Cancer de la prostate métastatique : l’enzalutamide gagne sa place en première ligne

Aude Lecrubier

Auteurs et déclarations

6 juin 2019

COLLABORATION EDITORIALE

Medscape &

Chicago, Etats-Unis-- L’inhibiteur des récepteurs aux androgènes de nouvelle génération enzalutamide (Xtandi®, Pfizer/Astellas) est efficace en première ligne de traitement du cancer de la prostate métastatique, selon les résultats intermédiaires de l’essai de phase III ENZAMET présentés en session plénière de l’ASCO 2019 et publiés simultanément dans le NEJM [1,2].

Il s’agit du premier essai à rapporter des données de survie globale sur l’utilisation d’un anti-androgène non stéroïdien dans le cancer de la prostate métastatique hormonosensible et à fournir des informations chez des patients qui reçoivent aussi du docétaxel.

D’après ces premiers résultats, 80% des hommes atteints d’un cancer de la prostate métastatique hormonosensible recevant l’anti-androgène non stéroïdien enzalutamide (Xtandi®, Pfizer/Astellas) en plus d’un traitement standard, étaient en vie à 3 ans comparé à 72% des hommes ayant reçu un anti-androgène non stéroïdien classique en sus d’un traitement standard (agoniste de LHRH ou une castration chirurgicale +/- docétaxel ; docétaxel chez 45 % des participants) .

Enzalutamide vs bicalutamide, nilutamide ou flutamide

Dans l’étude, 1125 hommes présentant un cancer de la prostate métastatique hormonosensible ont été randomisés entre mars 2014 et mars 2017 pour recevoir une hormonothérapie (tel que la goséréline, le leuprolide ou le degarelix) et soit 160 mg/j d'enzalutamide oral, soit l'un des trois anti-androgènes non stéroïdiens suivants : bicalutamide, nilutamide ou flutamide. Parmi les 1125 participants, 503 hommes ont reçu des doses précoces de docétaxel et 602 n'en ont pas reçu. Les hommes ont été suivis pendant 34 mois en moyenne.

Une baisse de la mortalité de 33%

Après 3 ans, 80% des hommes atteints d'un cancer de la prostate métastatique qui reçoivent de l'enzalutamide en sus d’une hormonothérapie, avec ou sans docétaxel précoce, sont en vie, contre 72% des hommes ayant reçu l'un des trois autres anti-androgènes non stéroïdiens. Dans l'ensemble, le risque de décès chez les hommes recevant de l'enzalutamide a diminué de 33% par rapport à ceux recevant un autre anti-androgène non stéroïdien (RR=0,67, p=0,002).

Afin d’affiner l’analyse des données, les chercheurs ont évalué l'impact de l'enzalutamide dans trois sous-groupes de patients : ceux avec une charge tumorale importante, ceux avec une charge tumorale faible et ceux recevant à la fois une chimiothérapie et une hormonothérapie.

Bénéfice plus important chez les patients avec une faible charge tumorale

Sur 596 hommes présentant une charge tumorale importante sur les scans, 71% recevant de l'enzalutamide étaient en vie, contre 64% de ceux qui prenaient un autre anti-androgène non stéroïdien, RR=0,74, (IC95% 0,55 – 1,01).

Aussi, sur les 529 hommes présentant une faible charge tumorale, 90% recevant de l'enzalutamide étaient en vie, contre 82% qui prenaient un autre anti-androgène non stéroïdien, RR = 0,48 (IC95% 0,28 – 0,80).

Pr Karim Fizazi

« Ce dernier résultat signifie que même dans les cancers oligométastatiques, il faut très probablement utiliser ce type de médicament précocement pour pouvoir gagner en survie sans progression et en survie globale », a commenté le Pr Karim Fizazi (Gustave Roussy, Villejuif) pour Medscape édition française.

Retrouver les commentaires du Pr Karim Fizazi sur les études présentées à l’ASCO dans le cancer de la prostate ici.

Quel est l’intérêt de l’enzalutamide en association avec une chimio/hormonothérapie ?

A ce stade de l’étude, les bénéfices de l’association de l’hormonothérapie, de la chimiothérapie et de l’enzalutamide sont visibles en survie sans progression mais pas en survie globale.

L'augmentation de la survie avec l'enzalutamide était la plus marquée chez 622 hommes ne recevant pas de docétaxel. Parmi les patients recevant de l'enzalutamide sans docétaxel, 83% étaient en vie, contre 70% en prenant un autre anti-androgène non stéroïdien, RR=0,53 (IC 95% 0,36 – 0,73).

Cette nouvelle option de traitement à base d'enzalutamide est particulièrement utile pour les hommes qui ne tolèrent pas la chimiothérapie et qui présentent un faible volume tumoral au scanner Christopher Sweeney.
 

En revanche, chez les 503 hommes qui recevaient du docétaxel, parmi les patients recevant de l'enzalutamide, 74% étaient en vie, contre 75% en prenant un autre anti-androgène non stéroïdien, RR=0,90 (IC95% 0,62 – 1,35).

Ce dernier résultat suggère que l’enzalutamide n’apporte pas de bénéfice chez les patients qui reçoivent déjà du docétaxel. Un point important compte tenu de la différence de prix entre les deux traitements.

Toutefois, il faut noter que la plupart des participants recevant du docétaxel (71%) avaient une charge tumorale importante et au moins 4 métastases viscérales.

Au final, pour Christopher Sweeney, co-auteur de l'étude (Centre de cancérologie génito-urinaire Lank, Institut du cancer Dana-Farber, Boston, Etats-Unis) « cette nouvelle option de traitement à base d'enzalutamide est particulièrement utile pour les hommes qui ne tolèrent pas la chimiothérapie et qui présentent un faible volume tumoral au scanner ».

Une moins bonne tolérance

En termes de tolérance, l’enzalutamide a été moins bien toléré que les autres anti-androgènes non stéroïdiens. Des effets indésirables sévères sont survenus chez 42% des hommes recevant de l'enzalutamide versus 34% des hommes recevant un autre anti-androgène non stéroïdien.

Comparé aux autres anti-androgènes non stéroïdiens, les patients recevant l’enzalutamide avaient plus d’effets secondaires de grade 2-3, (hypertension, fatigue, chutes, syncopes et convulsions).

Aussi, les sorties d’étude en raison d’une mauvaise tolérance au traitement étaient plus fréquentes dans le bras enzalutamide que chez les patients qui recevaient un autre anti-androgène non stéroïdien (16 % vs 4 %). Enfin, 7 patients du bras enzalutamide ont souffert de convulsions alors qu’aucun cas n’a été rapporté avec les autres anti-androgènes non stéroïdiens.

Cette nouvelle option de traitement à base d'enzalutamide est particulièrement utile pour les hommes qui ne tolèrent pas la chimiothérapie et qui présentent un faible volume tumoral au scanner Christopher Sweeney

Quel traitement choisir en première ligne ?

Docétaxel, abiroterone, enzalutamide, comment choisir entre ces trois options en première ligne ? A ce stade, il n’est pas possible de répondre à la question.

Mais, une méta-analyse colligeant les données de cet essai et celles d’essais similaires est en cours qui devrait permettre de mieux cibler quels sous-groupes de patients devraient bénéficier de quel traitement.

Concernant le choix entre le docétaxel et l’enzalutamide, pour le Pr Ian D. Davis (Melbourne, Australie), co-auteur de l’étude, ce sont clairement les différents profils d’effets secondaires et les coûts qui feront la différence.

Le commentaire de la Société Française du Cancer (SFC)

« Deux études de phase III ont été présentées à l’ASCO et publiées simultanément dans le NEJM concernant l’utilisation d’inhibiteurs du récepteur aux androgènes associée à une castration en première ligne de traitement chez des patients présentant un cancer de la prostate métastatique, donc hormonosensible : l’une est l’étude TITAN [3] avec l’apalutamide et l’autre est l’étude ENZAMET avec l’enzalutamide.

Ces deux études montrent un clair bénéfice clinique à l’ajout de ces drogues, un bénéfice qui se traduit en survie globale.

La situation est donc beaucoup plus complexe qu’il y a quelques années puisque d’autres études préalables dans cette situation montrent que le traitement standard qui s’impose est une association de la castration plus :

  • soit un inhibiteur du récepteur aux androgènes comme l’apalutamide ou l’enzalutamide,

  • soit l’abiratérone qui est un inhibiteur de la synthèse des androgènes,

  • soit la chimiothérapie par docétaxel que l’on va réserver à des cas avec des maladies plus florides.

A l’avenir, la grande question sera de savoir comment personnaliser ces traitements en fonction du patient, de ses désirs, de son état général mais aussi de la maladie, de son étendue et de ses caractéristiques biologiques. L’un des grands enjeux des prochaines années sera certainement de savoir quel traitement ou quelle combinaison de traitement donner pour quel patient ». Dr Manuel Rodrigues, Président de la SFC, oncologue à l’Institut Curie.

Astellas Pharma a fourni le médicament et un soutien financier pour l’étude mais n’est pas intervenu dans l’analyse des résultats.

Christopher Sweeney a des liens d’intérêt avec Leuchemix, Amgen; Astellas Pharma; AstraZeneca; Bayer; Genentech/Roche; Janssen Biotech; Pfizer; Sanofi, Dendreon; Janssen Biotech (Inst); Sanofi (Inst); Sotio (Inst), Parthenolide, Dimethylaminoparthenolide. Exelixis: Abiraterone plus cabozantinib combination.

Ian D.  Davis a des liens d’intérêt avec :Amgen (Inst); Astellas Pharma (Inst); AstraZeneca (Inst); Bayer (Inst); Bristol-Myers Squibb (Inst); Eisai (Inst); Janssen Oncology (Inst); MSD Oncology (Inst); Pfizer (Inst); Roche/Genentech (Inst).

 

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