Royaume-Uni — Un sondage sur l’attitude du public, à l’échelle mondiale, vis-à-vis de la science et de la médecine, le Wellcome Global Monitor 2018, montre des résultats contrastés selon les régions, notamment en matière de vaccination, sujet débattu s’il en est. Ce qui ressort avant tout, c’est que les populations des pays à hauts revenus sont bien plus préoccupées des effets indésirables potentiels des vaccins que celles des pays à bas revenus. La position de la France, avec ses un tiers de sceptiques quant à la sécurité des vaccins, peut sembler la plus réticente. Mais, les opinions ne sont pas toujours corrélées avec les comportements, et les derniers chiffres concernant la vaccination des enfants sont en hausse, pour les vaccins obligatoires et non obligatoires. Pour certains observateurs, les Français, patients et professionnels de santé, qui sont aussi parmi les plus regardants sur les progrès des sciences et des technologies, font, ici, valoir leur esprit critique et peut-être aussi leurs inquiétudes quant aux progrès technologiques et à leurs conséquences.
Santé et science : 140 000 personnes interrogées dans le monde
Réalisé pour la fondation caritative britannique dédiée à la recherche médicale, Wellcome Trust, le sondage publié la semaine dernière, se distingue par son ampleur et son universalité. Il a, en effet, interrogé plus de 140 000 personnes dans le monde (140 pays) sur leur ressenti en lien avec des thématiques de santé et de science. Parmi les résultats les plus intéressants pointés par cette vaste enquête, on retient, par exemple, que plus de 8 personnes sur 10 (84%) disent avoir confiance dans les conseils médicaux donnés par des professionnels de santé (comme les médecins et les personnels infirmiers) mais ils sont plus que 76 % quand ce même conseil émane du gouvernement. Concernant les scientifiques, 18% de la population interrogée expriment un « haut » niveau de confiance, 54% un niveau de confiance « moyen », 14 % leur font peu confiance et 13% disent ne « pas savoir ».
Les vaccins sont-ils sûrs et efficaces ?
L’enquête comportait aussi un volet de questions sur la vaccination. En cette période de scepticisme et de résurgence de maladies, comme la rougeole, que l’on croyait avoir partiellement disparues, ou en tout cas, ne plus être mortelles dans les pays développés, les réponses étaient particulièrement attendues. Et ce d’autant que pour l’OMS, l’hésitation vaccinale – c’est-à-dire le comportement de refus de certains vaccins ou de leur acceptation avec retard dans les pays où la vaccination est disponible – est l’une des 10 menaces qui planent sur la santé dans le monde en 2019 [2]. Pour appréhender l’attitude des populations mondiales, l’enquête s’est donc focalisée sur 3 questions : les vaccins sont-ils sûrs, sont-ils efficaces, est-il important que les enfants soient vaccinés ?
Et si c’est sur cet aspect de l’enquête que se sont concentrés la plupart des médias, en mettant en exergue qu’un Français sur trois remet en doute la sécurité des vaccins, ce qui ressort avant tout, c’est qu’au-delà de la France, les populations des pays à hauts revenus, notamment en Europe de l’Ouest et de l’Est, sont bien plus sceptiques sur la sureté des vaccins que celles des pays à bas revenus.
Sécurité des vaccins : résultats contrastés
D’une façon globale, on retiendra, que, dans le monde, près de huit personnes sur dix (79%) sont « assez ou totalement d’accord » pour dire que les vaccins sont sûrs, alors 7% sont « plutôt ou carrément pas d’accord » avec cette affirmation. Sachant que 11% ne sont « ni d’accord ni pas d’accord » et que 3% « ne savent pas ». Pour résumer la situation, une écrasante majorité des personnes vivant dans les pays à bas revenus considèrent les vaccins comme sûrs, atteignant 95% dans la population d’Asie du Sud et 92% chez celle d’Afrique de l’Est. De façon très contrastée, dans les pays à hauts revenus, seulement 72% des nord-américains et 73% des personnes vivants en Europe du Nord se prononcent en faveur de la sécurité des vaccins. En Europe de l’Ouest, ce chiffre est même encore plus bas, à 59%, et en Europe de l’Est, il n’est plus que de 50%.
Sécurité et efficacité ne sont pas forcément corrélées
Pourtant, le scepticisme sur la sécurité des vaccins ne se traduit pas forcément par un scepticisme sur leur efficacité. En Europe de l’Ouest, par exemple, si seulement 59% considèrent les vaccins comme sûrs, en revanche, 77% les disent efficaces. Un écart qui suggère que certaines personnes acceptent que les vaccins soient efficaces pour prévenir certaines maladies, mais envisagent dans le même temps que ceux-ci puissent présenter des effets indésirables, et inversement. Au Libéria, par exemple, où 28 % de la population interrogée ne jugent pas la vaccination comme efficace (le taux le plus élevé parmi les populations interrogées), seulement 3% estiment que les vaccins ne sont pas sûrs. Ce qui peut s’expliquer quand on sait que ce pays continue à faire face à des maladies infectieuses comme la fièvre jaune et le tétanos, malgré des programmes de vaccination. La perception de cette inefficacité étant probablement due à une couverture vaccinale insuffisante en raison de problèmes, notamment, d’infrastructures, décrypte le rapport.
Manque de confiance
A l’opposé du Bangladesh ou du Rwanda, qui se déclarent quasi unanimement en faveur de l’efficacité, de la sécurité des vaccins et de leur intérêt chez les enfants (avec des taux supérieurs à 97% pour les trois items), la France s’est fait remarquer, quant à elle, par son niveau de scepticisme. Avec 1 personne sur 3 niant le fait qu’ils soient sûrs, elle est le pays le plus sceptique du monde (plus exactement des 140 pays interrogés). Sachant que les Français se classent aussi parmi les plus susceptibles à douter de l’efficacité des vaccins (19%) et à ne pas être d’accord sur l’intérêt de vacciner les enfants (10%). A noter que ce niveau de scepticisme est le même à travers les différentes strates socio-économiques, et ne varie pas de façon significative selon le niveau d’éducation, l’âge, le genre, le statut urbain ou rural ou le fait d’être ou non, parents. Parmi les explications avancées pour expliquer ce manque de confiance, les auteurs du rapport évoquent l’épisode de la grippe aviaire où les institutions mondiales (OMS) et gouvernementales ont été soupçonnés de collusion avec les laboratoires pharmaceutiques pour l’achat de vaccins.
Paradoxe français
Pour autant, quand on interroge des experts français sur ces résultats, comme l’a fait ScienceMag [3], ils temporisent en pointant le fait que les opinions ne sont pas toujours directement corrélées avec les comportements. D’ailleurs, parmi les parents français interrogés dans l’enquête, 91% ont dit faire vacciner leur(s) enfant(s), des résultats en accord la moyenne globale de 92%. « C’est le paradoxe français, a commenté Olivier Schwartz, directeur scientifique à l’Institut Pasteur à Paris pour ScienceMag [3]. Nous avons des doutes sur beaucoup de choses : on ronchonne. Mais heureusement, la couverture vaccinale reste élevée. » Lui et d’autres observateurs voient plutôt dans ce scepticisme l’expression de l’esprit critique des Français, à l’instar d’autres pays européens, qui, dans un contexte sanitaire apaisé, portent leurs préoccupations sur les effets indésirables des vaccins mais sont aussi parmi les plus inquiets des progrès de la science et de ses conséquences en termes d’emploi, comme le montre aussi ce rapport mondial.
Perceptions et opinions des jeunes parents progressent positivement
Autre preuve du non-rejet par la population française des vaccins dans leurs ensemble, un peu plus d’un an après la mise en œuvre de l’obligation vaccinale, les perceptions et opinions des jeunes parents sur la vaccination et ses bénéfices progressent positivement, selon une enquête réalisée par Santé publique France (voir encadré) [4]. L’importance de la vaccination pour la santé des enfants (91%) et pour la protection de la collectivité (87%) gagne 5 points dans l’opinion des parents (par rapport à juin 2018). Dans le contexte des obligations vaccinales, les trois quarts des parents adhèrent à l’idée que celles-ci vont permettre de réduire les épidémies (77%). Et l’obligation vaccinale est majoritairement bien acceptée par les parents d’enfants nés en 2017 et en 2018, puisque deux tiers d’entre eux (67%) déclarent y être favorables.
De l’effet de l’obligation vaccinale
Santé publique France a comparé les couvertures vaccinales à 7 mois des nourrissons nés entre janvier et mai 2018, avec celles des nourrissons nés entre janvier et mai 2017. Il en ressort :
+ 36,4 points de couverture vaccinale de la première dose du vaccin contre le méningocoque C. Elle est estimée à 75,7% contre seulement 39,3% sur la même période en 2017.
+ 5,5 points de couverture vaccinale du vaccin hexavalent (vaccin protégeant contre six maladies dont le tétanos et l’hépatite B). Elle est estimée à 98,6% contre 93,1% sur la même période en 2017.
+ 1,4 point de couverture vaccinale de la première dose du vaccin contre le pneumocoque. Elle est estimée à 99,4% contre 98% sur la même période en 2017.
De façon intéressante, les couvertures vaccinales s’améliorent également chez les enfants non soumis à l’obligation.
Celle de la 1ère dose du vaccin contre la rougeole, les oreillons et la rubéole (ROR) chez les enfants ayant eu 12 mois en 2018 est de 87,2%, alors qu’elle était de 85,0% chez ceux ayant eu 12 mois en 2017 (+2,2 points). Celle de la première dose du vaccin HPV (recommandé) chez les jeunes filles de 15 ans nées en 2003 est de 29,1%, alors qu’elle était de 26,2% chez les jeunes filles nées l’année précédente (+2,9 points).
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Citer cet article: Vaccination : le French paradox - Medscape - 25 juin 2019.
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