Dengue, chikungunya, Zika : les infectiologues français sont-ils prêts ?

Dr Isabelle Catala

22 août 2019

France -- Alors que la détection de cas importés d’arboviroses (dengue, chikungunya, Zika) augmente chaque année en France métropolitaine et que des risques d’épidémies autochtones existent, des chercheurs montpelliérains ont analysé le degré de préparation des infectiologues français face à ces infections. Et globalement, ces cliniciens sont relativement bien formés et prêts à faire face à ces cas sporadiques, mais ils ne s’attendent pas, du moins dans les prochaines années, à avoir à faire face à des épidémies autochtones, y compris dans les régions de présence des moustiques tigres.

Enquête arbobiroses : seulement 11,7 % de participation

L’analyse de l’équipe du Dr Marion Le Tyrant (Université de Montpellier, CNRS, IRD, CIRAD) a analysé les réponses à un questionnaire envoyé aux infectiologues recensés par la Société de Pathologie Infectieuse de Langue Française (SPILF). Les 685 membres ont été contactés par mail entre janvier et mai 2016. Seuls 80 ont répondu (11,7 %) et encore, ils n’ont pas tous répondu à l’intégralité de l’interrogation qui comportait 58 questions.

Il s’agissait d’une population assez jeune (47,5 ans en moyenne et qui avait présenté leur thèse à plus de 30 ans), avec une légère surreprésentation masculine (61 % d’hommes et 39 % de femmes) et qui avaient bénéficié d’une spécialisation assez longue (4 à 5 ans en moyenne).

L’augmentation de fréquence des voyages ultra-marins est connue

L’analyse montre que dans leur grande majorité les infectiologues ont conscience que des cas de dengue, chikungunya ou Zika peuvent survenir de façon sporadique en France métropolitaine. C’est d’ailleurs le cas puisqu’entre le mois de mai et fin juin 2019, 109 dengues, 12 chikungunya et un Zika ont été signalés à Santé publique France, mais tous ces cas étaient importés. Aucun cas autochtone n’a été signalé en 2019.

D’après l’analyse menée, les infectiologues prennent bien en compte l’augmentation des arrivées sur le territoire métropolitain de personnes potentiellement atteintes car revenant de zones ultra-marines touchées : 2 475 116 personnes qui ont voyagé à la Réunion (augmentation de 7,9 % entre 2017 et 2018), 2 446 235 en provenance de la Guadeloupe (+3,6 %), 1 978 356 venant de la Martinique (+2,4 %), 1 393 849 de Tahiti (+7,9 %) et 538 782 (+4,7 %) de retour de Guyane.

Mais le risque épidémique est considéré comme peu important

Les infectiologues considèrent-ils qu’il existe un risque d’épidémie autochtone d’arbovirus, comme cela s’est déjà passé en Italie, en Croatie ou à Madère ? Pas vraiment puisqu’ils qualifient le risque de faible à peu important. Les données les plus récentes semblent leur donner raison puisque grâce aux réseaux de surveillance mis en place en France et en Europe, et bien que des épidémies d’arboviroses surviennent régulièrement dans les territoires ultra-marins (les plus visités par les français de métropole) et dans d’autres pays d’Asie, Afrique et Amérique du sud, aucune épidémie n’a été recensée en France métropolitaine.

Parmi les facteurs susceptibles d’accroître la veille sanitaire sur les arboviroses en métropole, les auteurs retiennent le jeune âge du praticien, son expérience dans des pays ou territoires d’endémie et son degré de formation. En revanche, le fait d’habiter à proximité d’un aéroport ou dans une région endémique pour le moustique tigre ne semble pas influer sur l’intérêt des infectiologues pour les arboviroses.

Communiquer et former

Les auteurs concluent de leur enquête que « les professionnels de santé considèrent comme faible le risque d’apparition et d’extension d’arboviroses sur le sol métropolitain, et qu’il s’agit probablement d’une bonne approximation de la réalité ». Néanmoins, ajoutent-ils, « l’introduction de cas de dengue, chikungunya et Zika importés de zones épidémiques et endémiques va nécessairement augmenter avec le développement de la circulation des personnes dans ces régions ». Les chercheurs recommandent donc d’insister sur « la communication auprès des citoyens et la formation des professionnels de santé, considérés comme les meilleurs remparts contre les infections potentielles et la vision que les gens en ont ».

 

 

 

 

 

 

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