Alcool et grossesse : comment aborder l’épineuse question ?

Aude Lecrubier

Auteurs et déclarations

17 septembre 2019

France—Constatant qu’il existe encore des freins à parler du sujet tabou qu’est la consommation d’alcool pendant la grossesse, l’association qui vise à prévenir les troubles liés l’alcoolisation fœtale, SAF France, a édité une fiche mémo pour tous les professionnels de santé, qui s’appuie sur le guide « Alcool et grossesse, parlons-en – Guide à l’usage des professionnels »[1,2].

L’association a publié cette fiche pratique, à l’occasion de la troisième édition annuelle du SAFTHON, une opération de récolte de dons qui a lieu chaque année début septembre pour lutter contre les Troubles Causés par l’Alcoolisation Fœtale (TCAF).

L’outil est également téléchargeable et imprimable sur le site internet saffrance.com Fiche Memo

« C’est après avoir écouté les mamans accompagnées par l’association qui sont encore trop nombreuses à relater qu’aucun professionnel ne leur a parlé d’alcool (contrairement au tabac) pendant leur grossesse que l’association a décidé de créer un outil à destination des professionnels de santé en relations avec les femmes enceintes », indique l’association dans un communiqué[1].

L’alcoolisation fœtale impliquée dans plus de 400 pathologies

Pour rappel, 23% des Françaises enceintes en 2010 déclaraient avoir bu de l’alcool pendant leur grossesse, selon l’enquête nationale périnatale publiée à l’époque par l’InVS.

Or, l’alcoolisation fœtale est responsable non seulement du gravissime syndrome d’alcoolisation fœtale (SAF) mais ce qui est bien moins connu, c’est qu’elle est aussi impliquée dans plus de 400 pathologies, aux premiers rangs desquelles l’épilepsie, de multiples troubles cognitifs et du comportement, explique le Dr Denis Lamblin, pédiatre spécialiste du SAF (syndrome d’alcoolisation fœtale) et des TCAF (troubles causés par l’alcoolisation fœtale) et président de l’association SAF France, pour Medscape édition française (Lire « Alcoolisation fœtale : un fléau très sous-estimé » ).

Comment en parler avec les patientes ?

Au cours de la consultation, le thème de l’alcool peut être intégré aux questions sur le mode de vie : sommeil, activité physique, prises de médicaments, tabac, alcool.

Dans un premier temps, la fiche mémo préconise d’interroger sur la consommation d’alcool avant la grossesse avec des questions simples et ouvertes « Vous est-il arrivé ces derniers mois de consommer des apéritifs, du vin, de la bière, du champagne, des alcools forts …? » et d’éviter les questions fermées : « Vous ne buvez pas d’alcool » ou « Pas d’alcool ni tabac ? ».

Puis d’informer sur les dangers de la consommation d’alcool pendant la grossesse.

A quel moment ?

Chez les femmes en âge de procréer, plusieurs moments de la vie des femmes sont propices à la discussion.

Lors de la consultation en vue d’une contraception, avec une attention particulière chez les adolescentes ; dès lors qu’une femme exprime son désir d’enfant en consultation ; lors de rencontres avec des femmes alcoolo-dépendantes en consultation, en cure et post-cure mais aussi lorsque la femme exprime le désir d’accouchement sous le secret ou lors du suivi d’un enfant porteur d’un retard de croissance intra-utérin, d’une microcéphalie, de malformations, de troubles du développement et des apprentissages inexpliqués.

Chez toutes les femmes enceintes, certains moments clés doivent inciter à aborder la question de la consommation d’alcool : lors de la déclaration de grossesse, de l’entretien prénatal précoce et des consultations de suivi de grossesse.

Les signes d’alerte

Plusieurs facteurs de vulnérabilités  doivent faire penser à une consommation d’alcool.

Aux rangs des facteurs de risques maternels, les experts listent :

  • la consommation notoire de tabac et d’autres drogues ;

  • les traumatismes personnels : violence, abus sexuels ;

  • les facteurs de risque psychiatriques : dépression, déficience, stress, anxiété ;

  • la précarité et l’isolement social, ou à contrario un très haut niveau social ;

  • les parents en difficultés avec l’alcool ou l’entourage en difficulté avec l’alcool ;

  • les fausses couches à répétition ;

  • les patientes avec problèmes de fertilité ;

  • l’interruption volontaire de la grossesse ;

  • les parents porteurs de TCAF ;

  • un âge maternel inférieur à 18 ans ou supérieur à 30 ans.

Aussi, pendant la grossesse, la déclaration tardive de la grossesse, le déni, les grossesses non désirées, les grossesses non ou peu suivies, l’hématome rétro-placentaire (HRP), le retard de croissance intra-utérin (RCIU), la menace d’accouchement prématuré (MAP) peuvent être les signes d’une consommation d’alcool.

Certains problèmes observés au sein de la fratrie doivent aussi faire penser à une consommation excessive d’alcool chez la mère. Notamment, les malformations, l’épilepsie, la microcéphalie, le retard de croissance, la prématurité, la mort subite du nourrisson, les difficultés scolaires et la délinquance et le placement en famille d'accueil.

Au final, « le seul message est zéro alcool pendant la grossesse », conclut le Dr Lamblin.

 

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