Crise des urgences : les annonces d’Agnès Buzyn font un flop

Véronique Hunsinger

4 septembre 2019

Paris, France -- Alors que la crise des urgences ne cesse de prendre de l’ampleur, la ministre de la santé accélère le rythme des réformes – ou tout du moins, de leurs annonces. Elle a ainsi dévoilé, lundi soir lors d’un déplacement impromptu au CHU de Poitiers, quelques mesures visant à répondre de façon plus concrète aux revendications que sous la forme d’une enveloppe – on se rappellera des 70 millions débloqués en juin qui n’avaient, somme toute, pas satisfaits les attentes.

Ces annonces interviennent avant une réunion prévue lundi prochain, le 9 septembre, où elle recevra l’ensemble des syndicats hospitaliers et libéraux ainsi que le collectif Inter-Urgences à l’origine du mouvement de grève et fera connaitre d’autres mesures, a-t-elle annoncé ce matin au micro de France Info.

But affiché : « compléter et formaliser un ensemble de premières mesures, propres à refonder le modèle des soins d’urgences » mais, peut-être aussi, couper l’herbe sous le pied au rapprochement qui s’opère peu à peu entre médecins et paramédicaux travaillant aux Urgences, lesquels prévoient de se rejoindre en assemblée générale le mardi d’après, soit le 10 septembre prochain.

Une réponse qui urge

Ces nouvelles annonces qui portent notamment sur le développement d’une offre en ville et la délégation de tâches sont inspirées de recommandations de Pierre Carli, président du Conseil national de l’urgence hospitalière (CNUH), et de Thomas Mesnier, député LREM de Charente et médecin urgentiste. Ces deux médecins avaient été missionnés par la ministre de la santé en juin et ils doivent rendre leur rapport complet d’ici le mois de novembre. Mais la réponse à un mouvement qui a débuté en mars dernier à l'Hôpital Saint-Antoine de Paris et touche désormais 241 des 640 services d’urgences ne semble désormais plus pouvoir attendre.

L’émergence d’une offre en ville 

Pour Agnès Buzyn, le désengorgement des urgences doit passer notamment par « l’émergence d’une offre en ville ». Elle a ainsi annoncé que les SAMU pourront déclencher, sous certaines conditions, un transport sanitaire pour emmener un patient vers un cabinet de ville ou une maison de santé. En outre, les actes réalisés en médecine de ville pendant les horaires de la permanence des soins devront bénéficier du tiers payant, au moins pour la part relevant de l’Assurance maladie obligatoire. Enfin, les structures de ville auront la possibilité de pratiquer directement certains examens de biologie. Toutes ces mesures visent à faire préférer aux patients la médecine de ville plutôt que les urgences autant que possible.

Délégation de tâches renforcée

Par ailleurs, au sein des services d’urgences, les compétences des infirmièr.e.s vont être élargies afin notamment de répondre aux vacances de postes de médecins urgentistes. Agnès Buzyn souhaite ainsi « donner un coup d’accélérateur aux protocoles de coopération en donnant aux infirmiers accès à deux protocoles pour l’imagerie et les sutures de plaie, qui donneront lieu au versement de la toute nouvelle prime de coopération ». De façon plus inattendue, la ministre de la santé a également annoncé que des infirmiers de pratique avancée (IPA) destinés aux services d'urgences seront formés à partir de la rentrée 2020.

Admission directe des personnes âgées dans les services de médecine

Le troisième volet de mesures concerne davantage l’aval de la prise en charge, en particulier pour les personnes âgées. Ainsi, lorsque celles-ci doivent être hospitalisées, des filières d’admission directe dans les services de médecine vont être mises en place, afin de leur éviter de passer par les urgences. « Un supplément pour financer cette admission directe se mettra en place dès la prochaine campagne budgétaire » a précisé la ministre à Poitiers. Parallèlement, elle souhaite également favoriser l’équipement en vidéo-assistance de la régulation médicale de tous les SAMU pour pouvoir, en particulier, prendre en charge à distance les résidents des EHPAD.

Pas d' écho

On ne peut pas dire que ces premières annonces qui visent à déminer le conflit des urgences aient reçu un écho positif chez les principaux intéressés, la plupart ont plutôt vu dans ces mesures du « réchauffé ». Dans une réaction sur twitter aux déclarations d’Agnès Buzyn sur France Info ce matin, le Collectif Inter-Urgences considèrait que la Ministre « résume le mouvement de grève aux urgences à des problèmes structurels et d’organisation (extra et intra hospitaliers) ». Eux, rappellent que leurs revendications « restent inchangées et immédiates afin d’améliorer la qualité des soins et réduire l'épuisement professionnel. Le temps de mise en place des réformes à moyen et long terme ne saurait être compatible avec la souffrance réelle des soignants sur le terrain », écrivent-ils. 

Rapprochement médecins et paramédicaux

Les annonces de la ministre interviennent alors que les paramédicaux regroupés dans le collectif Inter-urgences et les organisations de médecins commencent à se rapprocher. « Il est aujourd’hui temps de s’unir autour de revendications communes, ont déclaré, dans un communiqué commun avec Inter-Urgences, différentes structures de médecins dont l’AMUF (Association des médecins urgentistes de France), le Samu de France, le SNPHARE (Syndicat national des praticiens hospitaliers anesthésistes-réanimateurs), Action praticiens hôpital, Jeunes médecins ainsi que les syndicats Sud et FO et le collectif Printemps de la psychiatrie. C’est pourquoi nous nous joignons aux revendications des paramédicaux en grève depuis six mois dans les services d’urgences ». Ces structures réclament notamment des « mesures immédiates en faveur de l’attractivité des carrières soignantes à l’hôpital public, afin d’en finir avec les recrutements de personnes contractuels ou intérimaires » ainsi qu’un « moratoire sur la fermeture de lits et la création d’unités avec un nombre suffisant de lits pour répondre aux besoins de santé de la population ». Une assemblée générale est prévue le mardi 10 septembre à la Bourse du travail à Paris. Cette convergence avait déjà été amorcée par l’AMUF qui avait listé ses revendications début août.

Numéro unique

De leurs côtés, les syndicats de médecins libéraux rappellent leur revendication d’un numéro d’appel spécifique pour les demandes de soins non programmés, le 116 117, qui a déjà été expérimenté dans plusieurs régions. La Confédération des syndicats médicaux français (CSMF) estime notamment que ce numéro serait « un des moyens qui permettra aux organisations de soins de proximité d’améliorer la régulation et la réponse aux demandes de soins non programmés » permettant ainsi de « désengorger les urgences ».

 

 

 

 

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