Clermont-Ferrand, France -- Alors que la lutte contre les propos homophobes va bon train sur les terrains de foot – interruption du match Paris-Saint-Germain/Metz en raison du caractère homophobe d'une banderole, ouverture d'une enquête par le parquet de Nice le 29 août pour « injure publique en raison de l'orientation sexuelle » lors d’une rencontre footballistique Nice/Marseille, l'association étudiante Unef Auvergne révèle sur sa page Facebook que ce genre d'insultes, matinées de sexisme, ont toujours cours dans les facultés de médecine. Tout du moins sur les réseaux sociaux, ici la page Facebook d'un groupe d'étudiants en PACES à Clermont-Ferrand, pour la traditionnelle cérémonie de bizutage (pourtant interdite depuis 1998).
« Les bizuths sont des pd, des connards, des enculés. [...] Un bon bizuth est un bizuth MOOOORT. Une bonne bizuth est une bizuth qui SUUUUCE. Une seule solution, la SODOMISATION », peut-on lire sur la page Facebook de ce groupe d'étudiants.
Il s'agit en fait des paroles d'une chanson paillarde. « Ces propos visant à stigmatiser les néo-arrivant·e·s sont intolérables », ajoute l'Unef de Clermont.
L'organisation a été avertie par une étudiante qui ajoute que « le bizutage est une tradition qui continue d’humilier et marginaliser les minorités sous l’œil complaisant des professeurs qui souvent y participent, par leur inaction ou leurs rires. L’administration ne réagit pas non plus. De plus, ces violences ont lieu sur les réseaux sociaux et dans les amphis. »
Absence de sanction, corporatisme et omerta
L’Unef dénonce le fait qu’aucune mesure n'a été prise par les autorités de la faculté pour mettre fin à ces violences verbales : « rien n’est fait pour sensibiliser ni les personnels, ni les étudiant·e·s. Aucune sanction n’est prononcée contre les harceleurs dans une ambiance d’omerta renforcée par le corporatisme très présent dans ces filières ». L'Unef réclame donc la mise en place d'actions de sensibilisation contre le bizutage, ainsi que des sanctions contre les comportements sexistes, racistes et homophobes.
L'Unef précise que plus de 25% des jeunes LGBTi+ (Lesbiennes, Gays, Bi, Transgenres, Intersexe) sont harcelés au moins une fois durant leur parcours scolaire et que plus de 28% sont victimes de harcèlement ou d'agressions sexuelles.
Propos inacceptables
La Fédération des étudiants d'Auvergne (FedEA) a apporté son soutien à l'Unef Auvergne. Dans un communiqué, la Fédération condamne que « de tels propos puissent avoir lieu sur les réseaux sociaux... Les étudiants doivent pouvoir étudier dans un environnement bienveillant, nécessaire au bien-être de chacun. Nous tenons à rappeler que le bizutage est illégal depuis 1998 ». Selon la fédération, un rendez-vous a été pris avec les responsables des différentes filières de la Paces « afin que des actions concrètes puissent être mises en place, afin de traiter le problème à la racine ».
L'Unef a également reçu le soutien de la France insoumise Clermont-Ferrand.
Interrogé par le quotidien régional La Montagne , le président de l'Université Clermont-Auvergne (UCA) a dénoncé des « propos inacceptables, intolérables qui sont ce que l’on peut imaginer de pire. Nous savons que cette lutte contre cette pseudo-tradition est longue. Cette pseudo-tradition est moins présente qu’il y a vingt ans mais il peut y avoir des résurgences et nous les dénonçons ». Le président de l'UCA va travailler avec son service juridique « pour voir si cela relève du pouvoir disciplinaire de l'UCA ».
« Arrêtez de vous offusquer »…
Quoi qu'il en soit, si l'indignation fait l'unanimité parmi les responsables syndicaux et les cadres de l'université, elle n'est pas partagée par les étudiants. Les commentaires sous la publication de l'Unef excusent en grande partie ces chants estudiantins. « Arrêtez de vous offusquer de tout, tout le temps... ce ne sont que de simples chants ! Ça ne va pas plus loin. Je ne pense pas qu’en PACES on est (sic) le temps d’harceler ! Ce sont d’ailleurs des chants qui détendent bien l’atmosphère durant cette année horrible. La très grande majorité des étudiants est d’ailleurs morte de rire. On ne peut plus rien dire maintenant. Faut se détendre ! », répond Jéremy. « C’est loin d’être un bizutage c’est des chants d’amphi, c’est juste des vieux chants « traditionnels paillards » faut arrêter de tout prendre au pied de la lettre », embraye Nicolas. Un troisième, un certain Yop Lait, joue même de la provocation : « Merci d'avoir reposté les chants, je ne les avais pas sauvegardés depuis la fermeture du groupe des doublants! Je vais pouvoir bien les apprendre pour accueillir les primants dans la famille paces comme il se doit! » Le travail de sensibilisation va s'avérer être une tâche à plein temps...
La tradition de la faluche
Les chansons paillardes font partie de la culture des étudiants en médecine. Un site d'étudiants en médecine de Paris Ouest reproduit les paroles des « paillardes », partie intégrante du folklore carabin. « La digue du cul » ou encore : « Les saints et les anges, etc… »
Le sexisme est donc bien ancré dans l'imaginaire carabin...
Citer cet article: A Clermont-Ferrand, harcèlement et bizutage perdurent en PACES - Medscape - 3 sept 2019.
Commenter