Effets délétères des médicaments pendant les vagues de chaleur : données en vie réelle

Aude Lecrubier

Auteurs et déclarations

5 août 2019

Saint-Denis, France — En cas de fortes chaleurs, certains médicaments, de par leurs propriétés, peuvent aggraver les effets des températures élevées sur l’organisme.

Lors de la récente canicule, l’ANSM a d’ailleurs rappelé la liste de ces médicaments et la conduite à tenir pour limiter les interactions délétères entre la chaleur et ces substances thérapeutiques au rang desquels on retrouve notamment certains antihypertenseurs, les neuroleptiques, les antidépresseurs et les AINS[1,2].

Mais, sait-on réellement quel rôle jouent ces médicaments dans la surmortalité observée à chaque épisode de canicule ?

Pour y voir plus claire, l’ANSM a réalisé une revue de la littérature des études françaises sur le sujet et déploré le peu de données épidémiologiques disponibles.

Quelques études centrées sur l’interaction entre les conditions climatiques et les traitements médicamenteux ont toutefois été réalisées à la suite de la canicule de 2003, en France.

Deux études épidémiologiques se sont, notamment, intéressées aux facteurs de risque de décès suite à l’été 2003 [3,4]. Elles « montrent que des traitements médicamenteux pourraient favoriser la survenue d’un coup de chaleur, mais ne permettent pas de conclure à l’existence d’un lien de causalité entre la prise d’un médicament et le décès », indiquent l’ANSM.

En parallèle, deux études ont été réalisées à partir des données de l’Assurance maladie.

Une étude française cas-témoin[5] rétrospective dans la population des 70-100 ans a comparé les prises de médicaments des personnes décédées pendant la vague de chaleur de 2003 à celles des personnes décédées pendant les jours précédant la vague de chaleur. Elle « montre que la prise d’un psychotrope, en particulier antidépresseur ou neuroleptique, est associée à une augmentation du risque de décès chez le sujet âgé pendant une vague de chaleur ».

L’autre étude [6] a porté sur la consommation de psychotropes chez les personnes âgées de 75 ans et plus pendant la canicule de 2003. Elle « révèle des taux de décès et des risques relatifs de décès plus élevés chez les consommateurs de psychotropes, notamment neuroleptiques, en particulier en association à un diurétique ».

Enfin, une étude rétrospective a été réalisée par le Centre Régional de Pharmacovigilance de Toulouse[7] sur les effets indésirables graves observés chez des sujets de plus de 70 ans et recensés dans la base nationale de pharmacovigilance.

Elle compare les étés 2003 et 2006 au cours desquels est survenue une vague de chaleur aux étés de référence 2004 et 2005.

« Les effets indésirables graves liés à la chaleur sont significativement plus fréquents en 2003 et 2006 comparés à la période de référence. Toutefois, l’augmentation des décès associés à un médicament, observée pendant l’été 2003, n’est pas retrouvée pendant l’été 2006. Cette différence pourrait être la conséquence de la prise de conscience générale des risques liés à la chaleur et de la mise en place de mesures sanitaires suite à l’épisode caniculaire de 2003 »[8], indique l’ANSM.

Il ressort de ces études que les médicaments les plus souvent imputés dans ces effets indésirables graves en période de forte chaleur sont : les diurétiques, les inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine, les antidépresseurs sérotoninergiques, les inhibiteurs de la pompe à proton, la digoxine, les benzodiazépines, les hypoglycémiants oraux, les sartans, les antagonistes calciques et les β-bloquants[7].

 

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