Lombalgie commune : comment prévenir le passage à la chronicité ?

Stéphanie Lavaud

Auteurs et déclarations

11 juin 2019

France — Dans la continuité du programme « Mal au dos : le bon traitement, c’est le mouvement », et après publication par la Haute Autorité de Santé (HAS) de recommandations pour la prise en charge du patient présentant une lombalgie commune [1], l’Assurance Maladie (AM) édite une brochure à l’attention des professionnels de santé intitulée « Lombalgie commune : comment orienter la prise en charge pluridisciplinaire et favoriser le maintien d’une activité professionnelle » [2]. La sortie de ce document a été l’occasion pour l’AM de donner la parole aux différents acteurs de cette prise en charge – médecin généraliste, kinésithérapeute, rhumatologue, spécialiste de médecine physique et de réadaptation, médecin du travail et médecin conseil de l’assurance maladie – qui ont, chacun, insisté sur l’importance de veiller à la cohérence des propositions thérapeutiques entre les différents professionnels impliqués, « en raison du caractère délétère des discours discordants » [3].

Eviter le passage à la chronicité

La lombalgie commune – une douleur lombaire qui ne comporte pas de signes d’alerte – est une pathologie très fréquente et le plus souvent de pronostic favorable (généralement en quelques semaines). Pourtant, 7 % de ces lombalgies deviennent chroniques : leur prise en charge devient alors complexe et le risque de désinsertion sociale et professionnelle, élevé. Dans ce contexte, pour éviter le passage à la chronicité, tout l’enjeu consiste à adopter précocement une stratégie adaptée qui peut, dans certains cas nécessiter, comme l’indique la HAS dans ses recommandations, une prise en charge pluridisciplinaire.

Première étape : rassurer, expliquer et encourager au maintien des activités

Face à un patient venant consulter pour un mal de dos, « la première étape, c’est de s’assurer du caractère bénin de la lombalgie », explique le Dr Cyril Bègue, médecin généraliste dans le Maine-et-Loire. Et ce, après avoir recherché les signes d’alerte dont la combinaison suggérerait une pathologie sous-jacente, telle qu’une infection, une maladie inflammatoire, un cancer, un problème neurologique… précise la HAS. En l'absence de tels signes, « tout doit rentrer dans l’ordre en moins d’un mois » poursuit le généraliste. A ce stade, il faut rassurer et soulager la douleur, condition sine qua none pour introduire le message qu’il faut continuer ses activités professionnelles et quotidiennes ».

 
Le dos a besoin de mouvement pour être en forme Dr Florent Bailly
 

Au titre des messages rassurants, on peut expliquer au patient que « le dos a besoin de mouvement pour être en forme, que même quand on a mal au dos, il n’est pas pour autant abimé » ajoute le Dr Florent Bailly, rhumatologue (Pitié-Salpêtrière, Paris). Toutes les études montrent, en effet, que « le maintien des activités physiques, non seulement n’est pas délétère, mais est bénéfique pour le dos ».

Rechercher des signes de risque de chronicité et de récidive

Après avoir rassuré, atténué la douleur avec un traitement médicamenteux, si necessaire, et encouragé au maintien des activités, il faut s’intéresser et rechercher des signes de risque de chronicité et de récidive, recommandent l’Assurance Maladie et la HAS. En particulier, parce que la lombalgie chronique ou récidivante est à l’origine de nombreux arrêts de travail et peut conduire à une désinsertion professionnelle – 1 lombalgie sur 5 entraine un arrêt de travail et cette pathologie est devenue la première cause d’exclusion du travail avant 45 ans.

Le professionnel doit donc rester attentif aux facteurs de risque d’incapacité prolongée du travail ou d’obstacles au retour au travail. « Un arrêt de travail est-il nécessaire ou non ? interroge le Dr Bègue. Cela dépend des différents facteurs mais si oui, il doit être plutôt court et il faut revoir le patient très vite – au bout d’une semaine – afin de ré-évaluer son état et de repérer les signes de passage à la chronicité ». Il est, bien sûr, établi qu’au-delà de la pathologie elle-même, c’est le patient dans sa globalité qui doit être pris en charge. Le vécu du patient est pris en compte, chacun vivant différemment tant sur le plan physique, psychologique que socio-professionnel.

Anticiper, préparer et accompagner le retour au travail

Quand faut-il envisager un rendez-vous avec le médecin du travail ? « Au premier épisode de lombalgie, ce n’est pas nécessaire, mais au troisième, il faut dégainer tout de suite » considère le Dr Bègue. Idem d’ailleurs pour la kinésithérapie (voir encadré). En cas d’épisodes récidivants, anticiper, préparer et accompagner le retour au travail est essentiel. « Il arrive que des facteurs psychologiques et sociaux bloquent la reprise, d’où la nécessité, dans certains cas, de prévoir une visite de pré-reprise avec le médecin du travail. C’est très important car cela créée un lien avec le médecin du travail ».

Le Pr Audrey Petit (rhumatologue, service de santé au travail et pathologie professionnelle, CHU d’Angers) confirme : « dès qu’un arrêt de travail se prolonge ou se répète, il est important de le consulter », tout en sachant que « le travail est un facteur de risque parmi les autres et que ce n’est pas le seul facteur déclenchant de la problématique ». Ajoutant aussi : « si le retour au domicile s’annonce difficile, une reprise à temps partiel est une option possible – bien que limitée dans le temps et sous réserve de l’accord de l’employeur. Ce n'est pas obligatoirement un mi-temps, mais  éventuellement un 40, 60, 80% du temps ». Quant à l’aménagement des conditions de travail, quand c'est nécessaire, « il peut être, non seulement ergonomique, mais organisationnel (et autres) ».

 
Un arrêt de travail est-il nécessaire ou non ? Dr Bègue
 

Se coordonner entre professionnels de santé après un arrêt de travail répété ou prolongé, en évitant la cacophonie médicale et paramédicale, est, là encore, essentiel. « Se coordonner, pour le Pr Petit, c’est rendre le patient acteur de son parcours et de son retour au travail ».

A savoir : afin de faciliter les relations entre le patient, le médecin traitant, le médecin conseil et le médecin du travail, l’Assurance Maladie met en place une nouvelle offre de service : le conseiller service, agent du service médical auprès de la CPAM. A la demande du médecin traitant, celui-ci peut intervenir auprès du patient pour faciliter ses démarches auprès du médecin du travail et du service social de l’Assurance Maladie.
 

La kinésithérapie, oui mais…active !

La prise en charge doit être spécifique et adaptée. Ce n’est qu’après avoir identifié un facteur de risque de chronicité ou que la lombalgie est devenue chronique qu’une rééducation active par kinésithérapie se révèle pertinente. Mais pas n’importe quel type d’exercices. « La réalisation de la kinésithérapie doit faire appel à la participation active du patient : étirements, mobilisation vertébrale, renforcement des muscles du dos...plus une étape de gestion de la douleur, précise Xavier Dufour, kinésithérapeute à Paris. Les thérapies passives (froid, chaud, massages) n’ont, elles, aucune efficacité sur l’évolution de la lombalgie. Elles agiront éventuellement sur la douleur, mais pas sur la chronicité ». Ces thérapies peuvent néanmoins être utilisées au début mais pas plus de 3 semaines, prévient Xavier Dufour, car il faut vite entrer dans une kiné franchement active ». 

A connaitre :

  • la fiche mémo « Prise en charge du patient présentant une lombalgie commune » élaborée par la HAS (mars 2019).

  • la brochure « Lombalgie commune : comment orienter la prise en charge pluridisciplinaire et favoriser le maintien d’une activité professionnelle » de l’Assurance Maladie (mai 2019).

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