Choisir le bon antipsychotique pour un patient schizophrène : éclairage d’une vaste méta-analyse

Batya Swift Yasgur, MA, LSW

Auteurs et déclarations

29 juillet 2019

Munich, Allemagne — Comparés entre eux, la plupart des antipsychotiques utilisés par les patients atteints de schizophrénie ont une efficacité proche alors que leurs effets secondaires sont très différents, selon les résultats d’une nouvelle méta-analyse en réseau publiée dans le Lancet[1].

Les résultats cette méta-analyse de 402 essais contrôlés randomisés comparant 32 antipsychotiques oraux anciens et nouveaux, entre eux ou à un placebo ont montré qu'à de rares exceptions près, seules la clozapine, l'amisulpride, la zotépine, l'olanzapine et la rispéridone étaient significativement plus efficaces que les autres sur les symptômes.

En général, les antipsychotiques plus anciens étaient plus fréquemment associés à des effets secondaires extrapyramidaux (EPS) et à une élévation du taux de prolactine. En revanche, plusieurs des antipsychotiques récents étaient associés à un gain de poids et à une sédation plus importante.

« Nous espérons que les médecins pourront utiliser les profils d'efficacité et d’effets secondaires présentés dans cette publication pour choisir le médicament le mieux adapté à chaque patient », a déclaré le Pr Maximilian Huhn (service de psychiatrie et de psychothérapie, École de médecine, Université technique de Munich, Allemagne) à Medscape Medical News.

« Le profil des effets secondaires doit être mis en balance avec les différences d'efficacité qui sont moins marquées », a-t-il déclaré.

Rationnel de l’étude

Bien que les antipsychotiques soient le « traitement de référence » de la schizophrénie, ils sont associés à des effets secondaires importants, écrivent les auteurs.

Pour cette raison, une compréhension claire des bénéfices et des risques relatifs de ces agents est « essentielle pour une prise de décision éclairée », indiquent-ils.

Les antipsychotiques plus récents sont souvent le traitement de choix, mais les antipsychotiques plus anciens sont moins chers et sont toujours utilisés dans le monde entier, en particulier dans les pays à faible revenu, précisent-ils.

Pour déterminer le rapport bénéfice-risque de chaque molécule les unes par rapport aux autres, les chercheurs ont réalisé une méta-analyse en réseau qui permet de donner des efficacités relatives entre différents traitements par des comparaisons directes issues des essais randomisés, et par des comparaisons indirectes entre les essais (par exemple, quand deux traitements n’ont pas été comparés entre eux, mais ont été étudiés par rapport à un comparateur commun).

 
Le profil des effets secondaires doit être mis en balance avec les différences d'efficacité qui sont moins marquées. Pr Maximilian Huhn
 

Parmi les 54 417 études sélectionnées initialement, les chercheurs ont inclus dans leur analyse 402 essais contrôlés randomisés évaluant des antipsychotiques pour traiter les symptômes aigus de schizophrénie ou de troubles apparentés (n = 53 463 participants; âge [SD] moyen, 37,40 [5,9]] années; 56,02% d'hommes; durée moyenne de la maladie, 11,9 [5,19] ans).

Les études étaient réalisées en double aveugle et contrôlées soit par placebo, soit par des comparaisons directes.

Ont été exclues : les études sur les patients résistant au traitement, ainsi que les études sur le premier épisode de schizophrénie, les symptômes principalement négatifs ou dépressifs, la prévention des rechutes et associant des comorbidités, de même que les essais dans lesquels les antipsychotiques étaient utilisés en tant que traitement d'appoint ou en association.

Les chercheurs ont inclus tous les antipsychotiques oraux de deuxième génération (atypiques) disponibles en Europe ou aux États-Unis, ainsi qu'une sélection d'antipsychotiques oraux de première génération (typiques ou classiques).

Le résultat principal était la variation des symptômes globaux de la schizophrénie, mesuré à l'aide des échelles d'évaluation telles que l'échelle d’évaluation des syndromes positifs et négatifs (PANSS) ou l'échelle de quotation psychiatrique brève (BPRS).

Les résultats secondaires étaient l'abandon du traitement quelle que soit la cause, l’arrêt pour cause d'inefficacité, et le taux de réponse définis par l'étude.

Les autres résultats secondaires étaient les changements observés sur les symptômes positifs, négatifs et dépressifs, la qualité de vie, et le fonctionnement social.

Les effets indésirables évalués étaient les symptômes extrapyramidaux (évaluées sur la base de l’utilisation d’antiparkinsoniens), l’akathisie, la prise de poids, les taux de prolactine, la sédation ou la somnolence, l’allongement de l’intervalle QTc et au moins un effet secondaire anticholinergique.

Efficacité et taux de réponse

Tous les antipsychotiques ont été associés à une réduction plus importante des symptômes globaux que le placebo. Les différences moyennes standardisées variaient de –8,9 (intervalle de confiance de 95% [Crl], -1,08 à – 0,71) pour la clozapine à –3,0 (–5,9 à 0,52) pour la lévomépromazine (n = 218 études; 40 815 participants; 32 antipsychotiques).

 
Tous les antipsychotiques ont leurs avantages et leurs inconvénients, et aucun n’est optimal. Cela montre que le médicament idéal n’a pas encore été trouvé. Pr Maximilian Huhn
 

La clozapine, l'amisulpride, la zotépine, l'olanzapine et la rispéridone étaient associés à une diminution plus importante des symptômes en général. Pour les autres, les différences étaient « faibles ou très incertaines ».

Comparés au placebo, l'amisulpride, la rispéridone, l'olanzapine, la palipéridone et l'halopéridol se sont avérés plus efficaces que d'autres médicaments pour réduire les symptômes positifs (n = 117 études ; 31 179 participants; 21 antipsychotiques).

En revanche, la clozapine, l'amisulpride, l'olanzapine et (dans une moindre mesure) la zotépine et la rispéridone réduisaient les symptômes négatifs de façon significativement plus importante plus que de nombreux autres antipsychotiques (n = 132 études; 32 015 participants; 21 antipsychotiques).

La sulpiride, la clozapine, l'amisulpride et l'olanzapine ont été associés à une réduction significativement plus importante des symptômes dépressifs ; l'aripiprazole a été associé à la plus grande amélioration de la qualité de vie et la thioridazine à l'amélioration du fonctionnement social (n = 89 études, 19 683 participants, n = 10 études, 3341 participants et n = 16 études, 4370 participants, respectivement).

Bien que 192 études (n = 35 115 participants) aient utilisé des seuils très différents pour définir les taux de réponse, 29 des 31 antipsychotiques inclus présentaient des taux de réponse significativement supérieurs à ceux du placebo, les RR allant de 2,16 (IC à 95%, 1,53 à 3,55) pour la thioridazine à 1,11 (95% de CrI, 1,01 - 1,19) pour le brexpiprazole.

Pour un traitement individualisé

Comparé au placebo, le clopenthixol était associé à des taux d'abandon de traitement parmi les plus faibles et l'halopéridol, aux plus élevés.

Douze antipsychotiques, dont la zotépine, l'olanzapine et le sertindole en tête de liste, ont été associés au gain de poids le plus important, comparé au placebo (n = 116 études, 28 317 participants).

La clozapine a été associée à un risque moindre d'utilisation d’antiparkinsoniens et d’akathisie par rapport à l'halopéridol ; les risques les plus élevés étaient observés avec la chlorpromazine (n = 136 études, 24 911 participants pour l’utilisation d’antiparkinsoniens et n = 116 études, 25 783 patients pour l’akathisie).

Les médicaments les plus impliqués dans l'élévation du taux de prolactine étaient l'olanzapine, l'asénapine, la lurasidone, le sertindole, l'halopéridol, l'amisulpride, la rispéridone et la palipéridone (n = 90 études, 21 569 patients).

 
La réponse au traitement et les effets indésirables peuvent varier considérablement d'un patient à l'autre. Pr Maximilian Huhn et Dr Mark Olfson
 

La quétiapine était la moins impliquée dans l'allongement de l'intervalle QTc, suivie de l'olanzapine et de la rispéridone (n = 51 études, 15 467 participants).

Sur 32 antipsychotiques examinés dans 162 études (n = 30 770 participants), tous étaient associés à un certain degré de sédation, mais 18 étaient associés à une sédation significativement supérieure à celle du placebo, avec des RR allant de 1,33 (ICR à 95%, 1,00 à 1,68) pour la palipéridone à 10,20 (95% de CrI, 4,72 - 29,41) pour le zuclopenthixol.

Le risque d'effets secondaires liés aux anticholinergiques était plus important avec la rispéridone et l'halopéridol (n = 134 études, 26 904 participants).

« Tous les antipsychotiques ont leurs avantages et leurs inconvénients, et aucun n’est optimal. Cela montre que le médicament idéal n’a pas encore été trouvé », a souligné le Dr Huhn qui suggère d’adapté le choix du médicament au profil du patient.

Par exemple, pour un patient ayant des antécédents cardiaques, un agent présentant un faible risque d'allongement de l'intervalle QTc peut constituer un meilleur choix.

Décisions éclairées

Commentant l'étude pour Medscape Medical News, le Dr Mark Olfson, professeur de psychiatrie, de médecine et de droit à l’Université Columbia à New York, et qui n'a pas participé à la recherche, a qualifié l'étude de « plus vaste de son genre. » Il a souligné que le document offrait « des classements faciles à interpréter de médicaments antipsychotiques, non seulement en fonction de l'efficacité, mais en fonction d'une foule d'effets secondaires ».

L’étude « aidera les psychiatres et d’autres médecins à prendre des décisions plus éclairées », a ajouté le Dr Olfson.

Prudent, les auteurs rappellent toutefois aux cliniciens « que les résultats rapportés sont des moyennes et que la réponse au traitement et les effets indésirables peuvent varier considérablement d'un patient à l'autre ».

L'étude a été financée par le ministère allemand de l'éducation et de la recherche. Le Dr Huhn a reçu les honoraires de Janssen et de Lundbeck. Les liens d’intérêts des autres auteurs sont énumérés dans l'article original. Olfson n'a rapporté aucun lien financier pertinent.

Traduction-adaptation réalisée par Aude Lecrubier à partir de l’article original New Guidance on Antipsychotic Choice publié le 19 juillet sur Medscape Medical News.

 

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