DAPA-HF : la dapagliflozine efficace sur l’IC, indépendamment du statut diabétique

Stéphanie Lavaud

2 septembre 2019

Paris, France – Parmi les résultats qui auront marqué l’édition 2019 du congrès de l’European Society of Cardiology figureront indéniablement ceux de DAPA-HF. L’étude montre en effet que l’inhibiteur de SGLT2, dapagliflozine, réduit les décès et les hospitalisations chez les patients avec une insuffisance cardiaque et une fraction d’éjection réduite non seulement chez les patients diabétiques, mais qu’il présente le même bénéfice chez les patients non-diabétiques. 

Le Pr John McMurray (University de Glasgow, UK), principal investigateur de l’étude l’a confirmé lors de la présentation en conférence de presse : « dans cette étude, le résultat le plus important est le bénéfice chez les patients non-diabétiques. Il s’agit véritablement d’un traitement de l’insuffisance cardiaque et non juste un médicament du diabète [1]».

Patients avec et sans diabète de type 2

Des études comme EMPA-REG OUTCOME , CANVAS ou encore DECLARE–TIMI 58 ont montré que les inhibiteurs du cotransporteur 2 sodium-glucose (SGLT2) dont la dapagliflozine réduisent le risque de développer une insuffisance cardiaque chez les patients diabétiques de type 2. Des résultats tellement séduisants qu’ils ont conduit les chercheurs à émettre l’hypothèse que les inhibiteurs de SGLT2 puissent agir indépendamment de leur action sur le glucose et étendre leur bénéfice à des patients qui ne seraient pas diabétiques. Dans le même temps, ils se sont demandés si ces antidiabétiques ne pourraient pas impacter l’évolution de l’insuffisance cardiaque. Ce que les études EMPA-REG OUTCOME, CANVAS et DECLARE–TIMI 58 n’ont pu établir en raison d’un trop faible nombre de patients avec une IC à l’inclusion. Par ailleurs, la présence d’un diabète ou d’un pré-diabète est très fréquente chez les patients présentant une IC. Tous ces arguments ont conduit les chercheurs à imaginer l’étude DAPA-HF, le premier essai à regarder l’évolution de l’insuffisance cardiaque en ajoutant un inhibiteur des SGLT2 au traitement classique de l’insuffisance cardiaque avec une fraction d’éjection altérée, chez des patients avec et sans diabète de type 2.

4 744 patients avec une IC et une fraction d’éjection réduite

L’étude a enrôlé 4 744 patients avec une insuffisance cardiaque et une fraction d’éjection réduite dans 20 pays qui se sont vus attribuer de façon aléatoire soit de la dapagliflozine 10 mg une fois par jour, soit un placebo. Le critère primaire était la combinaison d’un premier épisode d’aggravation de l’IC (hospitalisation) ou décès d’une cause cardiovasculaire. Parmi les traitements standards de l’IC : 94% recevaient un IEC ou un ARA 2 ou un inhibiteur récepteur de l’angiotensine et de la néprilysine (ARNI); 96% recevaient un bêtabloquant ; et 71% un inhibiteur des récepteurs des minéralocorticoïdes. Etaient exclus : les patients avec une eGFR < 30 ml/min/1,73m2 ; une hypotension symptomatique ou une PA systolique < 95 mmHg ; un diabète de type 1.

Réduction de 26%

Que les résultats soient positifs n’est pas une totale surprise, l’information avait été annoncée il y a quelques jours par le sponsor AstraZeneca [3], en revanche, les chiffres sont désormais connus.

Sur un suivi moyen de 18,2 mois, le critère primaire a été observé chez 386 des 2 373 patients (16,3%) du groupe dapagliflozine et chez 502 des 2 371 patients (21,2%) du groupe placebo (hazard ratio[HR] : 0,74; IC95% : 0,65–0,85; p<0,00001), avec un nombre de patients à traiter pour atteindre ce critère de 21.

Les composants du critère primaire ont été analysés séparément :

237 patients (10,0%) recevant de la dapagliflozine et 326 patients (13,7%) recevant le placebo ont connu un premier épisode d’aggravation de leur insuffisance cardiaque (HR : 0,70; IC95% : 0,59–0,83; p<0,00004) and 227 (9,6%) et 273 (11,5%), respectivement, sont décédés de cause cardiovasculaire (HR : 0,82; IC95% : 0,69–0,98; p=0,029).

La perception par les patients de leur état de santé, via le Kansas City Cardiomyopathy Questionnaire, montre qu’ils ont été plus nombreux à ressentir une amélioration dans le groupe dapagliflozine que dans le groupe placebo (58% versus 51%, p<0,001) et inversement moins nombreux à faire part d’une détérioration (25% versus 33%, p<0,001), respectivement.

L’étude a aussi fait apparaitre une baisse de 17% de la mortalité toute cause dans le groupe dapagliflozine (hazard ratio[HR] : 0,83; IC95% : 0,71–0,97; p = 0,022).

Aucun excès d’EI dans le groupe dapagliflozine

En termes d’effets secondaires, 178 patients (7,5%) du groupe dapagloflozine ont expérimenté un effet indésirable lié au volume de déplétion contre 162 (6,8%) dans le groupe placebo, sans différence entre les deux groupes.

Les effets indésirables liés à une dysfonction rénale sont apparus chez 153 patients (6,5%) dans le groupe dapagliflozine versus 170 patients (7,2%) dans le groupe placebo, sans différence significative entre les groupes.

Les hypoglycémies majeures et les amputations des membres inférieurs étaient rares et se sont produites de façon similaire dans les deux groupes.

« Les événements indésirables ont rarement nécessité l’arrêt du traitement et aucun excès d’EI n’a été note dans le groupe dapagliflozine » a tenu à préciser le Pr McMurray.

En résumé, « les réductions de risque absolu et relatif de décès et d’hospitalisations ont été substantielles, importantes sur le plan clinique, et homogènes entre les sous-groupes de patients, y compris chez les patients sans diabète de type de 2. La dapagliflozine a été bien tolérée avec un taux de sortie d’étude bas, de l’ordre de 10-11% » a précisé le Pr John McMurray lors de la présentation de l’étude en conférence de presse.

Plusieurs mécanismes possibles

Quant aux mécanismes potentiels de l’inhibiteur de SGLT2, l’orateur a évoqué trois pistes potentielles : la protection rénale, une amélioration du métabolisme myocardique, et un effet sur les canaux ioniques (calciques et autres).  

Interrogé sur le sous-groupe des patients traités par inhibiteur des récepteurs de l’angiotensine et de la néprilysine, l’investigateur a rapporté des résultats équivalents dans les 2 sous-groupes (avec et sans), considérant que l’on dispose de deux médicaments – ARNI et dapagliflozine – qui fonctionnent en complémentarité ».

En conclusion, la dapagliflozine réduit le risque d’aggravation de l’insuffisance cardiaque et de décès cardiovasculaires, améliore les symptômes chez les patients, quand on l’ajoute au traitement standard de l’IC.

« La dapagliflozine offre une nouvelle approche au traitement de l’IC », a considéré le Pr McMurray.

« Je ne vois pas pourquoi on s’en priverait »

Interrogé par Medscape édition française sur l’impact de ces résultats quant à la disponibilité des gliflozines en France, le Pr Gabriel Steg (Hôpital Bichat, Paris) a fait le commentaire suivant : « Ces médicaments ont des bénéfices modestes sur la glycémie mais des bénéfices cliniques absolument majeurs y compris des effets sur la morbi-mortalité et dans ce cas particulier la mortalité toute cause. Ils réduisent la mortalité dans le diabète, dans l’IC. Je ne vois pas pourquoi on s’en priverait. Leur profil de tolérance semble globalement excellent et ce ne sont pas des médicaments très couteux. Je suis très surpris que les agences d’évaluation n’aient pas jugé utile de donner une bonne évaluation à ces médicaments et que l’on n’y ait pas accès. Je pense que cela prive les patients diabétiques et aujourd’hui les patients insuffisants cardiaques de traitements qui sont importants. »

Les effets indésirables qui ont été associés à ces traitements – risque d’amputation et de gangrène de Fournier – constituent-ils encore un frein à leur approbation ?

« Il y a effectivement des effets secondaires très graves mais qui sont très rares, alors que la réduction de la mortalité est de l’ordre 17 %-20 %, ce qui est considérable. Quand un médicament réduit la mortalité toute cause, c’est que son rapport bénéfice risque est favorable. »

 

 

L’étude DAPA-HF a été financée par AstraZeneca. Le Pr McMurray, qui travaille à l’Université de Glasgow, a reçu des honoraires pour son rôle d’investigateur principal dans DAPA-HF.

 

 

 

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