POINT DE VUE

Objets connectés : à prescrire comme des médicaments !

Dr Boris Hansel

Auteurs et déclarations

5 août 2019

COLLABORATION EDITORIALE

Medscape &

Le blog du Dr Boris Hansel - Diabétologue et nutritionniste

TRANSCRIPTION

Aujourd’hui c’est en tant que co-directeur du Centre de responsabilité de santé connectée que je vais vous parler de télémédecine.

Une enquête proposée par le site Medscape a été menée auprès de médecins français pour connaître leur opinion sur la télémédecine et leur rapport à la téléconsultation, qui, vous le savez, est désormais remboursée en France. Plusieurs centaines de médecins ont répondu sur la base du volontariat. Nous avons donc des chiffres, qui bien sûr ne sont pas forcément extrapolables, mais qui donnent quelques idées que je voudrais commenter.

LA TÉLÉCONSULTATION : des craintes subjectives ?

En ce qui concerne la téléconsultation, on observe que 16% des médecins interrogés l’utilisent, et 44% envisagent de le faire. Pour les 40% qui restent, plusieurs arguments sont mis en avant :

  • La relation avec le patient serait, pour certains, altérée. Je voudrais dire qu’il s’agit, à mon sens, d’une impression subjective. En ce qui me concerne, j’ai plutôt un sentiment inverse et les patients que j’ai eu l’occasion de prendre en charge en téléconsultation ont également témoigné à l’inverse. Une proximité s’installe pour certains patients, et pour beaucoup, le fait de pouvoir consulter à distance est rassurant.

  • L’existence de risque lorsqu’on en prend en charge un patient à distance est la 2e crainte mise en avant par les médecins qui ne sont pas adeptes de la téléconsultation. Évidemment, tout dépend des cas. Le suivi d’un diabète ou d’une hypertension artérielle, qui sont des maladies chroniques qui nécessitent de discuter avec les patients et d’adapter les traitements, peut se faire à distance, j’en suis convaincu. Bien évidemment, pour les pathologies aiguës qui nécessitent une évaluation physique, comme quelqu’un qui présenterait une dyspnée ou une douleur thoracique, dans la plupart des cas on ne doit pas les faire uniquement en téléconsultation, sauf si celle-ci – et c’est possible – est organisée avec un soignant qui est à côté du patient et qui peut l’examiner en donnant des informations, par exemple en l’auscultant, en l’inspectant, ou encore en le palpant ou en le percutant.

  • La 3e remarque venant des médecins qui ne souhaitent pas utiliser la consultation est qu’elle serait chronophage. Là encore je voudrais commenter : certainement que pour les 3, 4, voire 5 premières consultations, cela peut être chronophage. Il faut savoir utiliser l’ordinateur et le service de téléconsultation etc… mais au fond, c’est un peu comme si vous aménagiez dans un nouveau cabinet ou si vous travailliez dans un nouveau centre de santé : il faut se faire à son nouvel environnement, à la nouvelle organisation. On peut tout à fait comprendre qu’un médecin dont les agendas sont déjà pleins avec des consultations en face à face, ne va pas éprouver le besoin d’adapter sa méthode de travail.

  • Certains parlent aussi d’un problème de rémunération : je ne veux pas discuter la rémunération des médecins en général, mais sachez que la téléconsultation est remboursée comme une consultation normale.Donc l’argument d’une activité chronophage ou non rémunérée… est au fond comme n’importe qu’elle activité médicale où l’on doit au départ s’organiser et se faire rémunérer avec ce qui nous ait proposé aujourd’hui.

LES OBJETS CONNECTÉS : à prescrire comme des médicaments

Je voudrais également commenter les remarques des médecins sur les objets connectés. Toujours selon cette enquête Medscape, un médecin sur 3 en utilise ou en prescrit à ces patients. Quand on regarde de près, il y a des réticences, liées notamment à la fiabilité des données recueillies : par exemple, les données des tracteurs d’activité sont-elles fiables ? Aussi, pour certains, c’est la sécurité des échanges des données qui poserait problème.

D’autres médecins avouent qu’ils ne veulent pas médicaliser la vie quotidienne de leurs patients. À ce sujet je voudrais mentionner des travaux scientifiques [1,2,3] qui montrent l’intérêt du suivi à distance, notamment de la tension artérielle [1] ou de la glycémie [2] des patients diabétiques à l’aide de capteurs (qui sont ou non connectés) qui entrent dans la vie quotidienne des gens ; il s’agit bien donc de médicaliser la vie quotidienne des patients pour recueillir des informations. Là, plusieurs études montrent le bénéfice pour le contrôle de ces facteurs de risque que sont la tension artérielle et le diabète.

Concernant les traqueurs d’activité, notamment les montres connectées, l’intérêt du podomètre a été démontré il y a déjà plus de 10 ans [3]. À l’époque, c’était seulement un capteur que l’on mettait dans la poche ou à la ceinture, aujourd’hui c’est largement remplacé par les montres connectées. L’intérêt de ces traqueurs, pas forcément connectés, a été démontrée.

En ce qui me concerne, je vois la prescription d’un objet connecté exactement comme celle d’un médicament : il y a des effets bénéfiques, et pour certains il peut y avoir des effets secondaires, comme le risque d’être obsessionnel avec des chiffres de tension artérielle, cela arrive… mais surtout, et j’insiste là-dessus, il y a clairement des répondeurs qui adhèrent à l’utilisation de ces objets connectés et d’autres patients qui n’y adhèrent pas du tout.

Donc si on résume, la prescription d’un objet connecté est pour moi quelque chose qui, et plus que jamais, nécessite une évaluation du patient et une prescription au cas par cas… en bref qui nécessite de faire son travail de médecin face à son patient.

SE FORMER À LA E-SANTÉ

Je rappelle qu’il existe, pour ceux qui le veulent, un enseignement de la santé connectée dans différentes facultés de médecine, et je vous invite à rejoindre, si cela vous intéresse, la formation pour le diplôme universitaire (DU) de l’Université Paris-Diderot (UPD) , qui regroupe chaque année une centaine de participants qui viennent pour apprendre et acquérir des compétences, et généralement pour essayer de concrétiser des projets, puisque c’est l’élément phare de ce DU de l’UPD : aider à la réalisation de projets dans le domaine de la e-santé, que ce soit la télémédecine, l’utilisation d’objets connectés ou, par exemple, le développement d’applications.

Je vous remercie de votre attention et vous dis à très bientôt sur Medscape.

 

Commenter

3090D553-9492-4563-8681-AD288FA52ACE
Les commentaires peuvent être sujets à modération. Veuillez consulter les Conditions d'utilisation du forum.

Traitement....