France -- La Haute Autorité de Santé (HAS) a actualisé le mois dernier ses recommandations en matière de dépistage du cancer du col de l’utérus. En proposant de remplacer le frottis par le test ADN de recherche d’HPV à haut risque chez les femmes de plus de 30 ans, la HAS a aussi pris position, pour la première fois, en faveur de l’auto-prélèvement vaginal (APV) ouvrant ainsi la voie à la possibilité pour les femmes de réaliser elle-même ce geste. Mais en quoi consiste cet auto-prélèvement ? S’agit-il d’un autotest ? Est-il disponible ? Les réponses du Dr Ken Haguenoer (Centre de Coordination des Dépistages des Cancers, CHRU de Tours) qui a participé au groupe de travail de l'HAS pour la rédaction des nouvelles recommandations et principal investigateur d’une étude randomisée ayant testé l’auto-prélèvement vaginal en Indre-et-Loire [1].
Des gynécologues y sont très favorables
Début juillet, la HAS a publié ses nouvelles recommandations concernant le dépistage du cancer du col de l’utérus [2]. Elle recommande que le test HPV remplace l’examen cytologique en dépistage primaire pour les femmes à partir de 30 ans. Et afin d'améliorer la participation au dépistage, elle préconise que l'APV puisse être proposée aux femmes non dépistées ou insuffisamment dépistées à partir de 30 ans également.
Certains gynécologues y sont très favorables. Ainsi, en avril dernier, le Pr Israël Nisand, Président du Collège National des Gynécologues et Obstétriciens Français (CNGOF), s’était prononcé pour cet auto-prélèvement et avait justifié sa position auprès de Medscape édition française de la façon suivante : « Les femmes sont fatiguées des frottis. Nous sommes nombreux à nous poser des questions sur la légitimité de continuer à imposer aux femmes un frottis tous les trois ans alors qu'elles pourraient faire un autotest. Ce n'est qu'en cas d'HPV sur l'autotest, qu'elles iraient faire le frottis. Et, c'est, d'ailleurs, ce que vient d'instaurer la Hollande. »
Toujours en phase de test
En fait d’autotest – que la personne réalise à domicile, et dont elle a les résultats immédiatement –, il s’agit plutôt ici d’auto-prélèvement, précise le Dr Ken Haguenoer, responsable du programme APACHE en France [3]. Et, en effet, « la femme qui réalise un APV à son domicile n'a pas les résultats en direct : il se passe une à trois semaines entre le prélèvement et les résultats ».
Par ailleurs, pour le moment, les auto-prélèvements font toujours l'objet de recherches en France. Il s'agit notamment de trouver le meilleur moyen pour qu'ils soient utilisés par la population ciblée.
Atteindre les femmes non dépistées
Quelle est cette population ? Essentiellement les femmes qui ne se font dépistées régulièrement, voire pas du tout. Car alors que le dépistage organisé du cancer du col de l'utérus se déploie sur l'ensemble du territoire depuis le premier trimestre 2019, il importe que les femmes ciblées répondent aux invitations de dépistage – condition sine qua none pour qu’un programme de santé publique fonctionne. Or on sait qu'en France, la participation doit être améliorée. « La moitié des femmes ne sont pas assez souvent dépistées » précise Ken Haguenoer.
Parmi les moyens d’augmenter la participation, l'auto-prélèvement vaginal serait un des leviers possibles. En pratique, les femmes identifiées comme insuffisamment dépistées, c'est-à-dire ne répondant pas aux invitations par courrier, recevraient à domicile un kit qui leur permet de réaliser elles-mêmes grâce à un écouvillon un prélèvement vaginal. Celui-ci serait ensuite envoyé dans un laboratoire d'analyses médicales pour une recherche d'ADN des papillomavirus à haut risque.
Pratique et fiable
Et ce d’autant que le test est pratique et fiable. « Après avoir démontré via notre programme de recherche APACHE que les auto-prélèvements étaient fiables – ils détectent les infections HPV avec la même performance que lorsque le prélèvement était réalisé par un professionnel de santé –, on s'est rendu compte que l'efficacité était la même avec ou sans milieu de transport liquide [3]. On peut donc finalement s’en passer » indique Ken Haguenoer.
Les femmes non-participantes au dépistage classique seraient-elles enclines à utiliser le kit pour APV envoyé à leur domicile ? Ce critère a aussi fait l'objet de travaux dans le cadre du programme APACHE et les investigateurs ont montré qu’il s’agissait bien d’une méthode efficace pour atteindre les femmes non dépistées.
Que dit la littérature ?
En décembre dernier, le British Medical Journal a publié une méta-analyse incluant 56 études et 25 essais sur les tests pour APV [4]. Ce travail a conclu que :
les auto-prélèvements sont aussi sensibles pour détecter les CIN2+ ou CIN3+ (pooled ratio 0,99 ; IC 95% (0,97-1,02)) que les prélèvements réalisés par un médecin.
l'envoi à domicile du kit est plus efficace (taux de réponse meilleur) que l'envoi d'une invitation puis d'une relance à consulter un professionnel de santé.
L'APV peut-il remplacer le frottis ?
« Cela pourrait tout à fait remplacer le frottis mais ce n'est pas ainsi que nous avons envisagé l'APV » tempère le Dr Haguenoer. Pour le moment, les autorités de santé recommandent une consultation avec un professionnel de santé qui réalisera à cette occasion le prélèvement vaginal. « Il se passe d'autres choses lors de la consultation, comme la prise de tension, la palpation mammaire mais aussi l'entretien entre le médecin et sa patiente, qui ont un impact positif sur la santé des femmes » insiste-t-il.
Quid du test urinaire pour les femmes pas suffisamment dépistées (voir encadré) ? C'est une stratégie en cours d'évaluation par d'autres équipes françaises, notamment à Angers et à Brest. « Les premières données semblent conclure à une moins bonne performance. Ceci dit, on peut envisager qu'une moins bonne performance soit compensée par une plus grande participation » rappelle le spécialiste de santé publique.
L’auto-prélèvement urinaire lui aussi à l’essai
Une alternative existe au prélèvement vaginal pour réaliser une détection des HPV après amplification de l’ADN : l’auto-prélèvement urinaire. Dans une méta-analyse parue en 2014, les auteurs avaient décrit la sensibilité de ces tests pour les papillomavirus 16 et 18, responsables d’environ 70% des cas de cancer du col, comme « modérée » pour la détection des cas positifs (73%) et « élevée » pour repérer les cas négatifs (98%). Dernièrement, une étude menée à Manchester chez 104 femmes a montré une bonne concordance entre la détection urinaire et vaginale pour les HPV à haut risque, avec une sensibilité de détection des lésions CIN 2+ de 15/18 (83%) dans l’urine et de 16/18 (89%) pour les échantillons cervicaux et vaginaux analysés par biologie moléculaire (PCR) et de 15/17 (88%) pour les échantillons ayant bénéficié d’un dépistage histologique [4]. Là encore, le test urinaire, pourrait faire augmenter les chiffres du dépistage, car c’est une option très bien accueillie par les femmes, font remarquer les auteurs.
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Citer cet article: Dépistage du cancer du col : vers un auto-prélèvement à domicile ? - Medscape - 22 août 2019.
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