Dr Jean-Claude Lemaire

Auteurs et déclarations

2 juin 2019

COLLABORATION EDITORIALE

Medscape &

Chicago, Etats-Unis -- Ajouter le ribociclib (Kisqali®, Novaris) au traitement endocrinien de première intention des femmes non-ménopausées atteintes d'un cancer du sein avancé HER2 négatif améliore de manière significative leur survie globale.

Tel est en substance le message à retenir de la présentation en conférence de presse par Sara A Hurvitz (UCLA) des nouvelles données de l'étude internationale randomisée contrôlée de phase 3 MONALEESA-7 au congrès de l’ASCO 2019[1].
Après 42 mois de suivi, les taux estimés de survie globale étaient de 70% pour les femmes ayant reçu le ribociclib en plus du traitement endocrinien versus 46% pour celles n'ayant reçu que le traitement endocrinien.

 « Les cancers du sein à un stade avancé peuvent être très agressifs chez les femmes pré-ménopausées. Il est donc important et surtout encourageant de voir qu'une thérapie ciblée permet d'augmenter de manière significative la survie des femmes encore jeunes qui en sont atteintes », a commenté Harold J. Burstein, expert de l'ASCO lors de la conférence de presse.

Un commentaire dont on mesure toute la portée lorsqu'il est rappelé que les cancers du sein à un stade avancé sont la cause principale de décès par cancer des femmes de moins de 60 ans et que leur incidence augmente. Ainsi aux Etats Unis, l'incidence a augmenté de 2% par an chez les femmes de moins de 40 ans entre 1978 et 2008.

Déjà de bons résultats sur la survie sans progression

Pour mémoire MONALEESA-7 est une étude dédiée spécifiquement aux femmes non-ménopausées ayant un cancer du sein à un stade avancé, HER2 négatif, exprimant des récepteurs hormonaux et n'ayant pas encore reçu de traitement endocrinien.

L'objectif était de comparer le devenir de ces femmes selon qu'elles recevaient l'anti-CDK4/6 ribociclib ou le placebo correspondant en plus d'un traitement endocrinien classique comportant goséréline plus un inhibiteur de l'aromatase (létrozole ou anastrazole) ou plus le tamoxifène, au choix de la patiente.

Au total 672 femmes ont participé à cette étude qui a déjà objectivé un résultat bénéfique sous la forme d'un gain d'environ 10 mois en termes de survie sans progression (critère principal) dont la médiane était de 23,8 mois chez les femmes du bras ribociclib versus 13,0 mois chez les femmes du bras placebo, (HR 0,55 ; p < 0,0001)[2].

72 % vs 46% de survie globale à 42 mois

Les résultats présentés lors de cet ASCO 2019 sont ceux de la deuxième des 3 analyses préspécifiées dans le protocole expérimental, laquelle est intervenue fin novembre 2018 après enregistrement de 192 décès (ribociclib 83, placebo 109) dans le cadre d'un suivi médian de 34,6 mois (minimum 28 mois).

« Il s'agit de la première étude qui documente une amélioration de survie lorsqu'une thérapie ciblée, quelle que soit sa classe, est utilisée avec un traitement endocrinien en première ligne dans des cancers du sein à un stade avancé », a souligné Sara A. Hurvitz.

Au moment de cette analyse 173 patientes (26%) étaient toujours sous traitement, ribociclib 116 (35%), placebo 57 (17%). La médiane de survie globale n'était pas atteinte pour le bras ribociclib et s'établissait à 40,9 mois pour le bras placebo, aboutissant à une réduction significative du risque de décès de l'ordre de 29% et globalement à des taux estimés de survie respectifs de 72% et de 46% à 42 mois.   

A noter que si les taux estimés de survie globale sont identiques lorsque le ribociclib est ajouté à un inhibiteur de l'aromatase, (70%) ou au tamoxifène (71%), ils différent chez les femmes recevant le placebo, 55% avec le tamoxifène et 43% avec un inhibiteur de l'aromatase.

Je pense que le point extrêmement important est que cet essai concerne des femmes jeunes et ces femmes vivent plus longtemps

« Je pense que le point extrêmement important est que cet essai concerne des femmes jeunes et ces femmes vivent plus longtemps. C'est donc un très grand jour pour ces femmes chez qui un cancer du sein métastatique exprimant les récepteurs hormonaux est diagnostiqué », a conclu l’oratrice.

Trois questions au Dr Luis Teixeira (hôpital Saint-Louis, Paris)

Medscape : Que pensez-vous de ces résultats ? A-t-on des pistes pour mieux sélectionner les patientes candidates à ce traitement ?

Dr Luis Teixeira : Les résultats sont très significatifs et il est probable que dans cette population de femmes pré-ménopausées HR+ HER2-, le ribociclib devienne le « gold standard ». Toute la question est de savoir chez quelles patientes le traitement ne marche pas. Aujourd’hui, nous n’avons pas de bons biomarqueurs mais, dans une analyse translationnelle de l’étude PALOMA-3 , il semble qu’au stade métastatique, lorsque la cycline E est élevée, l’efficacité du pablociclib diminue. Il est probable qu’il en soit de même avec le ribociclib. Il s’agit d’une piste de recherche intéressante.

Quid du profil de tolérance du ribociclib ?

L. Teixeira : La neutropénie est fréquente mais elle est peu symptomatique. Il n’y a qu’un à deux pourcents de neutropénies fébriles dans les études. Aussi, le ribociclib a été associé à un peu de toxicité hépatique et à de rares allongements du temps de QT dans MONALEESA 2, ce qui a imposé la pratique d’un ECG en itérative, avec ce seul ICDK4/6.

Peut-on espérer extrapoler ces données encourageantes aux femmes ménopausées ? Aux cancers du sein HER2+ ? Aux triples négatifs ?

L. Teixeira : Il n’est pas certain que nous puissions extrapoler ces bons résultats aux femmes ménopausées. Nous devrions avoir des données de survie globale dans cette population d’ici un an.

Pour les HER2+, plusieurs études sont en cours avec ce type de molécules comme l’étude PATINA avec le pablociblib. Après la chimiothérapie, lors de la phase d’entretien avec le trastuzumab/pertuzumab, la question qui se pose est : y-a-t-il un intérêt à ajouter un ICDK4/6 à l’hormonothérapie ?

Enfin, il y a peut-être un intérêt dans le cancer du sein triple négatif, en association avec la chimiothérapie mais nous n’avons pas encore de résultats probants.

A.L.

Liens d'intérêts :
Le Dr Burstein H. n'a pas de liens d'intérêt en rapport avec le sujet. Le Dr Teixeira a des liens d'intérêt avec tous les laboratoires impliqués dans le développement des ICDK4/6.

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