Londres, Royaume-Uni – La première étude à tester l’utilisation de la MDMA (3,4-methylenedioxymethamphetamine, aussi connue sous le nom d’ecstasy) a montré la sécurité de ce traitement dans la prise en charge de l’alcoolisme [1]. Tandis que les tous premiers résultats d’efficacité, encourageants, bien que dévoilés à un stade très préliminaire et sur peu de patients, ont été rapportés en début de semaine par The Guardian à l’occasion de l’International Conference on Psychedelic Consciousness qui s’est tenue à Londres du 16 au 18 août [2].
Les chercheurs ont conduit un essai pour savoir si cette drogue, en complément d’une psychothérapie, pourrait aider les patients à surmonter leur alcoolisme de façon plus efficace que les traitements actuels.
Deux sessions de MDMA sur 8 semaines
Le traitement psychothérapeutique portait sur 8 semaines et comprenait deux sessions avec de la MDMA. Les auteurs rapportent une bonne tolérance du traitement, sans conséquences néfastes physiques ou psychiques chez les premiers participants à avoir terminé l’étude [1]. Le quotidien anglais rapporte, lui, les toutes premières années d’efficacité, non encore publiées, et ils sont encourageants.
A ce stade, 11 personnes ont terminé l’étude de sécurité et de tolérance, qui implique un suivi de 9 mois.
« Nous avons une personne qui a totalement rechuté, revenant à sa consommation d’alcool d’origine, 5 personnes qui ne boivent plus une goutte d’alcool, et 4 ou 5 personnes qui boivent encore 1 ou 2 verres mais pour lesquelles ne s’applique plus le diagnostic de trouble alcoolique » a rapporté le Dr Ben Sessa, psychiatre, chercheur en neuropsychopharmacologie (Imperial College London) et premier auteur de l’étude, au Guardian [2].
Un résultat prometteur quand on connait le taux élevé de rechute avec les traitements actuels. « En utilisant ce que la médecine propose de mieux, 80% des gens boivent dans les 3 ans qui suivent leur cure de sevrage » affirme l’addictologue.
MDMA : un « revival » thérapeutique
La MDMA est un produit qui a été largement utilisé de façon thérapeutique entre les années 70 et 1985[3]. La molécule synthétique provoque des effets euphorisants et créé une vision positive et empathique des choses et des gens, ce qui lui a valu le surnom de « pilule de l’amour ». Si on ne sait pas exactement par quels mécanismes elle agit dans le cerveau, elle doit son action à un dérivé d’un produit actif tiré de la mescaline (la methylenedioxy-amphetamine or MDA). Moins hallucinogène et moins toxique que la MDA, la MDMA a connu son heure de gloire au sein du « Boston group ». A partir de 1976, ce cercle influant comprenant un chimiste, des personnes intéressées par la spiritualité et des chercheurs en intelligence artificiel du MIT (Boston), a répandu l’usage du MDMA à visée thérapeutique auprès de psychiatres et de thérapeutes. Comme avec le LSD, l’usage a par la suite débordé le champ de la psychiatrie. Devenue très en vogue dans les clubs newyorkais en 1983, la MDMA a fini par être classée sur la liste des molécules « Schedule 1 » et interdite en 1985 par le gouvernement américain, même à titre médical.
Une « drogue qui n'a rien de dangereux»
Pour ce qui est de la sécurité du produit, les patients étaient surveillés après chaque session avec de la MDMA, pendant toute la nuit qui suivait, et se voyaient interrogés par téléphone tous les jours pendant une semaine pour renseigner la qualité du sommeil, l’humeur et le risque potentiel de suicide. A noter qu’aucun patient n’a interrompu l’étude, ni connu de symptômes de descente après la prise de MDMA.
« Pas de black Monday ou de blue Tuesday, peu importe comment les ravers l’appellent. De mon point de vue, [la descente que décrivent les ravers au lendemain et sur-lendemain de la prise] est un artefact du raving, mais ce n’est pas dû à la MDMA » juge Ben Sessa dans l’article du Guardian, faisant référence à l’utilisation récréative de la MDMA (voir encadré).
Pour le psychiatre, cette « drogue » n’a rien de dangereux, elle a même été prescrite aux Etats-Unis entre les années 70 et 1985 et en Suisse jusqu’en 1993 pour augmenter l’efficacité de la psychothérapie. Récemment elle a fait l’objet d’intenses recherches et est utilisée avec succès dans le traitement du syndrome de stress post-traumatique, notamment chez les vétérans.
Si la première phase était de s’assurer que de la sécurité du produit, il reste désormais à étudier la possibilité de mener un essai clinique randomisé versus placebo, pour véritablement s’assurer de l’efficacité du traitement.
Lors de l’International Conference on Psychedelic Consciousness, David Nutt, professeur de neuropsychopharmacologie, qui chapeaute toutes les études menées ces dernières années par l’Imperial College London sur les psychédéliques et dernier auteur de l’article, [2] a rappelé au Guardian la difficulté qu’ont eu les chercheurs à faire financer l’étude en raison des contraintes légales très « ancrées » pour tester une molécule psychédélique, même en conditions très contrôlées.
Après une nouvelle phase d’usage récréatif (et donc illégal) dans les années 90 chez les adeptes de rave party et de clubbing, la MDMA connait aujourd’hui un regain d’intérêt auprès de jeunes psychiatres, à l’instar du Dr Ben Sessa qui y avait été « confronté » sous la forme d’ecstasy – il avait 18 ans quand la déferlante « acid » s’est abattue sur l’Angleterre dans les années 90 et travaillait comme DJ, mais ne donne pas plus de détails sur son degré d’intimité d’alors avec la drogue [4]. Convaincu de son potentiel thérapeutique dans des indications psychiatriques comme l’alcoolisme, il mène désormais des recherches en s’appuyant sur la capacité de la MDMA à lever les peurs liées à la remémoration du trauma lors d’une psychothérapie. « Mais pour qu’un psychiatre puisse utiliser la molécule sans risque et en totale connaissance de cause chez ses patients, l’idéal est d’en éprouver soi-même les effets » considère le Dr Ben Sessa. C’est donc ce qu’il a fait sous la houlette du psychiatre Michael Mithoefer (Medical University of South Carolina, Charleston), intéressé de longue date par l’utilisation thérapeutique des substances psychédéliques et aujourd’hui directeur médical de la Multidisciplinary Association for Psychedelic Studies, ou MAPS. L’essai de phase 1 a enrôlé 120 psychothérapeutes. Après une formation théorique, les participants habilités suivaient deux sessions espacées d’une journée, avec soit de la MDMA, soit un placebo. Dans les jours suivants, les participants étaient suivis et invités à partager leurs expériences. « La MDMA enlève la peur » a rapporté le Dr Ben Sessa à Elemental[4], en indiquant que, pour lui, vivre cette expérience (accompagné et encadré par des psychiatres expérimentés) est essentiel pour pouvoir à son tour proposer la substance à des patients. Un avis personnel qui n’est pas forcément partagé par les thérapeutes travaillant avec la molécule. La question peut sembler anecdotique, mais le serait peut-être moins si la FDA autorisait la MDMA, à laquelle elle a donné le statut de thérapie prometteuse (breakthrough therapy) pour soigner le stress post-traumatique. Une réponse de la FDA dans cette indication est attendue pour la fin 2021.
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Citer cet article: Résultats prometteurs pour la 1re étude à tester la MDMA (ecstasy) dans l’alcoolisme - Medscape - 23 août 2019.
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