Un «bouton d’alerte» pour les médecins portugais agressés à l‘hôpital

Vincent Richeux

Auteurs et déclarations

30 juillet 2019

Lisbonne, Portugal - Actuellement à l’essai dans trois hôpitaux de la région de Lisbonne, au Portugal, un dispositif d’alerte à activer par ordinateur en cas d’agression devrait être progressivement mis à disposition des professionnels de santé exerçant dans les établissements publics hospitaliers du pays, a annoncé le gouvernement portugais.

Inspirée d’une expérience similaire menée en Espagne, ce dispositif fait partie d’une série de mesures présentées par le Ministère de la Santé portugais, en réaction à la hausse des actes de violence subis par les médecins et les soignants sur leur lieu de travail. 

Près de 1 000 agressions en 2018

En plus du dispositif d’alerte, le gouvernement prévoit de mobiliser les acteurs de proximité pour apporter un soutien et un accompagnement aux professionnels victimes d’agression, ainsi que des formations pour s’en prémunir. Une campagne nationale d’information et de sensibilisation est également envisagée.

Ces mesures font suite à une première série d’actions menées en 2017 par le Ministère de la Santé portugais, qui a placé la lutte contre les violences envers le personnel médical parmi ses priorités. Les professionnels de santé ont notamment été encouragés à déclarer tout acte d’agression, dont ils seraient victimes.

Au cours de l’année 2018, 953 cas de violence contre les médecins et les soignants ont ainsi été déclarés auprès de la Direção Geral da Saúde (DGS). Il s’agit en majorité d’agressions verbales. Un chiffre en hausse par rapport à l’année précédente, qui a enregistré 678 cas. En fin de premier trimestre 2019, 383 cas ont déjà été rapportés.

Afin de définir des mesures de prévention, le ministère a sélectionné trois établissements hospitaliers de la ville d’Amadora, près de Lisbonne, où sont recensés le plus d‘actes d’agression. Des membres référents du personnel ont alors eu pour mission de réunir les professionnels de santé pour proposer des solutions.

Accès contrôlé, signalétique et air climatisé

C’est ainsi qu’à émergé, après trois jours d’échanges, l’idée d’un bouton d’alerte, calqué sur une expérience menée en Espagne. D’autres mesures ont été validées, comme l’installation d’un central téléphonique, la difficulté à joindre l’hôpital étant l’une des plaintes les plus couramment exprimées par les patients.

Il est également prévu de réorganiser les unités de soins, avec un accès limité aux abords des cabinets de médecin, et de modifier la signalétique pour mieux orienter les patients. L’amélioration des conditions des salles d’attentes, avec installation d’air conditionné et musique d’ambiance, a aussi été validée.

Par ailleurs, les professionnels de santé ont réclamé la création d’un groupe multidiplinaire rattaché à l’administration hospitalière, ayant pour vocation d’apporter un soutien psychologique, mais aussi juridique, aux personnes victimes d’une agression.

En ce qui concerne le système d’alerte, il équipe désormais les ordinateurs des trois établissements. En cas de menace, tout professionnel de santé peut faire intervenir les agents de sécurité en cliquant longuement sur le bouton d’alerte. Ceux-ci ont d’ailleurs reçu une formation spécifique pour gérer ce type de situation.

« Le Ministère de la Santé a indiqué que la phase pilote devrait durer de six mois à un an, avant un élargissement progressif du dispositif d’alerte aux établissements publics du pays ».

En Espagne, l’application AlertCops

Cette initiative s’inspire d’un projet similaire lancé l’année dernière dans un hôpital de Vigo, au nord de l’Espagne, également confronté à une recrudescence des agressions. Disponible initialement dans les unités les plus sensibles, notamment aux urgences, le bouton d’alerte a été généralisé à tous les services de l’hôpital.

En Espagne, plusieurs régions envisagent d’équiper ainsi les établissements hospitaliers. Le dispositif vient alors s’ajouter à l’application AlertCops, que les professionnels de santé espagnols peuvent déjà utiliser sur leur smartphone, notamment lors de leurs déplacements, pour alerter la police en cas d’agression.

Développée par le ministère de l’Intérieur espagnol, l’application AlertCops est destinée à la population générale. Elle propose à l’écran plusieurs situations de crise, pour signaler une agression, mais aussi des actes de vandalisme, de vol ou un harcèlement.

Lorsqu’un professionnel de santé se sent menacé, il peut ainsi activer l’application, qui envoie alors un enregistrement de 10 secondes de l’ambiance sonore à un centre de contrôle spécialement dédié. Les forces de sécurité peuvent alors intervenir en s’aidant de la géolocalisation de l’appareil.

La police nationale espagnole prévoit d’améliorer l’application spécifiquement pour les professionnels de santé, en intégrant la possibilité d’y associer un numéro d’identification pour une intervention plus rapide.

 

En France, un protocole de sécurité

Selon les dernier rapport de l’Observatoire national des violences en milieu de santé (ONVS), 23 360 signalements d’incivilité et d’actes de violences envers le personnel médical de 426 établissements de santé ont été enregistrés en 2018, contre 22 048 en 2017. Les services de psychiatrie et les urgences sont les plus concernés.

Les violences physiques et la menace avec arme ou objet représentent près de la moitié des cas d’atteintes sur personnes. Parmi les 33 431 victimes recencées, la grande majorité (80%) sont des aides-soignants et des infirmiers. Les médecins représentent près de 10% des victimes (2 341 médecins agressés en 2018).

En France, des expériences s’appuyant sur des dispositifs d’alerte sont expérimentées localement dans certains hôpitaux (boitier de poche, bouton d’alerte en cabinet…). Au niveau national, il existe depuis 2010 un protocole de sécurité qui suggère notamment de « mettre en place un numéro d’appel d’urgence dédié » ou « de recourir aux dispositifs électroniques d’alarme géolocalisée ».

Le Conseil national de l’ordre des médecins (Cnom) encourage les praticiens à signaler les agressions auprès de leur conseil départemental. Le signalement permet au médecin agressé de recevoir le soutien de l’Ordre. Un guide pratique et une fiche « Prévenir et gérer les conflits », ont également été édités pour aider les praticiens à se protéger.

 

 

 

Source originale : Portugal testa "botão de pânico" para médicos e enfermeiros do serviço público, Giuliana Miranda, Medscape édition portugaise 

 

 

 

 

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