Heidelberg, Allemagne – Abaisser le cholestérol est un traitement établi des dyslipidémies des patients atteints de diabète de type 2, avec des effets démontrés sur la prévention d'événements cardiovasculaires. Toutefois, une étude publiée dans JAMA open facts[1] indique qu'une cholestérolémie très basse chez des patients diabétiques de type 2 atteints de neuropathie périphérique aggraverait les lésions et la conduction au niveau des nerfs périphériques.
Ces résultats sont d'autant plus importants que la nouvelle classe de médicaments hypolipémiants, les anti-PCSK9, diminue fortement le taux de cholestérol circulant. De quoi peut-être s'interroger sur le profil de patients pour lesquels ces anti-PCSK9 sont vraiment bénéfiques.
Dans leur discussion, les auteurs de l'article indiquent que « d'après ce qu'ils en savent, cette étude est la première à visualiser in vivo que des taux bas de cholestérol sérique, en particulier le LDL-cholestérol, s'accompagnent d'une altération des nerfs périphériques chez les patients atteints de diabète de type 2 et de neuropathie diabétique ».
« On savait que certaines maladies héréditaires rares qui présentent un défaut de transport des lipides ou des baisses permanentes du taux de cholestérol sont associées à des complications neurologiques. Ce travail explore un modèle particulier : celui de la neuropathie diabétique et de sa relation aux lipides » explique la Dr Pascale Benlian (cardiologue, CHRU de Lille) et spécialiste française des dyslipidémies, interrogée par Medscape édition française.
« Avec l'arrivée des nouveaux agents hypolipémiants, doit-on s'attendre à des problèmes liés à la neuroréparation ou à la neurogenèse ? La question mérite d'être posée » ajoute-t-elle.
Moins de cholestérol, plus d'atteintes neurologiques
Pour mener leur étude transversale, le Dr Johann Jende (hôpital universitaire d'Heidelberg) et ses collègues ont utilisé une technique d'imagerie, la neurographie par IRM, chez cent patients diabétiques de type 2 (moyenne d'âge : 64,6 ans ; genre : masculin à 68 %, 64 avec polyneuropathie, 36 sans polyneuropathie). Ils ont ainsi pu reconstruire en 3D et examiner avec précision l'état du nerf sciatique – diamètre et composition lipidique – de la jambe droite.
Les chercheurs ont constaté que les patients avec une neuropathie périphérique avaient des taux de cholestérol total et de LDL-cholestérol plus bas que ceux qui n'avaient pas de neuropathie, respectivement 1,75 g/L versus 1,97 g/L et 0,88 g/L versus 1,13 g/L.
Ils ont aussi mis en évidence que l'altération de la composition lipidique du nerf était corrélée avec la cholestérolémie totale (r = -0,41; P <0,001), le taux d'HDL-cholestérol (r = -0,30; P =0,006), et le taux de LDL-cholestérol (r = -0,33; P = 0,003).
De même, quand le taux de cholestérol était bas, les chercheurs ont constaté une diminution de la vélocité et de l'amplitude de la conduction nerveuse dans les nerfs situés au niveau du tibia et du péroné.
Pour expliquer ces résultats, les chercheurs soulignent l’importance du cholestérol lors de la régénération des axones.
« Il faut garder en tête que les particules de LDL-cholestérol transportent des lipides mais aussi des antioxydants, des protéines anti-inflammatoires et des molécules neuroprotectrices » précise le Dr Benlian pour expliquer ces résultats.
En pratique, existe-il un seuil de cholestérol critique associé à l’aggravation des dommages nerveux ? Pour les chercheurs, d’autres études longitudinales seront nécessaires répondre précisément à cette question.
Mettre en évidence des sous-groupes
Pour Pascale Benlian, cette étude, qui a soulevé la question des complications neurologiques, démontre encore que « l'ère du « one size fits all » est révolue ». « Cela ne signifie pas qu'il faut tourner le dos à toutes les grandes études, comme ODYSSEY et FOURIER qui ont montré l'intérêt d'abaisser le cholestérol chez les diabétiques. Mais, il faut identifier les profils pour lesquels les anti-PCSK9 sont utiles et ceux qui pourraient être à risque de neuropathie », précise-t-elle tout en rappelant combien les anti-PCSK9 constituent une révolution remarquable pour les patients intolérants aux statines.
Pour pouvoir personnaliser les traitements, le profil des patients à risque de développer une neuropathie périphérique doit être exploré : l'histoire clinique ou l'exposition à des neurotoxiques devraient être documentées.
Ce travail constitue, toujours selon elle, un bon exemple de la démarche scientifique : « prêter attention aux grandes études pour mettre en évidence les effets de masse et aux petites études pour être au plus près de la physiopathologie ».
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Citer cet article: Trop abaisser le cholestérol augmenterait le risque de neuropathie diabétique - Medscape - 1er juil 2019.
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