Taux alarmant de complications chez les diabétiques de type 2 âgés de 25 ans

Marine Cygler, Marlene Busko

25 juin 2019

San Francisco, Etats-Unis – Les jeunes diagnostiqués pour un diabète de type 2 au début de leur adolescence présentent un taux « alarmant » de complications dès le milieu de leur vingtaine selon une nouvelle étude. Parmi plus de 500 jeunes participants à l'étude TODAY-2 (Longitudinal Outcomes in Youth With Types 2 Diabetes), cinq sont décédés, de cause principalement liée à leur diabète dans les 7,5 ans environ après le diagnostic. Les résultats ont été détaillés lors d'une conférence de presse organisée au dernier congrès de l' American Diabetes Association (ADA 2019).

Des événements CV graves à des taux rares pour cette classe d'âge

« Les facteurs de risque cardiovasculaires sont très importants dans cette population. Les atteintes des organes cibles sont évidentes, et des événements cardiovasculaires graves sont observés à des taux rares pour cette classe d'âge (autour de 25 ans) » a expliqué le Dr Philip S. Zeitler, professeur d'endocrinologie pédiatrique à l'University of Colorado School of Medicine, et principal investigateur des études TODAY.

Par ailleurs, un nombre conséquent de jeunes femmes sont tombées enceintes au cours de l'étude. Or les complications de la grossesse, telles que la morbidité néonatale, ont été exceptionnellement élevées, si l’on compare aux grossesses chez des femmes du même âge de la population générale.

Le Dr Zeitler a rappelé que la cause des cinq décès était un infarctus du myocarde, une insuffisance rénale, une septicémie, un arrêt cardiaque post-opératoire et une overdose. Et rien que la semaine qui avait précédé l'ADA 2019, un participant de l'étude âgé de 26 ans avait dû être opéré pour un triple pontage cardiaque.

« En prenant tout cela en compte, ces taux illustrent les problèmes liés au diabète – sur un plan individuel et de santé publique – alors que ces jeunes entrent dans ce qui devrait être la période la plus productive de leur vie. »

TODAY-2, la suite de TODAY : un suivi au long cours

La première étude TODAY (Treatment Options for Type 2 Diabetes in Adolescents and Youth) avait inclus 699 adolescents âgés de 10 à 17 ans (14 ans de moyenne d'âge) récemment diagnostiqués pour un diabète de type 2. Publiés dans le New England Journal of Medicine en 2012, les résultats de TODAY avaient montré que le diabète de type 2 était plus agressif chez les jeunes que chez les adultes et que les cellules bêta des participants perdaient rapidement leur fonction [1].  

Quand l'étude TODAY, qui avait débuté en 2004, s'est achevée en 2011, 572 participants (18 ans de moyenne d'âge) ont poursuivi dans le cadre de la phase 1 de l'étude TODAY-2 dans les mêmes quinze centres d'étude. TODAY-2 a duré trois ans.

Puis 517 participants (21 ans de moyenne d'âge en 2014) sont entrés dans la phase 2 de l'étude TODAY-2, au cours de laquelle ils recevaient des soins habituels.

Aujourd'hui, en 2019, les participants ont 25 ans en moyenne et ont du diabète de type 2 depuis 7,5 ans en moyenne, certains même depuis 12 ans.

Si, au début de l'étude TODAY, les participants avaient un indice de masse corporelle (IMC) de 34,9 kg/m2 et une hémoglobine glyquée HbA1c de 6%, en moyenne, au début de TODAY-2, l'IMC était en moyenne de 36,3 kg/m2 et l'hémoglobine glyquée HbA1c était de 9,3%.

Des complications cardiaques, oculaires, nerveuses et rénales

Les taux de complications ont augmenté régulièrement au cours des années qui ont suivi le diagnostic initial.

Les complications cardiaques

Pendant les douze années de suivi, l'incidence cumulée du LDL cholestérol est passée de 3 à 26 % et l'incidence cumulée de l'hypertension de 20 à 55%.

L'échocardiographie réalisée à la fin de TODAY et de nouveau pour TODAY-2 a montré des résultats anormaux chez 30 % des participants. Pendant le suivi, il y a eu 38 événements CV (arythmies, infarctus du myocarde, insuffisance cardiaque, dysfonction ventriculaire gauche, thrombose veineuse profonde, insuffisance vasculaire, AVC ou des attaques ischémiques transitoires) chez 19 patients, avec un taux de 6,2 événements cardiovasculaires pour 1000 patients chaque année.

Les complications rénales

L'excrétion urinaire d'albumine anormale est passée, en prévalence, de 8% à 42 %, et celle de l'hyperfiltration de 12 % à 55%. Il y a eu quatre événements rénaux : deux patients ont présenté à la fois une maladie rénale chronique et une maladie rénale au stade terminal, soit 0,7 événements rénaux /1000 patients /an.

Les complications oculaires

Parmi les 370 participants qui ont eu un fond d'œil en 2011 et en 2018, il y avait une progression « substantielle » de la rétinopathie diabétique. Par exemple, 14 % des participants de TODAY avaient une rétinopathie diabétique non proliférante légère, mais ce pourcentage est passé à 22% pour TODAY-2. Aucun des participants de TODAY n'a présenté d'œdème maculaire, ce qui a été le cas de 4% des participants de TODAY-2.

On a comptabilisé 142 événements oculaires :  rétinopathies diabétiques non proliférantes légères, œdèmes maculaires, cataractes, glaucomes. Ce qui correspond à 15,5 événements oculaires / 1000 patients/an.

Les neuropathies

De même, il y a eu 14 épisodes de neuropathies chez douze patients, soit 2,3 événements de neuropathies/ 1000 patients/an. La prévalence de la neuropathie diabétique s'est élevée de 8 % à la douzième année de suivi.

La rétinopathie diabétique et la neuropathie étaient plus fréquentes chez les participants qui ne parvenaient pas à contrôler leur glycémie.

Des complications aussi en période périnatale

Entre 2005 et 2019, il y a eu 236 grossesses parmi environ 350 jeunes femmes.

Sur ces grossesses, 11,9% ont abouti à des fausses couches (taux en population générale aux Etats-Unis compris entre 10 et 15%), 3,8% des bébés étaient mort-nés (contre 0,4%) et 23,7% des bébés étaient prématurés (contre 6,9 à 9,9 %).

Les poids à la naissance étaient aussi impactés : 15,9 % de très petit poids de naissance (contre 8,3 % en population générale), et inversement 18,9 % avec une macrosomie fœtale, soit un poids de naissance supérieur à 4 kg, à comparer avec les 8,2% des bébés en population générale.

A la naissance, 28,7% des bébés présentaient une hypoglycémie néonatale (vs 2,1%), 14,9 % une détresse respiratoire (vs 7%), et 8,5% une anomalie cardiaque (vs 1%).

Du côté maternel, 35,6% des femmes enceintes de cette cohorte ont été hospitalisées pour des complications au cours de leur grossesse, en comparaison aux 14% de la population générale. Elles ont pour 18,1 % d'entre elles développé une pré-éclampsie et pour 37,5% une hypertension gravidique

« Ces taux très hauts de complications du fœtus puis du bébé à la naissance et de la mère sont perturbants » a commenté le Dr Zeigler qui a, par ailleurs, indiqué que le suivi de ces enfants était prévu.

Quelle conduite à tenir ?

« Chez beaucoup de ces enfants l'évolution de la maladie – perte du contrôle de la glycémie et apparition des complications – est très rapide » a expliqué Philip S. Zeitler à nos confrères de Medscape Medical News.

« A l'opposé de l'approche que l'on a généralement en pédiatrie, « attendons et ne donnons pas de traitement en plus », je pense que nous devons reconnaître que dans les faits ces jeunes ont probablement besoin d'un traitement plus agressif que beaucoup d'adultes diabétiques de type 2 ».

« Ils ont une maladie plus agressive et ils vont vivre, espérons pour 50 ans, avec le poids d'une maladie cardiovasculaire. Nous pensons donc que le message clef aujourd'hui est de ne pas hésiter à traiter ces enfants de façon agressive ».

Modérateur lors de la conférence de presse, le Dr Alvin C.Powers (Vanderbilt University Medical Center, Nashville) a aussi considéré que ces résultats était extrêmement inquiétants.

Personne n'aurait imaginé ces taux de complications au niveau des yeux, du cœur, des nerfs et des reins mais aussi au cours de la grossesse, chez des personnes pour lesquelles le diabète était aussi récent, a-t-il expliqué à Medscape Medical News.

Comme l'évolution du diabète de type 2 paraît différente chez les jeunes, « la recherche doit urgemment comprendre pourquoi l'évolution est plus sévère chez les jeunes », considère le Dr Zeitler.

 

 

Les études TODAY sont financées par les National Institutes of Health.

 

Article original publié le 9 juin 2019 sur Medscape Medical News. Traduit et adapté de l’anglais par Marine Cygler.

 

 

 

 

 

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