Paris, France – On savait déjà que le ticagrélor associé à l’aspirine à faibles doses limitait les évènements cardiovasculaires chez les patients avec un syndrome coronarien aigu ou un antécédent d’infarctus.
Les données des essais randomisés, contrôlés et réalisés en double aveugle THEMIS et THEMIS-PCI présentées à l’ESC 2019 et publiées simultanément dans le NEJM [1] et le Lancet [2] montrent que l’ajout du ticagrélor améliore également le pronostic des patients diabétiques de type 2, coronariens stables qui ont déjà eu une angioplastie.
Dans cette population, « un traitement prolongé par ticagrélor et aspirine a permis de réduire substantiellement un large panel d’événements ischémiques coronariens, cérébraux et périphériques », a commenté le Pr Deepak L. Bhatt (Brigham and Women’s Hospital and Harvard Medical School, Boston, Etats-Unis), co-auteur principal de l’étude avec le Pr Gabriel Steg (hôpital Bichat, Paris) lors de la conférence de presse de présentation des résultats.
Un rapport bénéfice-risque du ticagrélor négatif dans THEMIS
Dans l’essai multicentrique international de phase III THEMIS, les chercheurs ont évalué le rapport bénéfice-risque de l’administration de ticagrélor en sus de l‘aspirine faibles doses (75 ou 150 mg) chez des patients d’au moins 50 ans, diabétiques de type 2 et coronariens stables.
Les patients recevaient des hypoglycémiants depuis au moins 6 mois et avaient des antécédents d’angioplastie (58%), de pontage (21,8%), des deux (7%) ou la présence d’une lésion coronaire ≥ 50%. En revanche, les patients avec des antécédents d’IDM ou d’AVC ont été exclus de l’étude.
L’analyse a porté sur 19 220 patients à haut risque cardiovasculaire avec une prévalence élevée d’HTA (93%), de dyslipidémies (87%) et d’atteinte pluritronculaire (62%). Le suivi moyen était de près de 40 mois. La dose initiale de ticagrélor était de 90 mg 2x/j mais elle a été changée à 60 mg 2x/j en raison des données de tolérance de l’essai PEGASUS-TIMI 54.
Globalement, il ressort de l’analyse des résultats que le rapport bénéfice-risque de l’ajout du ticagrélor est défavorable.
En termes d’événements CV, les résultats sont positifs. Une réduction significative de 10% du critère combiné décès cardiovasculaire, IDM, AVC a été observée dans le groupe traité par ticagrélor comparé au groupe placebo (7,7 % vs 8,5 % ; RR 0,90 [IC95% 0,81-0,99] ; p = 0,04). Le nombre de patient à traiter pour éviter un événement à 3 ans était de 138.
Plus de saignements avec le ticagrélor
Cependant, l’incidence des complications hémorragiques sévères était significativement plus élevée dans le groupe recevant le ticagrélor (2,2 % vs 1,0 %; RR 2,32 [IC95% 1,82-2,94]; p<0,001), ce qui correspond à 93 patients traités pour induire un saignement majeur.
Les hémorragies cérébrales étaient aussi plus fréquentes dans le bras actif (0,7% vs 0,5%; RR 1,71 [IC95% 1,18-2,48]; p = 0,005). Aucune différence significative n’a été observée sur les saignements mortels (0,2 % vs 0,1%, RR=1,90 [IC95% 0,87-4,15], p=0,11).
En termes d’effets secondaires sévères, ils étaient un peu plus fréquents dans le bras ticagrélor (31,9% vs 33,7%). Les chercheurs précisent aussi que les arrêts de traitements étaient plus fréquents dans le bras ticagrélor que dans le bras placebo (34,5% vs 25,4%) en raison des saignements et des dyspnées.
Globalement, le critère composite associant les données d’efficacité et de tolérance (décès toutes causes, IDM, AVC, saignements mortels ou hémorragies cérébrales) était similaire entre les deux groupes (10,1 % vs 10,8%, RR=0,93, [IC95% 0,86-1,02]), « ce qui suggère que le ticagrélor n’a pas un rapport bénéfice-risque favorable dans la population de l’essai THEMIS », indiquent les auteurs.
Pas de bénéfice clinique net dans la population de THEMIS donc mais quid du sous-groupe de patients ayant eu une angioplastie et par conséquent ayant déjà bien toléré une bithérapie antiplaquettaire ?
C’est ce qu’ont voulu savoir les chercheurs en menant en parallèle de l’essai THEMIS, l’essai THEMIS-PCI dans ce sous-groupe de patients (analyse pré-spécifiée), représentant tout de même 58 % de la population de THEMIS, soit 11 154 patients.
Un bénéfice clinique net favorable dans THEMIS-PCI
Après un suivi moyen de 3,3 ans, chez les patients diabétiques, coronariens stables avec antécédent d’angioplastie, ajouter le ticagrélor à l’aspirine a diminué le risque de mortalité CV, d’IDM et d’AVC mais augmenté le risque de saignements. Toutefois, dans cette population de diabétiques coronariens, le bénéfice clinique net est resté favorable à la prise de ticagrélor.
Dans le détail, l’incidence du critère composite primaire décès CV ou IDM ou AVC était abaissée de 15 % chez les patients recevant du ticagrélor (7,3% vs 8,6%, RR=0,85, [IC95% 0,74-0,97] p=0,013). En revanche, le même effet n’était pas observé chez les patients qui n’avaient pas d’antécédents d’angioplastie, soit 42% de la population de l’essai THEMIS (RR=0,98, p=0,76). Les chercheurs notent qu’il n’était pas observé de différence statistiquement significative entre les deux groupes pour la mortalité CV seule (3,1% vs 3,3%, p=0,68) et la mortalité toutes causes (5,1% vs 5,8 %, p=0,11).
Concernant les saignements majeurs, ils étaient plus importants chez les patients recevant du ticagrélor. Ils sont survenus chez 2 % des patients du bras ticagrélor vs 1,1 % dans le bras placebo (RR=2,03, [IC95% 1,48-2,76], p<0,0001). Aucune différence significative n’a été observée entre les deux bras concernant les hémorragies intracérébrales et les saignements mortels.
Au final, dans ce sous-groupe de patients, le bénéfice clinique net était, tout de même, amélioré avec le ticagrélor (9,3 % vs 11%, RR=0,85 [IC95% 0,75-0,95], p=0,005).
Par comparaison, le bénéfice clinique net n’était pas favorable chez les patients qui n’avaient pas d’antécédents d’angioplastie (pinteraction =0,012).
Les chercheurs notent que le bénéfice était présent quel que la durée écoulée depuis l’angioplastie.
Bien sélectionner les patients
Interrogé par Medscape édition française sur les résultats positifs de THEMIS-PCI, le Pr Gabriel Steg (hôpital Bichat, Paris), auteur principal de l’étude explique : « nous avons identifié un sous-groupe qui a déjà reçu une bithérapie antiplaquettaire et donc des candidats à faible risque hémorragique. C’est pour cela à notre sens que ce sous-groupe a un rapport bénéfice-risque nettement plus favorable statistiquement que l’ensemble de la population de THEMIS ».
« Les gens qui ont eu une angioplastie dans le passé ont été exposés à une bithérapie antiplaquettaire et l’ont vraisemblablement bien tolérée. S’ils avaient eu une hémorragie grave, on ne leur aurait pas proposé de participer à un essai randomisé ticagrélor versus placebo en sus de l’aspirine », précise-t-il.
« Je pense que le traitement par ticagrélor a un intérêt chez les patients qui ont déjà eu un stent et, probablement même dans cette population, chez les patients qui ont été sélectionnés parmi ceux qui avaient le plus haut risque ischémique et le plus faible risque hémorragique », conclut le cardiologue français.
Liens d’intérêts :
Les études THEMIS et THEMIS-PCI ont été financées par AstraZeneca. Les liens d’intérêts des auteurs sont listés dans le NEJM et le Lancet.
P. Gabriel Steg : bourses de recherches : Amarin, Bayer, Servier, Sanofi•Orateur ou consultant : Amarin, Amgen, AstraZeneca, Bayer, Boehringer-Ingelheim, Bristol-Myers Squibb, Idorsia, Merck, Novartis, Novo, Pfizer, Regeneron, Sanofi, Servier.
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Citer cet article: THEMIS : le ticagrélor bénéfique chez les patients diabétiques ayant reçu une angioplastie? - Medscape - 5 sept 2019.
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