San Francisco, Etats-Unis – Plusieurs études ont suggéré l'intérêt du dépistage du cancer du poumon par scanner basses doses, amenant les Etats-Unis à recommander un dépistage annuel chez les gros fumeurs ou anciens gros fumeurs âgés de 55 à 80 ans. En France, en revanche, en 2016, la Haute Autorité de Santé (HAS) a rendu un avis défavorable sur cette forme de dépistage, notamment en raison des taux élevés de faux positifs et de faux négatifs.
D'après une nouvelle étude, l'intelligence artificielle (IA) pourrait aider à dépasser ces limites. C'est ce qu'a montré une équipe du géant américain Google qui a entraîné un programme de deep-learning (apprentissage profond) à détecter des lésions malignes à partir de plus de 42 000 scanners pulmonaires. Les algorithmes ont identifié 11% de faux positifs en moins et 5 % de faux négatifs en moins que des radiologues aguerris. En d'autres termes, dans cette étude, le programme informatique a dépassé l'œil des radiologues. Ces données restent toutefois à confirmer dans de grandes populations de patients, soulignent les auteurs. Les détails de cette étude sont publiés dans Nature Medicine [1].
« Dans l'étude, nous montrons que l’IA semble être un outil prometteur pour améliorer le diagnostic des patients présentant un cancer et pour mieux identifier ceux qui n'ont pas de cancer » a expliqué le Dr Mozziyar Etemadi (Northwestern University Feinberg School of Medicine, Chicago), un des co-auteurs.
« Toutes les données utilisées dans cette étude sont rétrospectives. La prochaine étape consistera à mener une étude prospective pour savoir si cet outil, quand il est utilisé par un radiologue, peut permettre un diagnostic de cancer à la fois plus précoce et plus précis, et des meilleurs résultats pour les patients » a-t-il poursuivi.
Il a souligné que du travail restait à faire, en collaboration avec Google, pour savoir précisément comment les radiologues et les médecins souhaiteraient utiliser l'IA.
Un besoin de nouvelles méthodes
Aux Etats-Unis, le scanner basses doses est recommandé pour certaines populations à risque élevé de développer un cancer du poumon. Cependant, sur environ un quart des CT-scans montrant un résultat positif nécessitant un suivi, 96 % d'entre eux sont des faux-positifs. Ceci a incité les chercheurs à trouver de nouvelles méthodes pour différencier les nodules bénins des malins.
Par exemple, une équipe de l’Université de Pittsburgh utilise désormais un algorithme intelligent associant un scanner faibles doses, des données cliniques et des informations sur les comorbidités afin d’affiner leur diagnostic.
Dans la nouvelle étude, Etemadi et coll., ont cherché à savoir comment l'IA pourrait aider à dépasser ces limites. L'une des co-auteurs, Shravya Shetty qui travaille chez Google, indique dans son blog que grâce aux avancées en modélisation 3D et aux données fournies par leurs partenaires, « nous avons fait des progrès dans la modélisation pour la prédiction du cancer du poumon mais aussi pour jeter les bases des futures études cliniques ».
Quand les médecins regardent des centaines d'images en 2D sur un scan, le cancer « peut être minuscule et difficile à repérer », écrit-elle. Le modèle élaboré par son équipe chez Google peut, non seulement donner une prédiction globale de la malignité d'une tumeur et son image en 3D, mais aussi identifier des lésions plus discrètes dans les poumons. De plus, ce modèle peut se servir d'informations extraites de scanners réalisés précédemment, ce qui est utile dans la mesure où le rythme de croissance d'un nodule du poumon est indicateur du fait qu'il soit malin ou non.
Des résultats très prometteurs
En pratique, les chercheurs ont eu recours à un réseau neuronal convolutif d’apprentissage profond (CNN, convolutional neural network), une forme d'intelligence artificielle : il s'agit de faire apprendre au programme un très grand nombre d'images de scanners thoraciques, ici des images de 14 851 patients, dont 578 ont développé un cancer du poumon.
L'équipe de Google a ensuite testé l'algorithme sur 6716 CT-scans qu'il n'avait jamais eu à analyser. Il est parvenu au bon diagnostic avec un taux de réussite de 94,4%.
L'étape suivante a consisté à comparer les performances du logiciel avec celles de six radiologues confirmés. Quand les scans précédents n'étaient pas disponibles, le logiciel a dépassé l'œil des médecins : il a réduit de 11 % les faux-positifs et de 5 % les faux-négatifs. En revanche, quand des images médicales prises précédemment au cours du suivi étaient disponibles, l'intelligence artificielle a fait aussi bien que les médecins.
Un travail important
« Le deep-learning « en 3 D », et avec le temps comme dimension supplémentaire, semble améliorer remarquablement la précision du diagnostic, ce qui constitue une avancée bienvenue » a expliqué le Dr Eric Topol, directeur du Scripps Research Translational Institute (La Jolla, Californie), et rédacteur en chef de Medscape.
« Mais, comme l'indiquent les auteurs de l'article, une validation clinique prospective est nécessaire pour confirmer ces données » a-t-il tempéré « Et comme tous les algorithmes d'IA il faudra toujours une surveillance étroite une fois introduit en clinique ».
Daniel Tse, un des coauteurs et chef de projet chez Google, a indiqué à nos confrères de Medscape Medical News que des études cliniques étaient en projet et que « le but était de comprendre à la fois comment le modèle pourrait se généraliser et s'adapter à des nouveaux patients ».
« Nous considérons qu'il reste un travail important à effectuer sur l'interface utilisateur versus l'expérience utilisateur afin d'obtenir des modèles pour la clinique ».
Cette étude a été financée par Google Inc. Etemadi M. a reçu un financement de Google Inc.. Tse D. est un employé de Google Inc; plusieurs des auteurs sont également des employés de Google ou ont d'autres relations avec l'industrie.
Cet article a été traduit et adapté de l’édition en anglais de Medscape par Marine Cygler.
L'intelligence artificielle va-t-elle supplanter les médecins ? Mise au point du Conseil de l’Ordre
Biopsie de cancer du poumon : l’ordinateur plus discriminant que l’œil du pathologiste
Actualités Medscape © 2019 WebMD, LLC
Citer cet article: Une nouvelle IA Google détecte les cancers du poumon sur les scans - Medscape - 17 juin 2019.
Commenter