Lyon, France – La ministre de l'enseignement supérieur Frédérique Vidal a décidé de lancer une enquête sur les cours de PACES en sciences humaines dispensés par le Pr Gilles Freyer, qui, « devant des amphis bondés de la fac de médecine Lyon Sud, brocarde la lutte contre l’homophobie ou le racisme, tient des propos misogynes ou nie le scandale du Mediator » selon l’article publié par Médiacités. Enregistrements des propos discriminatoires à l’appui.
A l’origine, un article dans un média en ligne indépendant, Médiacités
Il aura fallu la publication d'une enquête d'un journal en ligne indépendant, ainsi qu'un communiqué indigné de l'association nationale des étudiants en médecine de France (Anemf), pour que la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche Frédérique Vidal se penche sur le cas du Pr Gilles Freyer. On y apprend en effet que le cancérologue, par ailleurs vice-doyen de la faculté Lyon-Sud, dispense à des étudiants en première année commune des études de santé (PACES) des cours de sociologie, à sa manière, comme en témoigne la journaliste Béatrice Kammerer, qui a pu suivre l'un d’eux, le 26 février dernier, tel qu'elle le relate dans un article paru le 22 mai dernier et intitulé « Lyon Sud : les dérapages nauséabonds du docteur Freyer ».
Liens d'intérêt
Le cours commence par des considérations pour le moins légères sur les liens d'intérêt entre industrie pharmaceutique et médecins : « La bien-pensance est une opinion qui consiste à dire que les médecins sont sous influence idéologique et financière de l’industrie pharmaceutique. » Rappelons qu’il a, lui-même, été mis en cause dans un reportage de France 2 sur ses liens d'intérêt, dont le nombre s’élèverait à 306. Sa justification mêle ironie et machisme : « Je ne savais pas que j’étais si riche ! Il faudrait demander à ma femme. Les femmes savent mieux ce genre de choses ».
Mâle blanc occidental, existence des races humaines, etc.
Après avoir copieusement descendu le Formindep ainsi que la revue Prescrire – un organisme et un média, respectivement, qui se caractérisent par leur indépendance vis-à-vis de l’industrie pharmaceutique –, « qui intoxiquent les médecins généralistes », le Pr Gilles Freyer se livre à un exercice autrement plus sérieux pendant son cours de sciences humaines intutilé « Santé, société, humanités » qui se révèle être, ni plus ni moins que la dispensation d'une vision réactionnaire, proche des thèses de l'extrême-droite. Il y vilipende « l'idéologie universelle des droits de l'homme », qui opprime « le mâle blanc occidental ». Il y décrit une société française manipulée par des associations qui font des cours dans les « écoles primaires sur les orientations sexuelles » pour enseigner « l'omnitolérance » et « nier le biologique ». Il reprend à son compte des concepts défendus par la droite extrême comme celui de « société diversitaire », et n'hésite pas à moquer le chanteur queer Bilal Hassani.
Plus grave, le vice-doyen affirme que les races humaines existent, sans ironie aucune : « les races humaines existent, c'est un fait biologique, avéré sur le plan scientifique ». Bref, ce n'est pas un cours de sociologie que professe le cancérologue, mais un cours où les humanités – dont l’objectif premier est de prodiguer une culture de base en sciences humaines aux futurs soignants – sont fortement teintées d’une idéologie proche des thèses de l'extrême droite. Selon le journal Mediacités, ces saillies ne sont pas nouvelles. Dès 2014, le Pr Freyer prenait position contre l'euthanasie. Last but not least, le cancérologue a aussi mis au programme de la PACES, un ouvrage de François-Xavier Bellamy, tête de liste Les Républicains aux élections européennes.
Cette vision très marquée de la société française est de plus enseignée à de jeunes étudiants qui n'ont aucun recul idéologique, comme s'en plaint l'une des étudiantes : « Quand on sort du lycée et qu’on n’a presque jamais connu d’enseignements de sciences humaines, c’est très difficile d’être critique. On n’a aucune référence, aucun recul. Sans compter que Gilles Freyer est une personne très respectée à la faculté et très imbue d’elle-même ».
L'Anemf réagit
Cette enquête, publiée le 22 mai, a donné lieu à une réaction indignée de l'Association nationale des étudiants en médecine de France (Anemf). Dans un communiqué du 24 mai, elle rappelle que les accusations de Mediacités sont étayées d'enregistrements sonores qui ne laissent aucune place au doute quant aux propos tenus par le Pr Freyer : « Sur la base d’enregistrements et de témoignages, l’article rapporte des propos discriminatoires graves, qu’aurait tenu le Professeur Freyer durant des enseignements des Sciences Humaines et Sociales (SHS), auprès des étudiants en Première Année Commune aux Etudes de Santé (PACES)." L'Anemf prend une position claire à ce sujet : « Les propos discriminatoires n’ont aucunement leur place ni au sein de l’enseignement supérieur, ni dans le domaine de la santé, ni nulle part ailleurs ». Et de demander à l'université Lyon 1 et au ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche de « mener des investigations nécessaires sur ces allégations ». Et d'ajouter : « Si elles sont avérées, l’ANEMF exigera la démission du poste de Vice-doyen du Pr Freyer et l’arrêt immédiat de toutes ses fonctions d’enseignement ». Un message reçu par Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, répondait à l'Anemf dès le 24 mai dans la soirée, par tweet interposé : « Je partage la préoccupation des étudiants de l'Anemf. J'ai décidé de saisir immédiatement l'inspection générale du ministère afin que toute la lumière soit faite sur ce qu'il s'est passé. J'en tirerai toutes les conclusions nécessaires dans les plus brefs délais ». Contacté par Médiacités, ainsi que par plusieurs autres médias, le Pr Gilles Freyer, ainsi que l'université Lyon 1, n'ont pas donné suite.
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Citer cet article: Propos homophobes, sexistes et racistes du Pr Gilles Freyer : le ministère lance une enquête - Medscape - 5 juin 2019.
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