POINT DE VUE

Aliments ultra-transformés: que recommander aux patients?

Dr Boris Hansel

Auteurs et déclarations

24 juin 2019

Le blog du Dr Boris Hansel - Diabétologue et nutritionniste

De plus en plus de données montrent que la consommation d’aliments ultra-transformés est néfaste pour la santé. De quels types d’aliments parle-t-on? Quelle est la relation causale? Que recommander aux patients ?

TRANSCRIPTION

Ces dernières semaines, pratiquement toute la presse, la radio, la télévision a rebondi sur un article paru dans le BMJ sur l’association entre la consommation d’aliments ultra-transformés et le risque de maladie cardiovasculaire [1]. On en profite ici pour saluer le travail mené par Bernard Srour, Mathilde Touvier et leur équipe INSERM, des travaux qui ont été effectués à partir des données de l’étude Nutri-Net. Dans le même numéro de ce même BMJ, un autre article montre une association entre ces aliments ultra-transformés et la mortalité — il s’agit là d’une étude espagnole [2]. Ce résultat sur la mortalité est d’ailleurs similaire à celui trouvé en février dernier par la même équipe INSERM.

Quand on regarde tous ces résultats, on peut dire de manière assez régulière que quand on consomme des aliments ultra-transformés, on est plus à risque de tomber malade de maladies chroniques et de mourir un peu plus jeune. Je voudrais éclairer ici deux points suite à ces résultats globalement concordants :

  1. Tout d’abord, de quel type d’aliment parle-t-on ? Un aliment ultra-transformé est un aliment auquel on a ajouté des sources d’énergie ou des nutriments qui ne sont normalement pas présents dans les préparations culinaires. Vous avez sûrement déjà pu lire sur les étiquettes des choses comme « isolat de protéines de soja », « sucre inverti », « huile hydrogénée ». Également, souvent, on peut voir des additifs, tels que des colorants ou des stabilisateurs de couleur qui sont suffisants pour faire passer un aliment dans la catégorie des aliments ultra-transformés, qui ont souvent subi des processus industriels de transformation comme, par exemple, l’hydrogénation, un terme également souvent mentionné quand on s’intéresse à la nutrition. Vous me direz que cette famille des aliments transformés est un peu un fourre-tout, une famille vaste et hétérogène. C’est vrai et c’est probablement la limite du concept d’aliment ultra-transformé. Certains diront qu’il faut donc éviter tout ce qui est industriel. Alors, attention : ne pas confondre ultra-transformé et industriel. Par exemple, une charcuterie artisanale, qui comporte des nitrites qui sont là pour améliorer la conservation des aliments et qui donnent une couleur légèrement rose, elle est ultra transformée, alors qu’inversement on peut avoir des aliments comme une compote industrielle ou un laitage qui n’ont pas d’additifs et qui n’entrent pas dans la catégorie des aliments ultra-transformés.

  2. La deuxième question est : y-a-t’il une relation causale entre la consommation des aliments ultra-transformés et les maladies chroniques ? Aujourd’hui, personne ne sait répondre à cette question. Il faudrait faire un essai randomisé en tirant au sort des personnes à qui on donne à manger une alimentation ultra-transformée et des témoins. Vous allez dire que ce n’est pas éthique, certainement. Sachez que des chercheurs l’ont fait avec une parution en mai dernier dans la revue Cell Metabolism . [3] C’était sur une durée courte (deux semaines), avec des volontaires qui ont été nourris avec une alimentation ultra-transformée ou une alimentation moins transformée — c’était une méthode en cross-over, donc tous les sujets ont eu les deux types d’alimentation — je ne rentre pas plus en détail dans la méthodologie, mais je vous donne le résultat principal : la consommation d’aliments ultra-transformés conduit à une prise de poids supérieure à celle des aliments pas ou peu transformés.

 

En pratique, que doit-on proposer aux patients ou aux personnes qui veulent faire attention ? À mon avis, il faut garder un message très simple au risque d’entendre des plaintes du type « on nous interdit tout », « c’est trop compliqué ». Ce message, en fait, est celui qui a déjà été recommandé par le Programme national nutrition santé (PNNS), dans sa nouvelle version : on nous dit qu’il faut privilégier les aliments sans additifs ou avec la liste la plus courte d’additifs. On nous dit également que quand c’est possible, il faut privilégier le fait-maison, en utilisant des produits frais, des aliments en conserve ou des aliments surgelés non préparés, comme des légumes nature ou, encore, comme exemple, des filets de poisson. Voilà quelques conseils simples qui doivent être donnés aux personnes qui s’intéressent à la nutrition sans entrer davantage dans le détail du déchiffrage des étiquettes nutritionnelles, parce que là, à mon sens, c’est peine perdue.

Je vous remercie de votre attention et je vous dis à très bientôt sur Medscape.

 

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