Paris, France – Une étude de preuve de concept vient, en effet, de confirmer les bonnes performances d’un nouveau test de détection des papillomavirus humains (HPV) par analyse de l’ARN viral dans le dépistage du cancer du col de l’utérus [1]. En permettant de prédire le risque de cancer, ce test développé par l’Institut Pasteur pourrait remplacer l’examen cytologique comme outil de triage.
Ces travaux décrivent une nouvelle approche diagnostique « capable non seulement de déterminer le type HPV, mais également d’identifier les marqueurs précancéreux », précise l’Institut Pasteur dans un communiqué. Avec ce test, « il serait possible de mieux diagnostiquer les stades précancéreux les plus à risque ».
Pour rappel, le dépistage du cancer du col de l’utérus s’appuie actuellement sur la détection de cellules cervicales anormales, à partir d’un examen cytologique sur prélèvement cervico-utérin, et sur la recherche des virus HPV les plus à risque, à l’aide d’un test de diagnostic moléculaire ciblant l’ADN ou l’ARN des virus.
En France, à l’instar d’autres pays, le test ADN vient d’être recommandé en première intention par la Haute autorité de santé (HAS) en remplacement de l’examen cytologique chez les femmes âgées de 30 à 65 ans, avec un intervalle de dépistage passant de trois à cinq ans entre deux tests.
Ce test ARN pourrait, s’il était validé, venir compléter le test ADN. Néanmoins, il faudra toutefois encore 3 à 5 ans de développement avant d’envisager une mise sur le marché.
Séquençage de nouvelle génération
Les tests moléculaires actuels peuvent toutefois conduire à des examens inutiles, telle que la colposcopie, car les virus HPV mis en évidence sont souvent associés à des infections transitoires, en particulier chez les plus jeunes. C’est d’ailleurs pour cette raison que la HAS n’est pas favorable à une utilisation en première intention entre 25 et 30 ans.
Alors que le test ADN est basé sur une amplification du matériel génétique par réaction de polymérisation en chaine (PCR), le nouveau test ARN, baptisé HPV RNA-Seq, combine la transcription inverse avant PCR (RT-PCR) et le séquençage de nouvelle génération (NGS), ce qui permet de détecter de faibles quantités d’ARN, tout en rendant compte des variations dans les séquences amplifiées.
L’originalité de la méthode est de pouvoir analyser l’ensemble des séquences ARN issues de la transcription du matériel génétique des virus. Il ne s’agit plus seulement n’est plus seulement de se focaliser sur un unique marqueur viral.
« En une seule analyse, jusqu’à 750 séquences cibles peuvent être amplifiées, ce qui permet au test d’identifier le type de virus, mais aussi d’évaluer le risque d’évolution vers un cancer en caractérisant finement le profil d’expression des gènes viraux », a expliqué, auprès de Medscape édition française, Marc Eloit (Biologie des infections, Institut Pasteur, Paris), qui a dirigé les travaux de développement et d’évaluation du nouveau dispositif.
La capacité du test à prédire le risque de cancer s’appuie, en effet, sur les variations de l’activité du virus au cours du processus de transformation des cellules infectées en cellules cancéreuses. « Au moment de la transformation cellulaire, les virus se répliquent moins. Des gènes dits précoces vont alors s’exprimer pour favoriser le processus, en induisant notamment la multiplication cellulaire », précise le chercheur.
Comparaison avec le test ADN
La quantification de certains ARN associés à l’expression de ces gènes, présentés comme des marqueurs précancéreux, permet d’obtenir un ratio qui définit le profil d’expression génique des virus. Il devient alors possible d’évaluer le risque d’avoir des cellules cervicales en cours de transformation.
Dans leur étude de preuve de concept, Philippe Pérot (Biologie des infections, Institut Pasteur, Paris) et ses collègues ont évalué le test HPV RNA-Seq sur les échantillons de 55 patientes. La moitié d’entre elles présentaient des lésions malpighiennes intra-épithéliales de bas grade, tandis que les autres avaient des lésions précancéreuses (lésions malpighiennes intra-épithéliales de haut grade).
Les performances du test HPV ARN-seq ont été comparées à celles du test ADN. Comme ce dernier, le nouveau test a permis de détecter l’infection par les HPV et d’en déterminer le type parmi un panel de 16 souches HPV à haut risque, « avec des résultats au moins comparables », précise Marc Eloit.
La méthode s’avère fiable, sa sensibilité (capacité à détecter la présence d’un virus HPV à haut risque) étant évaluée à 97%, tandis que sa valeur prédictive négative (probabilité qu’un test négatif arrête de l’absence d’HPV) est de 94%. Elle affiche également une très bonne valeur prédictive positive (probabilité d’infection par le HPV).
Réduire les examens inutiles
« Le test HPV ARN-seq est au moins aussi efficace que le test ADN et prédit en plus très bien le risque de cancer, comparativement à l’examen cytologique », commente Marc Eloit. « Avec cette méthode, on pourrait donc éviter le frottis en cas de résultat positif et passer directement à une colposcopie pour confirmer le diagnostic. »
L’examen cytologique étant associé à une valeur prédictive positive plus faible, celui-ci conduit souvent à des examens complémentaires inutiles. Le chercheur considère qu’en le substituant par le test HPV ARN-seq, « il est possible d’éviter des colposcopies inutiles chez certaines patientes ».
Selon lui, des essais cliniques devraient être prochainement menés pour évaluer la substitution du frottis par le test HPV ARN-seq comme outil de triage. «Ce test pourrait être envisagé après un test ADN positif pour évaluer le risque de cancer et, à plus long terme, en première intention, à la place du test ADN. »
Avec l’automatisation de la procédure et en écartant l’examen cytologique après frottis, cette nouvelle méthode de diagnostic pourrait aussi être intéressante d’un point de vue économique. Il faudra toutefois encore 3 à 5 ans de développement avant d’envisager une mise sur le marché.
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Citer cet article: Cancer du col de l’utérus: après le test ADN, celui à l’ARN ? - Medscape - 27 août 2019.
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