a pas eu de décès, qui était le facteur limitant de toutes ces greffes de cellules hématopoïétiques. Cela peut devenir une option dans nos réunions de concertation thérapeutique pour les patients qui échappent au traitement ou pour lequel il y a des contre-indications, parce que c’est un élément intéressant, avec des suivis tout à fait intéressants — c’est vraiment un traitement d’induction, mais la maladie ne repart pas. Quelques réserves parce qu’on a vu apparaître quand même à distance quelques dysfonctionnements thyroïdiens auto-immuns, parce qu’il y a un phénomène de reconstitution immunitaire aussi chez ces patients, mais cette thérapeutique est naturellement managée par ceux qui en ont l’habitude, c’est-à-dire les hématologues.

Bruno Brochet — On peut rappeler qu’il y a une RCP [réunion de concertation pluridisciplinaire] nationale qui a été mise en place par la SFSEP et les hématologues, car les critères d’inclusion de ce type de traitement doivent être extrêmement rigoureux — on ne peut pas proposer cela à n’importe quel patient.

Pierre Clavelou — Tout à fait. Alternative : la greffe de cellules mésenchymateuses, pour laquelle nous sommes au début. [7,8]  On a eu les premiers résultats d’une étude de phase 2 centrée [8] essentiellement sur les données de safety — c’est l’avantage de ces greffes, on évite justement cette mise en aplasie, donc c’est beaucoup plus facile à envisager, mais cela ne reste encore au stade de la recherche clinique. Cette étude de phase 2 a montré une parfaite tolérance. Par contre, on a des petits groupes, l’efficacité reste limitée sur des critères d’inflammation que sont la poussée et les prises de gadolinium. Le problème est que cela a associé – il n’y avait que 50 % des patients qui prenaient le gadolinium sur leur IRM préthérapeutique, et deuxième élément, il y avait surtout les associations de formes rémittentes de formes progressives secondaires et progressives primaires… il y a un biais considérable dans l’analyse des données d’efficacité.

Précautions autour de la grossesse

Pierre Clavelou - En ce qui concerne la tolérance, je trouve qu’il y a eu beaucoup de données à nouveau concernant la grossesse, une certaine maturité de ces médicaments – trois femmes pour un homme, en tout cas en France, donc l’âge de 30 ans pour la première poussée. On ne va pas revenir sur les registres, il n’y a pas de choses nouvelles. Peut-être une chose importante concernant le tériflunomide et le léflunomide, son cousin, où on s’intéresse maintenant aux hommes atteints de sclérose en plaques exposés à ces traitements, où il est conseillé qu’ils arrêtent le traitement, qu’ils suivent une procédure d’élimination avant d’envisager d’avoir un enfant. C’est encore une mesure de précaution importante qu’il convient de rappeler et s’intéresser aussi à eux. Et puis le natalizumab : à nouveau, toujours la même discussion qui est — est-ce qu’on a une attitude conservatrice qui est d’arrêter le natalizumab avant de démarrer la grossesse ? On s’aperçoit dans les cohortes — et c’est l’équipe de Florence qui l’a rappelé [9], les Allemands l’avaient rappelé aussi — nous avons tous une expérience importante, en France, de réactivation majeure de patientes avec des formes, des poussées dramatiques et donc vraiment on attend encore — mais ce sont les patientes qui décident après, avec une discussion éclairée — de maintenir les deux premiers trimestres avec le natalizumab pour éviter ces poussées. 72 % des femmes dans l’étude de Florence sont réactivées avec des poussées sévères, parfois.

Bruno Brochet — C’est l’attitude qui a été proposée dans le poster de l’équipe de Marseille[10] qui a donné des résultats très encourageants du maintien du natalizumab en début de grossesse.

Pierre Clavelou — Tout à fait. Et qui ne pose pas de problème — on sait qu’il y a toujours un petit doute sur les perturbations hématologiques chez les enfants de patientes exposées par natalizumab dans les deux derniers mois de la grossesse, donc on peut en débattre à ce moment-là. Surtout qu’on arrive dans le troisième trimestre, où on a la pleine efficacité de la grossesse comme facteur préventif des poussées. Et puis on commence à s’intéresser, mais sans apporter de certitude de résultats, à l’allaitement. Surtout avec le natalizumab et avec les anticorps monoclonaux — natalizumab et les anti CD-20 — il y a des mesures qui ont été faites dans le lait qui montrent des doses infinitésimales qui, a priori, sur le plan conceptuel, ne devraient pas être une contre-indication à l’allaitement. Néanmoins, on n’a pas de données sur les enfants et c’est toujours un élément de principe de précaution majeure. Je pense que certains pays vont mettre le pas — je ne suis pas sûr qu’en France on ait cette attitude. Il faut toujours rester prudent, c’est un élément à discuter au cas par cas parce qu’il est sûr que la reprise de traitement pleinement actif après la grossesse avec les poussées du post-partum majeures que l’on peut observer, il y a une justification à repartir sur ces thérapeutiques.

Imagerie/IRM et cognition

Pierre Clavelou — Il n’y a pas de congrès de sclérose en plaques sans parler d’IRM…

Bruno Brochet — Oui. Il y en a eu un peu, comme toujours. Pas tellement de progrès techniques. Par contre, certaines présentations intéressantes sur le plan physiopathologique, en particulier une présentation issue de la Progressive MS Alliance , ce grand programme de recherche internationale sur les formes progressives qui a été développé par la fédération des sociétés de sclérose en plaques, le MSIF, et qui a analysé des quantités très importantes d’IRM…

Pierre Clavelou — C’était les IRM des essais cliniques ?

Bruno Brochet — C’était des IRM de nombreux essais cliniques avec deux groupes d’IRM, les groupes qui ont permis de tester l’hypothèse et ensuite de la valider[11]. Donc leur sujet était d’essayer de catégoriser le pattern pathologique des patients et de voir si cela correspondait à nos formes cliniques habituelles, à nos phénotypes habituels. Ils ont dégagé trois patterns différents :

  1. le premier est un pattern qui part du cortex, les lésions débutent dans le cortex avec une progression depuis le cortex postérieur vers l’intérieur, ensuite la pathologie descend en quelque sorte dans le cerveau ;

  2. puis il y a un pattern où tout semble partir vraiment des lésions focales, des plaques ;

  3. et enfin un troisième pattern qui semble être, au départ, une atteinte de la substance blanche d’apparence normale.

Donc avec une cinétique de l’atrophie qui est variable suivant les patterns et un pronostic qui est variable, parce qu’à la fois la forme à point de départ lésionnel semble la plus sévère, mais également celle qui répond le mieux au traitement. Et ils se sont rendu compte que ces trois patterns ne correspondent pas aux phénotypes cliniques habituels, c’est-à-dire qu’on retrouve ces trois patterns dans les trois phénotypes : rémittent, primaire progressif et progressif secondaire. Donc peut-être qu’il serait intéressant d’analyser, dans les études thérapeutiques ultérieures, l’effet des médicaments non plus en fonction des phénotypes cliniques, mais des phénotypes radiologiques. C’était l’objet d’une étude [11] vraiment très intéressante qui a été présentée en IRM.

Il y a eu aussi un travail intéressant du NIH sur la catégorisation des plaques en fonction de leurs prises de contraste. Certaines prises de contraste sont centripètes, d’autres sont centrifuges, et on peut mettre en évidence avec celles qui sont centrifuges des plaques qu’on appelle smoldering, c’est des plaques fumeuses, qui jouent un rôle très important dans les formes progressives et qui seront peut-être intéressantes à analyser dans les études observationnelles dont on parlait tout à l’heure.

Pierre Clavelou — È ce titre, il y a eu aussi un autre travail qui était l’analyse en T2* (donc du composant un peu ferrique, mais T2* particulier, pas les T2* qu’on a l’habitude d’utiliser dans la pathologie vasculaire pour voir le composant hématique) et qui montrerait que ces rims, ces couronnes de surcharge ferrique périlésionnelle auraient un élément de pronostic défavorable chez ces patients, soit en T2*, soit en sweep, qui pourrait être un élément important du pronostic, peut-être un élément décisionnel aussi, dans les approches thérapeutiques, si on arrive à monter ces séquences particulières. Cela devrait être possible de le faire et d’avoir une idée à ce titre.

Bruno Brochet — Et alors, il y a eu des travaux sur, comme toujours, le lien entre la cognition et l’IRM.

Pierre Clavelou — Très intéressant. Enfin, très intéressant… c’est toujours un problème. Tu connais très bien les aspects cognitifs, je pense que tu y reviendras, mais moi, j’étais interrogé par deux posters, un premier qui est la substance blanche en apparence normale en comparant des patients qui ont une atteinte cognitive, des patients qui n’ont pas d’atteinte cognitive. Et chez ceux qui ont des atteintes cognitives, il y a une surcharge en eau dans la substance blanche d’apparence normale, ce qui veut dire qu’il y a probablement une difficulté de vidange, et due à un aspect toxique de cela. Et un autre élément qui est paru tout récemment, qui est la réactivité vasculaire des patients avec atteinte cognitive et qui montrerait, par rapport aux autres patients sans atteinte cognitive, qu’il n’y a pas de réactivation vasculaire. Le mécanisme est le fait qu’il y a une activation neuronale importante, donc on sait qu’elle est encore plus importante quand la charge de travail est plus forte, et que le transfert à la glie qui, elle-même, donne un signal pour une réactivation vasculaire, chez les patients avec atteinte cognitive, cela ne se fait pas. C’est-à-dire qu’il n’y a pas d’adaptation de l’activation vasculaire telle qu’ils l’ont mesurée par une épreuve de stress au gaz carbonique et qui serait un élément physiopathogénique de ce couple à trois : neurones, glie et vaisseaux. Il n’y a donc pas une augmentation de la réponse du composant vasculaire à la demande du neurone. Ce serait une explication. Est-ce que cela va aboutir sur des aspects thérapeutiques ? Je ne sais pas. Sur le plan cognitif, des nouveautés ?

Bruno Brochet — Juste pour rebondir sur l’imagerie et la cognition, l’imagerie au sens large. Il y a eu un certain nombre de choses sur l’étude des réseaux, le fonctionnement des réseaux dans la cognition, en particulier une étude d’Amsterdam, l’équipe de Schoonheim sur la MEG, qui est une technique qui a été peu utilisée jusqu’ici et qui permet de confirmer avec une précision temporelle supérieure, certains résultats qui avaient été obtenus en IRM fonctionnelle sur, en particulier, les modifications des réseaux, la modification de zones qui perdent leur qualité de hub, de connectivité importante et des diminutions de connexion entre certaines régions. Et il y avait également la présentation — on peut citer aussi celles de travaux français — la présentation par notre équipe… Dans la cognition il y a pas mal d’études qui ont étudié l’atteinte structurelle, d’autres ont étudié l’atteinte fonctionnelle. Là, ce qui a été étudié, c’est le couplage, au tout début de la maladie, dans les syndromes cliniquement isolés, entre les perturbations des réseaux structurels étudiés en diffusion et sur le plan fonctionnel, étudiés par IRM fonctionnelle. On s’aperçoit qu’au fur et à mesure de l’évolution après un premier épisode clinique, au début il y a des bons couplages, c’est-à-dire que le cerveau fonctionne parfaitement bien en fonction de sa structure et puis, au bout d’un an, apparaît dans certaines régions importantes du cerveau, un découplage. C’est-à-dire que même si la structure est un peu altérée, mais elle ne l’est pas encore trop, le fonctionnement, lui, ne suit pas. Ou au contraire, le fonctionnement compense certaines atteintes structurelles et permet de diminuer certains troubles cognitifs. C’était un élément sur la cognition.

Il y a aussi une session dans ce congrès consacrée à la rééducation cognitive. Depuis quelques années, on a beaucoup de travaux sur la rééducation cognitive. L’an dernier à l’ECTRIMS, il avait été présenté plusieurs études positives dont une bordelaise. Cette année, sont présentées différentes études : l’étude de Nancy[12], en particulier, et qui apporte des éléments… Alors suivant les études, les résultats sont plus ou moins positifs, mais des éléments qui confortent l’intérêt d’une rééducation cognitive dans la sclérose en plaques. Donc sans rentrer dans les détails de ces études, cela va globalement dans le bon sens. Puisqu’on parle thérapeutique, est-ce qu’il y a eu des scoops thérapeutiques dans ce congrès ?

Nouvelles thérapeutiques : le ponesimod et l’ofatumumab

Pierre Clavelou — Il y a toujours beaucoup d’attente, mais nous sommes dans une période de calme. Néanmoins, il y a quand même deux études qui ont été présentées. La première, c’est le ponesimod [étude OPTIMUM] [13], qui est un nouveau sphingosine-1-phosphate visant les récepteurs S1P1 avec une tolérance meilleure que celui que l’on connaît, notamment sur le plan cardiologique, qui ne pose pas de problème, qui a été comparé au tériflunomide et qui ressort très positif sur les données d’efficacité en termes d’inflammation – un peu moins sur les données de handicap, mais sur des courtes périodes d’évaluation, c’est-à-dire à 12 et 24 semaines, avec une efficacité parfaite sur les plans clinique et radiologique, sur les données inflammatoires, qui sont des critères principaux. Donc c’est une arme thérapeutique qu’on espère pouvoir apporter. Il y a d’autres études d’association de ce médicament à des agents immunomodulateurs, mais on n’en est qu’au début des inclusions.

Le deuxième, c’est l’ofatumumab [essais ASCLEPIOS I et II] [14], qui est un nouvel anti-CD20 qui serait lui aussi extrêmement bien toléré…

Bruno Brochet — Qui serait mensuel, celui-là.

Pierre Clavelou — Qui serait mensuel par voie sous-cutanée, avec une efficacité tout à fait intéressante sur ces aspects. Cela va donc venir enrichir très nettement notre arsenal, nos propositions thérapeutiques, et avec, comme tu l’as dit, peut-être un peu plus de souplesse pour la réalisation du soin pour ces patients, s’ils adhèrent à ce projet thérapeutique. En tout cas, deux nouveautés thérapeutiques, mais là on attend l’évaluation des formes progressives. On en a déjà parlé, on est au début — c’est un vrai challenge pour les années à venir, mais cela sera l’occasion d’en reparler à l’occasion d’un des prochains congrès de l’ECTRIMS. Bruno, merci pour cet entretien fort intéressant. À très bientôt.

 

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