Paris, France -- Lors de la prise en charge de l’arrêt cardiaque, faut-il initier une hypothermie thérapeutique avant ou après l’admission à l’hôpital ? Quelle est la température cible ? Existe-t-il d’autres indications ? Lors du congrès Urgences 2019 , le Dr Antoine Lefebvre-Scelles (CHU de Rouen) est venu faire le point sur cette approche thérapeutique visant à prévenir les séquelles neurologiques après réanimation [1].
Si l’application d’une hypothermie thérapeutique est toujours considérée comme un traitement de référence pour améliorer la survie et le pronostic neurologique après un arrêt cardiaque, la mise en pratique de cette approche préventive a nettement évolué ces dernières années.
« L’hypothermie en médecine d’urgence concerne majoritairement l’arrêt cardiaque extra-hospitalier, avec un rythme initial choquable. Elle doit être appliquée très précocement, dans un délai inférieur à huit heures », a rappelé le Dr Lefebvre, lors de sa présentation. Pour un rythme non choquable (asystolie ou rythme sans pouls), « son intérêt est controversé ».
Perfusion de soluté à 4°C
Pour avoir un bénéfice optimal, le refroidissement des patients a donc été envisagé, dans un premier temps, en préhospitalier par perfusion de soluté isotonique refroidi à 4°C en visant une température corporelle de 32° à 36°C. Cette pratique, apparue dans les années 2000, s’est finalement avérée insatisfaisante, voire délétère.
Plusieurs études randomisées ont, en effet, montré que cette méthode n’améliore pas le pronostic neurologique des patients. L’une d’entre elles a, par ailleurs, rapporté une hausse des récidives d’arrêt cardiaque après la reprise de l’activité circulatoire et une augmentation des œdèmes pulmonaires chez les patients ainsi traités [2].
Rassemblant sept études pour un total de 2 369 patients pris en charge avec une procédure de refroidissement après arrêt cardio-respiratoire, une analyse Cochrane a également conclu à une absence de preuve du bienfait du refroidissement préhospitalier comparé au refroidissement hospitalier [3].
Selon les recommandations de 2016 de la Société de réanimation de langue française (SRLF) et de la Société française d’anesthésie et de réanimation (SFAR) sur le contrôle cible de la température (CCT) en réanimation, « il ne faut probablement pas débuter le CCT par perfusion de solutés froids pendant le transport vers l’hôpital ».
Viser 36°C en pré-hospitalier
Concernant la température à atteindre, ces recommandations préconisent de cibler une température de 32 à 36°C. Selon une étude randomisée, il n’y aurait pourtant pas de différence significative en termes de résultats cliniques entre un abaissement à 33°C ou à 36°C [4].
« En pratique, on vise désormais une température comprise entre 34 et 36°C », a commenté le Dr Lefebvre-Scelles.
Quelle est alors l’attitude à adopter en pré-hospitalier ? Interrogé par Medscape édition française, le Dr Dominique Savary (Hôpital Annecy Genevois), qui a modéré cette session consacrée aux hypothermies, a rappelé la nécessité de contrôler avant tout la température du patient pendant le transport pour éviter un réchauffement.
« En pré-hospitalier, on ne recherche plus l’hypothermie, mais un contrôle ciblé de la température. L’idéal est d’avoir une température corporelle de 36°C à l’arrivée à l’hôpital. Il faut donc surveiller la température du patient tout au long de la prise en charge et empêcher une élévation, qui est délétère en termes de survie ».
Hypothermie possible une fois admis en réanimation
Le patient pourra ensuite être mis en hypothermie (≤35°C) une fois admis en réanimation. Les techniques utilisées dépendent des services. A l’hôpital d’Annecy, les patients sont mis dans une enveloppe refroidissante, dont le niveau de température est entretenu par de la glace, et placés dans un tunnel ventilé par de l’air froid, a indiqué le Dr Savary.
L’hypothermie peut aussi être initiée par brumisation d’eau froide, via un tube placé en endonasal ou par transfusion de solutés froids, une option toutefois délaissée. « Aucune mesure employée ne s’est montrée supérieure. Chaque méthode a ses avantages et ses inconvénients. Le refroidissement par pain de glace, par exemple, ne permet pas de contrôler la température avec précision », a commenté le Dr Lefebvre-Scelles.
L’hypothermie est maintenue pendant 12 à 24 heures chez les patients demeurant inconscients. Il n’y a pas plus de bénéfice à maintenir une température abaissée pendant 48 heures, a précisé le médecin réanimateur.
Quelles indications en neurologie ?
L’effet thérapeutique de l’hypothermie a également été évalué dans le cas du traumatisme crânien grave. Si la présence d’une hyperthermie est associée à une mortalité plus élevée chez ces patients, « un abaissement de la température corporelle ne permet pas une amélioration du pronostic neurologique ».
Là encore, il est plutôt recommandé chez ces patients de contrôler la température en ciblant les 36°C. Il en est de même après un accident vasculaire cérébral (AVC) grave, un hématome intraparenchymateux ou une hémorragie sous arachnoïdienne.
Echec de l'hypothermie dans le traitement des méningites en réanimation
Le refroidissement pré-hospitalier après ressuscitation n'améliore pas le pronostic
L'hypothermie thérapeutique serait inefficace si l'arrêt cardiaque n'est pas « choquable »
Arrêt cardiaque ressuscité : refroidir et revasculariser améliore le pronostic
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Citer cet article: Hypothermie thérapeutique: quelles modalités en médecine d’urgence? - Medscape - 18 juin 2019.
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