Genève, Suisse – Le burn-out se rapproche officiellement d'une maladie, même s'il n'est pas encore défini comme tel. L'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) le considère désormais comme un « phénomène lié au travail ». L'annonce a été faite à l’occasion de l’adoption de la nouvelle Classification des maladies, la « CIP 11 » lors de la 72ème Assemblée mondiale de la Santé (du 20 au 28 mai).
Etape préliminaire
« Comme toujours avec un trouble psychique, nous nous trouvons face à des difficultés diagnostiques, car il n'y a pas de critère strictement objectivable comme ceux apportés par l’imagerie pour diagnostiquer une fracture ou une glycémie pour un diabète. Il n'empêche que le tableau clinique est relativement bien défini même s'il est complexe » rappelle le Pr Bernard Granger, professeur de psychiatrie à l'Université de Paris et responsable du service de psychiatrie et d’addictologie à l'hôpital Tarnier-Cochin (Assistance publique - hôpitaux de Paris).
Cela dit, l'OMS a donc fait un pas en avant puisque le burn-out était jusqu'à présent dans la catégorie « facteur influençant l'état de santé ». Sa nouvelle définition de « phénomène lié au travail » pourrait s'envisager comme une étape préliminaire avant une entrée dans la Classification internationale des maladies.
La difficile reconnaissance du statut de maladie
L'OMS rappelle que les personnes affectées par un burn-out, que l'on traduit par « épuisement professionnel » en français, présentent trois caractéristiques:
- « un sentiment d’épuisement » ;
- « une mise à distance psychique de leur travail, du cynisme ou encore des sentiments négatifs liés à leur travail » ;
- et « une efficacité professionnelle réduite ».
Le burn-out ne figure pas dans les nomenclatures internationales de référence des maladies mentales (DSM-5 de l’American Psychiatric Association et CIM 10 et CIP 11, à partir de 2022, de l’OMS). Quant à l'Académie de médecine, son rapport de 2016 était un rapport à charge sur la notion de « burn-out » qu’elle qualifiait de « réalité mal définie » qui ne saurait être considéré comme « un diagnostic médical ».
Enjeu économique
Pourquoi ne pas considérer le burn-out comme une maladie ? « Il faut distinguer ce qui relève de l'officialisation de données scientifiques et médicales de la part d'organismes tels que l’OMS, et ce qui relève de l'observation clinique » explique Bernard Granger. « On ne peut plus nier la réalité du burn-out qui a été décrit dès les années 1970. Il a été défini par certains spécialistes comme une dépression centrée sur le travail. » D'ailleurs, il existe des outils d'aide au diagnostic comme l'échelle de Christina Maslach MBI (Maslach Burnout Inventory).
« Mais si le burn-out finit par être reconnu comme maladie, alors il s'agira nécessairement d'une maladie professionnelle, qui devra être indemnisée. On comprend très vite l'enjeu économique d'une telle reconnaissance » ajoute-t-il.
Une organisation du travail iatrogène
Reconnaître le burn-out comme une maladie, qui serait par définition professionnelle, reviendrait à questionner l'environnement professionnel et certaines organisations du travail qui facilitent le burn-out seraient à remettre en cause.
« On se rend compte désormais que l’individu est moins en cause que l'organisation du travail. Des sociologues du travail considèrent par exemple que le management par objectif peut être pathogène » précise le Pr Granger.
Les soignants, particulièrement à risque
Les soignants sont une des populations les plus exposées au burn-out. « On constate une grande sollicitation des capacités physiques et mentales des soignants. Ce n'est pas un hasard si le burn-out a été décrit initialement dans ce milieu » remarque le Pr Granger. « Le burn-out fait partie des risques psycho-sociaux que les entreprises et les services publics ont l’obligation légale de prévenir » poursuit-il.
Que ce soit à l'hôpital ou en cabinet, les médecins ont des difficultés à trouver un équilibre entre leur vie professionnelle et leur vie personnelle, d'autant plus qu'ils sont soumis à la « course à l'acte ».
En plus de l'organisation du travail, le Pr Granger pointe deux facteurs spécifiques que sont la quantité de travail et la « souffrance éthique ». « La souffrance éthique survient quand un soignant, surtout s’il est très investi dans son travail, effectue des actes qu’il réprouve – mais qu’il est obligé d’accomplir quand même, notamment faute d’adéquation entre les moyens et le temps dont il dispose – et ce qu’exigerait un travail de qualité » explique-t-il.
Rappelons l’existence d’un numéro vert et gratuit, le 0800 800 854, pour renforcer l’écoute et l’assistance de tous les professionnels de santé en souffrance, dans le respect de la confidentialité et du secret professionnel.

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Citer cet article: Burn-out : un premier pas vers la reconnaissance comme maladie - Medscape - 31 mai 2019.
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