New Haven, Etats-Unis – Chez les jeunes patients génétiquement à risque de développer un diabète de type 1, existe-t-il un moyen de freiner le déclin fonctionnel des cellules bêta du pancréas ? Autrement dit, comment reculer le moment où l'insuline exogène devient indispensable ? Une voie de recherche est le recours aux anticorps monoclonaux anti-CD3 tels que le teplizumab. Une étude présentée lors du congrès de l’American Diabetes Association (ADA) et publiée simultanément dans le New England Journal of Medicine[1,2] vient de fournir des résultats encourageants qui indiquent que le teplizumab retarde la progression clinique de la maladie.
L’objectif du Dr Kevan Herold, Professeur d'endocrinologie à la Yale University School of Medicine (Etats-Unis) et de ses collègues était d'évaluer dans le cadre d'un essai clinique randomisé de phase 2, si l'utilisation d'un anticorps monoclonal, le teplizumab, qui modifie les lymphocytes T CD8+ pouvait freiner l'action délétère de ces derniers sur les cellules bêta.
Des résultats impressionnants
Les investigateurs ont sélectionné 76 participants, non diabétiques d’au moins 8 ans, dont 55 étaient âgés de moins de 18 ans, avec un risque élevé de développer un diabète de type 1. Les enfants avaient un proche de leur famille atteint de diabète de type 1 et des examens sanguins répétés avaient révélé la présence d'autoanticorps et une dysglycémie au test de tolérance au glucose.
Ces participants ont été répartis au hasard dans deux groupes : le premier (N=44) a reçu pendant 14 jours du teplizumab, le second (N=32) a reçu une molécule placebo (solution saline). Puis des tests de tolérance au glucose ont été réalisés tous les six mois.
A l'issue des trois années de suivi, un diagnostic de diabète de type 1 a été posé pour 19 (43%) participants du groupe traité et pour 23 (72%) du groupe placebo.
Les taux annualisés de l'apparition du diabète de type 1 étaient de 14,9 % par an pour le groupe teplizumab et de 35,9 % par an pour le groupe placebo. Après ajustement pour l'âge et le statut immunitaire, la durée médiane de diagnostic était de 48,4 mois pour le groupe teplizumab, 24,4 mois pour l'autre groupe (hasard ratio, 0,41 ; IC 95 [0,22-0,78].
L'analyse par sous-groupe a montré que la présence de HLA-DR4 et l'absence de HLA-DR3, ainsi que la présence d'anticorps anti-transporteur du zinc 8, sont associées à une meilleure réponse au traitement par teplizumab.
Concernant les effets secondaires, sans surprise, des lymphopénies et des éruptions cutanées transitoires ont été observées. Les taux de lymphocytes est descendu jusqu’à un nadir (baisse maximale) de 72,3 % au 5ème jour. En tout, 15 patients du groupe teplizumab ont développé une lymphopénie qui a été résolue au 45ème jour pour tous les patients sauf un dont le taux de lymphocytes est redevenu normal au jour 105.
En parallèle, des éruptions cutanées transitoires se sont développées chez 16 patients du bras teplizumab. En revanche, les taux d’infection étaient similaires entre les deux groupes.
Attention, « ce n'est pas une approche curative »
« Bien que l'essai a montré l'apparition retardée du diabète, les résultats ne devraient pas être compris comme le fait que la modulation immunitaire constituerait une approche curative » préviennent les Dr Clifford J.Rosen et Julie R.Ingelfinger dans un éditorial qui accompagne l'article[2].
Cela dit, « ces données apportent une preuve indirecte forte sur la pathogenèse de la destruction des cellules bêta et la possibilité de modifier l'évolution du diabète de type 1 grâce à de nouveaux agents biologiques », considèrent les éditorialistes.
Quid des risques de l'immunothérapie ?
« Si sur le plan expérimental et la compréhension des mécanismes physiopathologiques, c'est intéressant, mais je suis extrêmement sceptique concernant la clinique », défend de son côté le Pr Michel Marre (Chef du service de diabétologie, endocrinologie, nutrition de l'hôpital Bichat-Claude Bernard, Paris) interrogé par Medscape édition française.
Selon lui, outre des problèmes méthodologiques - faible nombre de participants et répartition inégale entre les deux groupes, l'idée même d'une immunothérapie est à revoir. « Ce n'est pas négligeable de faire une immunothérapie à des enfants. On voit quand même qu'il y a un tiers de ceux ayant reçu le teplizumab qui fait des réactions cutanées » explique-t-il.
Il poursuit : « Pour moi, la prochaine étape de travail pour cette équipe consisterait à répéter le traitement plusieurs fois pour maintenir son effet. Or, qui peut me dire si on peut administrer une immunothérapie sans risque pour le patient tous les six mois ou tous les ans pendant 80 ans ? » interroge-t-il.
« La durée et la fréquence des traitements, l'identification de sous-groupes qui ne répondent pas au traitement ainsi que l'évolution clinique de ceux qui ont répondu doivent encore être déterminés » , écrivent aussi Clifford J.Rosen et Julie R.Ingelfinger.
Herold a indiqué avoir reçu des bourses du NIH et de la FRDJ, des honoraires de Provention Bio, de Tiziana Life Sciences, de Bristol Meyers Squibb, d'Eli Lilly, de Merck, de Forkhead Bio, de Semma Bio et de Toleron, ainsi que des financements de recherche de Merck. Il a également un brevet pour un test de mort des cellules bêta. Greenbaum a indiqué avoir reçu des financements du NIH / TrialNet, des financements et honoraires de Novo Nordisk, des honoraires et un soutien non financier de Bristol-Myers Squibb, des financements de Janssen et des honoraires d'Eli Lilly. Rosen et Ingelfinger travaillent pour le New England Journal of Medicine. Mauras a déclaré avoir reçu une bourse de recherche de Medtronic et de Novo Nordisk, ainsi que des financements de recherche de Medtronic, LifeScan et Johnson & Johnson.
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Citer cet article: Retarder la survenue du diabète de type 1 par immunothérapie : une fausse bonne idée ? - Medscape - 19 juin 2019.
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