Mélanome : la bithérapie ciblée dabrafenib/ trametinib augmente significativement la survie à 5 ans

Aude Lecrubier

Auteurs et déclarations

17 juin 2019

COLLABORATION EDITORIALE

Medscape &

Chicago, Etats-Unis — Chez les patients atteints d’un mélanome métastatique avec une mutation BRAF V600, la bithérapie ciblée dabrafenib et trametinib améliore significativement la survie globale à 5 ans, selon les résultats de l’analyse conjointe des données de deux études, COMBI-d et COMBI-v présentée dans le cadre du congrès de l’ASCO 2019 et publiée simultanément dans le New England Journal of Medicine (NEJM) [1,2].

« La présentation des résultats de cette étude au congrès de l’ASCO et leur publication conjointe dans le NEJM, sont très gratifiantes car cela montre les bénéfices au long cours d’une thérapie ciblée à l’heure où l’on oublie quelque peu cette approche thérapeutique du cancer au profit de l’immunothérapie », a commenté le Pr Caroline Robert (chef de service de dermatologie, Gustave Roussy, Villejuif) dans un communiqué de presse [3].

L’étude COMBI « poolée » a porté sur les données de 563 patients atteints d’un

mélanome non résécable ou métastatique avec une mutation BRAF V600E/K participant aux essais de phase III COMBI-d (n=211) ou COMBI-v (n=352). Dans l’essai randomisé, en double aveugle, COMBI-d, l’association dabrafenib + tramtinib a été comparée à un placebo. En revanche, dans l’essai randomisé, en ouvert, COMBI-v, l’association dabrafenib + tramtinib a été comparée au vemurafenib. Dans ces deux études, les patients étaient naïfs de tout traitement à l’inclusion et ont reçu deux doses quotidiennes de 150 mg de dabrafenib, inhibiteur du BRAF, associée à une dose quotidienne de 2 mg de trametinib, inhibiteur de la MEK.

Un bénéfice à long terme chez un tiers des patients

Les résultats de l’analyse montrent qu’après une première ligne de traitement par dabrafenib et trametinib, 34 % des patients sont en vie et 19 % sans progression de la maladie à 5 ans.

Plus précisément, le taux de survie globale était de 37% (IC à 95%, 33 à 42 ans) à 4 ans et de 34% (IC à 95%, 30 à 38 ans) à 5 ans. Et, les taux de survie sans progression étaient de 21% (intervalle de confiance à 95% [IC], 17 à 24 ans) à 4 ans et de 19% (IC à 95%, 15 à 22 ans) à 5 ans.

« Le traitement de première intention au dabrafenib associé au trametinib a eu des effets bénéfiques à long terme chez environ un tiers des patients atteints d'un mélanome non résécable ou métastatique avec une mutation BRAF V600E ou V600K », résument les auteurs.

Pour rappel, les résultats récents de l’essai KEYNOTE-006 évaluant l’immunothérapie anti-PD1 pembrolizumab en première ligne ont montré que la survie globale à 5 ans était de 43 % chez les patients atteints de mélanome métastatique.

C aractéristiques cliniques des patients présentant un bénéfice durable 

À quatre et à cinq ans, les taux de survie sans progression de la maladie et de survie globale semblent atteindre un plateau, suggérant une stabilisation de l’efficacité des traitements.

Les auteurs ont toutefois observé des disparités parmi les patients. Différents facteurs comme la réponse complète, l'âge, le sexe, le nombre de métastases et le niveau de LDH sériques (les lactato-déhydrogénases, enzymes dont le taux élevé signe l’agressivité du mélanome) étaient significativement associés à la survie sans progression et à la survie globale.

« Les recherches vont d’ailleurs être poursuivies pour caractériser les sous-groupes de patients les plus à même de tirer profit de cette bithérapie ciblée. Il apparaît d’ores et déjà qu’une réponse complète à la bithérapie ciblée constitue un facteur prédictif solide et précoce d’une survie prolongée sans progression de la maladie et d’une survie prolongée globale », a souligné le Pr Robert.

La survie globale à 5 ans était, en effet, de 71 % chez les patients en réponse complète (19%) et de 55 % chez ceux qui avaient des taux de LDH normaux et moins de 3 métastases à l’entrée dans l’étude (vs 34 % pour l’ensemble des participants). Dans ces deux sous-groupes, la survie sans progression était respectivement de 49% et 31 % (vs 19 % pour l’ensemble des participants).

Aussi, 25 % des patients dont la maladie n’avait pas progressé présentaient un taux normal de LDH, contre seulement 8 % chez ceux dont le taux était élevé ; le taux de survie globale était lui aussi considérablement supérieur, 43 % vs 16 %.

Enfin, le sexe féminin était associé à un meilleur pronostic.

Quelle tolérance ?

La quasi-totalité des participants ont rapporté des effets indésirables (98 %), mais tous étaient connus et attendus (fièvre, éruptions cutanées, diarrhées...) différents de ceux observés avec l’immunothérapie par anti-PD1. Ils ont conduit 18 % des patients à interrompre leur traitement.

Et après ?

Pour le Pr Robert : « Ces bons résultats ne doivent cependant pas masquer un taux de décès encore élevé : 62 % au moment de l’analyse des données. Même si les progrès réalisés depuis plusieurs années sont importants, on déplore encore beaucoup de décès à cinq ans », tempère-t-elle.

C’est pourquoi, des essais cliniques sont en cours, afin d’examiner les effets de l’immunothérapie en relais de la thérapie ciblée mais aussi l’association des deux avec l’essai de phase 3 COMBI-i qui compare l’anti-PD1 spartalizumab + dabrafenib + trametinib à l’association placebo + dabrafenib + trametinib et l’essai de phase 3 TRILOGY qui compare l’anti-PD-L1 atezolizumab + vemurafenib + cobimetinib à l’association placebo + vemurafenib + cobimetinib.

Le commentaire du Dr Manuel Rodrigues, Président de la SFC, Institut Curie

« On se rappelle des premiers essais cliniques dans le mélanome métastatique où la survie à 2 ans était d’environ 25 % avec la chimiothérapie et de 30 % avec les anti-BRAF. A présent, avec cette bithérapie ciblée, le taux de survie globale est de 37 % à 4 ans, 34 % à 5 ans. Il y a donc une nette amélioration du pronostic des patients atteints de mélanome métastatique grâce aux thérapies ciblées mais aussi grâce à l’immunothérapie.

Cette étude peut être mise face à l’analyse de survie globale du ribociclib, un inhibiteur CDK4/CDK6, dans la prise en charge des femmes présentant un cancer du sein métastatique, en première ligne.

On savait que les drogues de cette classe thérapeutique (ribociclib, palbociclib, abemaciclib) apportaient un net bénéfice en survie sans progression en première ligne mais, on observe pour la première fois des répercussions en termes de survie globale avec une survie globale de 70 % à 42 mois versus 46 % pour les patientes recevant l’hormonothérapie sans ribociclib.

En pratique, ces deux études illustrent l’évolution de la cancérologie ces dernières années avec une amélioration, dans certaines situations, de la survie globale de nos patients mais aussi un effet pervers, cynique, qui est l’augmentation de la patientèle puisque ces patients seront suivis plus longtemps et que les nouveaux patients atteints de cancers métastatiques continuent d’arriver à nos consultations, les faisant littéralement déborder sans augmentation substantielle des moyens humains. Cela questionne le futur de l’organisation de la prise en charge de pathologies chroniques. »

Les deux essais ont été financés par GSK. Le Pr Caroline Robert a notamment des liens d’intérêt avec : GSK, Merck Serono, BMS, SeaGen international, Bayer, Servier, MSD. Elle exerce (a exercé) les fonctions d'administrateur, membre de la direction, associé, employé, conseiller, consultant ou fidéicommissaire pour : Gustave Roussy.

Le Dr Rodrigues n’a pas de liens d’intérêt en rapport avec le sujet.

 

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