Cœur des femmes : 3 études phares à l’ESC

Aude Lecrubier

Auteurs et déclarations

24 septembre 2019

Paris, France - - Que ce soit en post-infarctus, suite à une radiothérapie pour cancer du sein ou à la ménopause, trois études françaises présentées lors de l’ESC 219, mettent à nouveau un coup de projecteurs sur les spécificités cardiaques des femmes en termes de facteurs de risque, de traitement et de suivi.

« Les maladies cardiovasculaires sont la première cause de mortalité chez les femmes. Faire baisser implique que les médecins soient sensibilisés aux spécificités féminines en termes de présentations cliniques pour le diagnostic mais aussi qu’ils sachent que le traitement et le dépistage doivent être adaptés aux femmes comme le montrent encore plusieurs études présentées à l’ESC cette année. Pour un suivi optimal, il est nécessaire de mettre en place une collaboration étroite entre les gynécologues, les médecins généralistes et les cardiologues », a commenté le Dr Stéphane Manzo-Silberman, cardiologue à l'hôpital Lariboisière (Paris) et porte-parole de l'ESC pour Medscape édition française.

Saignements post infarctus : les femmes plus touchées

La première étude, présentée le 3 septembre, est une analyse du registre français FAST-MI qui s’est intéressée aux facteurs de risque de saignements en post infarctus[1]. Elle montre que lors du suivi après un IDM, alors que sont fréquemment donnés des antithrombotiques puissants, les femmes sont plus sujettes aux saignements que les hommes.

Pour cette analyse, menée par le Pr Nicolas Danchin (HEGP, Paris) et coll., un questionnaire de santé a été envoyé à tous les patients de la cohorte nationale française FAST-MI (2010-2015) un an après un épisode aigu. A la question portant spécifiquement sur l’apparition de saignements nuisibles, 3 968 patients ont répondu par l’affirmative, soit 54 % des répondants.

Ces saignements sont apparus plus souvent chez les patients jeunes, avec STEMI (infarctus du myocarde avec élévation du segment ST), ceux traités avec PCI (angioplastie coronaire) ainsi que chez les fumeurs, mais aussi chez les femmes chez qui les saignements ont été très fréquents (RR=1,43 IC95 % [1.23-1.66], p <0,001). Au contraire, les patients diabétiques ou souffrant d’hypertension ont rapporté moins de saignements.

La prise d’antithrombotiques chez les femmes à la suite d’un infarctus serait donc un facteur potentiel de saignement ; une donnée importante à prendre en compte pour la pratique clinique.

Cancer du sein et radiothérapie : déformation du myocarde chez une patiente sur deux

Dans un domaine complètement différent, celui de la cardio-oncologie, l’étude française BACCARAT, présentée par le Dr Sophie Jacob (épidémiologiste à l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire, unité Inserm 1027) a analysé la relation entre l’exposition cardiaque à un traitement par radiothérapie du cancer du sein et la déformation du myocarde[2].

Entre 2015 et 2017, 94 femmes atteintes d’un cancer du sein (gauche ou droit) sont entrées dans la cohorte avant une radiothérapie et ont été suivie pendant 2 ans, avec des examens d’imagerie cardiaque répétés. Aucune n’a reçu de chimiothérapie.

Il en résulte qu’une déformation myocardique réduite a été observée chez plus de la moitié d’entre elles (48%) (38 % parmi les patientes touchées par un cancer du sein droit et 50 % parmi celles touchées par un cancer du sein gauche).

« Cette étude française est la première à établir clairement une relation dose-effet entre les doses cardiaques radio-induites et la déformation longitudinale globale du myocarde, à 6 mois après le traitement par radiothérapie.

Elle illustre l’importance de réduire l’exposition cardiaque afin de limiter les risques de dysfonction du ventricule gauche. Par ailleurs, un suivi long, à deux ans suivant la radiothérapie du sein, permettra d’améliorer ces résultats, notamment pour détecter un dysfonctionnement du ventricule gauche.

 
Le parcours coordonné fondé sur le partenariat entre les gynécologues et les cardiologues permet d’améliorer l’évaluation du risque CV, le dépistage, la prévention et le traitement des maladies cardiovasculaires chez les femmes.
 

De plus, cette étude souligne bien à quel point une collaboration accrue entre cardiologues et radiothérapeutes permettrait une meilleure prise en charge des femmes touchées par un cancer du sein », a commenté l’ESC dans un communiqué [3].

« Les femmes qui ont réussi à survivre à un cancer du sein doivent être dépistées en raison des conséquences cardiaques potentielles de la chimiothérapie et de la radiothérapie. L’étude Baccarat qui a été présentée à l’ESC cette année montre qu’il existe des signes échographiques de détection précoce », renchérit le Dr Stéphane Manzo-Silberman.

Pour une collaboration étroite entre gynécologue et cardiologue

Si lors d’un cancer du sein la collaboration entre les radiothérapeutes et les cardiologues doit être renforcée, l’équipe de Lille a mené une expérimentation démontrant également l’intérêt d’une collaboration étroite entre les gynécologues et les cardiologues pour dépister et prendre en charge les d’événements CV touchant les femmes.

Le parcours de soins « Cœur, artères et femmes » a été implémenté au CHU de Lille depuis le 1er janvier 2013. Depuis, les femmes qui ont eu une grossesse avec complications et les femmes ménopausées, qui ont un risque cardiovasculaire élevé, sont référées par le gynécologue pour une évaluation cardiologique complète. Des dépistages des facteurs de risques classiques et moins classiques et des maladies CV sont réalisés. Le traitement médical est adapté si besoin et un conseil est proposé à chaque femme.

Dans l’analyse présentée à l’ESC.[4], 690 femmes ménopausées avec un âge moyen de 58 +/- 8 ans ont été enrôlées entre 2013 et 2017. Selon les critères de l’AHA, 339 femmes (50,8%) étaient à haut risque et 351 (49,2%) à risque. Parmi elles, 146 (21,2%) étaient des fumeuses et 264 (38,3%) étaient obèses. Seules 320 (46,4%) ont atteint des objectifs de pression artérielle <140/90 mmHg et 169 (24,5%) les objectifs de LDL-C.

Parmi les 212 femmes traitées pour un diabète, 45,3% ont atteint un seuil d’HbA1c <7%. Des artériopathies des membres inférieurs ont été diagnostiquées chez 46 femmes, des artériopathies rénales chez 51 femmes et une maladie cardiaque ischémique chez 62 d’entre elles. Des statines, des inhibiteurs du système rénine angiotensine et des antiplaquettaires ont été significativement plus prescrits en concordance avec les recommandations après l’évaluation cardiovasculaire (p<0,001).

L’ensemble de ces données montrent que le parcours coordonné fondé sur le partenariat entre les gynécologues et les cardiologues permet d’améliorer l’évaluation du risque CV, le dépistage, la prévention et le traitement des maladies cardiovasculaires chez les femmes.

« De plus en plus de données montrent que la post-ménopause et les complications de la grossesse quelles qu’elles soient : diabète gestationnel, prééclampsie, HTA gravidique décollement placentaire, naissance prématurée, sont corrélées à un surrisque d’événements CV, AVC, IDM dans les 5 à 10 ans qui vont suivre [5]. Ces femmes doivent être dépistées et un parcours spécifique doit leur être proposé pour pouvoir anticiper ces événements. Les travaux de l’équipe de Lille « Coeur, artères et Femmes » qui ont été présentés durant ce congrès montrant les bénéfices d’une approche multidisciplinaires pour ces femmes à plus haut risque », souligne le Dr Stéphane Manzo-Silberman.

« Les spécificités des facteurs de risques CV et des maladies CV chez les femmes sont un sujet dont nous devons absolument prendre conscience », conclut la cardiologue.

FAST-MI a été financé par Funding: Amgen, AstraZeneca, Bayer, BMS/Pfizer, Boehringer-Ingelheim, Daïchi-Sankyo/Eli-Lilly, MSD, Sanofi, Servier.

 

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