Paris, France -- Espoir déçu, l'association sacubitril (inhibiteur de la néprilysine) et valsartan (inhibiteur du récepteur de l'angiotensine) n'a pas permis d'engendrer de réduction significative du nombre total d'hospitalisations pour insuffisance cardiaque et/ou de décès d'origine cardiovasculaire chez les patients présentant une fraction d'éjection préservée (HFpEF), selon les résultats de l’essai PARAGON-HF, présentés par le Pr Scott Solomon (Boston) en session plénière du congrès de l’European Society of Cardiology (ESC2019) ce dimanche 1er septembre et publiés simultanément dans le NEJM [1,2]. Un intérêt semble cependant se dégager dans deux sous-groupes, chez les patients avec les fractions d’éjection les plus basses et chez les femmes.
« L'essai de phase III PARAGON-HF a été mis en œuvre pour déterminer si dans la forme particulière d'insuffisance cardiaque avec fraction d'éjection préservée (HFpEF) pour laquelle il n'existe actuellement aucun traitement approuvé, le sacubitril/valsartan pourrait avoir un impact thérapeutique significatif comme c'est le cas dans l'insuffisance cardiaque classique avec fraction d'éjection réduite (HFrEF) (PARADIGM-HF) » rappelait il y a peu le Pr John McMurray, professeur de cardiologie (Glasgow), co-président du comité exécutif de PARAGON-HF.
HFpEF, une pathologie aussi fréquente que mal connue
L'HFpEF est fréquente (environ la moitié des insuffisants cardiaques, soit environ 13 millions d'individus de par le monde, souffriraient de cette forme d'insuffisance cardiaque) et elle est associée à une morbidité et une mortalité substantielles.
Plusieurs mécanismes physiologiques ont été avancés (hypertrophie et fibrose myocardiques, altération de la compliance et de la relaxation diastolique, dysfonctionnement systolique sub-clinique et dysfonctionnement rénal entraînant des pressions de remplissage intracardiaques élevées, une rétention hydrique et une intolérance à l'exercice).
Cependant, à ce jour, aucun traitement n'a réduit de manière convaincante la morbidité ou la mortalité.
Près de 5000 patients enrôlés
PARAGON-HF, financé par Novartis, est le plus grand essai clinique mené à ce jour dans l'HFpEF. Il s'agit d'un essai randomisé de phase III, avec contrôle actif, mené en double insu sur deux groupes parallèles de patients. Après une période de run-in où les participants ont d’abord été testés pour leur tolérance au valsartan (demi-dose) puis à l’association sacubitril/valsartan (demi-dose), 4822 patients atteints d'HFpEF ont été randomisés afin de comparer l'efficacité à long terme et l'innocuité de l'association sacubitril/valsartan (bras expérimental, doses cibles respectives 97/103 mg deux prises/j) à celle du valsartan seul (bras contrôle, dose cible 160 mg x 2/j).
Les patients enrôlés avaient en moyenne 73 ans (52% de femmes), étaient symptomatiques, majoritairement classe NYHA II (environ 75%) et III (environ 20%), ils avaient une fraction d'éjection ≥ 45% (moyenne 57,7%), des taux élevés de peptides natriurétiques, des anomalies structurelles cardiaques et une petite moitié avaient des antécédents d'hospitalisation pour insuffisance cardiaque.
Le critère d'évaluation principal était le cumul de toutes les hospitalisations pour insuffisance cardiaque (initiale et ultérieures) et des décès d'origine cardiovasculaire. Les critères secondaires comprenaient chacun des composants du critère principal, les modifications de classe NYHA, la dégradation de la fonction rénale, les modifications du score clinique global au Kansas City Cardiomyopathy Questionnaire (KCCQ) et la sécurité d'emploi des traitements.
Des résultats allant dans le bon sens mais n’atteignant pas la significativité
Au total, 894 événements relevant du critère principal ont été documentés chez 526 patients du bras sacubitril/valsartan et 1009 événements chez 557 patients du bras valsartan, soit un ratio des taux (IC 95%) de 0,87 (0,75-1,01) témoignant d'une baisse de 13% qui n'atteint cependant pas le seuil de significativité (p=0,06).
Les résultats n’ont pas significatifs, non plus, côté critères secondaires.
L'incidence des décès d'origine cardiovasculaire était moindre dans le bras sacubitril/valsartan que dans le bras valsartan, respectivement 8,5% versus 8,9%, soit un rapport des risques de 0,95 (0,79-1,16) et il y a eu respectivement 690 et 797 hospitalisations pour insuffisance cardiaque, soit un ratio des taux de 0,85 (0,72-1,00) de nouveau en faveur de l'association.
La classe NYHA s'est améliorée chez 15,0% des patients du bras sacubitril/valsartan versus chez 12,6% du bras valsartan, soit un odds ratio de 1,45 (1,13-1,86). La fonction rénale s'est détériorée respectivement de 1,4% et de 2,7%, soit un rapport de risque de 0,50 (0,33-0,77). Le changement moyen du score clinique global au KCCQ à 8 mois était 1,0 point plus élevé (0,0 - 2,1) dans le bras sacubitril/valsartan.
Versant sécurité d'emploi, l'incidence d'hypotension et d'œdème de Quincke était plus élevée dans le bras sacubitril/valsartan tandis que l'incidence d'hyperkaliémie était plus faible.
Résultats positifs dans deux sous-groupes préspécifiés
L'analyse de sous-groupes (12 sous-groupes préspécifiés), suggère une hétérogénéité des résultats avec un bénéfice possible du sacubitril/valsartan chez les sujets dont les fractions d'éjection sont les plus basses (inférieures à la médiane, soit entre 45 et 57 %) et chez les femmes pour lesquelles le ratio des taux pour le critère principal est de 0,73 (0,59-0,90).
A ce propos Scott Solomon a déclaré que chez les patients avec des fractions d’éjection entre 45 et 57 % : « la baisse du risque relatif et du risque absolu est assez importante. Dans ce groupe, il me semble qu’il y a un rationnel à traiter par l’association sacubitril/valsartan parce qu’elle induit des bénéfices similaires à ce que nous avons observé chez les patients avec fraction d’éjection altérée ».
Concernant les femmes, il a précisé que : « la possible différence de bénéfice chez les femmes est intrigante car la proportion de sujets ayant une HFpEF est plus beaucoup plus importante chez les femmes ».
« Des analyses ultérieures vont examiner les résultats de sous-groupes en détail et nous aideront à déterminer quels patients présentant une insuffisance cardiaque au sein d'un vaste éventail de fractions d'éjection sont susceptibles de bénéficier le plus du sacubitril/valsartan », conclut-il.
Interrogé sur ces résultats, le Pr Gabriel Steg (hôpital Bichat, Paris) qui n’a pas participé à l’étude, a indiqué pour sa part :
« L’interprétation des essais cliniques ne doit pas être du tout noir ou tout blanc. Tout dans cet essai semble montrer qu’il y a un bénéfice substantiel à traiter certains patients avec l’association sacubitril/valsartan, même s’il a peut-être manqué 7 patients à cet essai pour qu’il soit positif. Je pense que c’est une avancée importante dans ce domaine ».
De son côté, Novartis qui commercialise l'association sous le nom d'Entresto® a déclaré qu’« en dépit de la signification statistique manquée de peu pour le critère de jugement principal de réduction du nombre de décès d'origine cardiovasculaire et de la totalité des hospitalisations pour insuffisance cardiaque, toutes les données disponibles suggèrent que le traitement par sacubitril/valsartan pourrait s'accompagner de bénéfices cliniquement importants chez certains patients atteints d'HFpEF, affection pour laquelle les besoins non satisfaits sont très importants et pour laquelle aucun traitement n'est actuellement approuvé. »
L’étude a été sponsorisée par Novartis |
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Citer cet article: IC à FE préservée : l'association sacubitril et valsartan manque de peu la significativité - Medscape - 1er sept 2019.
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