Activité physique, régime low carb, vit. D : actualité de la prévention du diabète

Pr Ronan Roussel, Pr Bernard Charbonnel, Pr Michaël Joubert

Auteurs et déclarations

4 juillet 2019

Enregistré le 10 juin 2019, à San Francisco, É.-U.

Nouvelles données présentées au congrès de l’American Diabetes Association (ADA) 2019 sur la prévention du diabète de type 2 (étude PREVIEW), les régimes hypoglucidiques et cétogènes, et la supplémentation en vitamine D (étude D2d).

TRANSCRIPTION

Ronan Roussel — Bonjour, je suis Ronan Roussel, chef de service en diabétologie à l’hôpital Bichat à Paris, et j’ai avec moi Bernard Charbonnel, de l’Université de Nantes, et Michael Joubert, professeur en diabétologie au CHU de Caen.

Bienvenue sur le plateau de Medscape à San Francisco, à l’occasion des 79es sessions scientifiques de l’ADA, un congrès qui est assez riche en nouvelles données, y compris dans le domaine de la prévention du diabète. On se souvient bien sûr du DPP (Diabetes Prevention Program) il y a maintenant 15-20 ans ; Que peut-on dire de nouveau sur la prévention ? Par exemple, que nous apprend cette étude PREVIEW ((PREVention of diabetes IEurope and around the World)?

Michael Joubert — C’est en effet une grande étude de prévention qui s’est attachée à évaluer l’impact d’une prise en charge diététique et d’activité physique chez des patients pré-diabétiques pour évaluer si on pouvait éviter le fait qu’ils deviennent diabétiques de type 2.

Ronan Roussel — C’est le DPP ! Qu’y-a-t’il de nouveau ?

Michael Joubert — Ce qu’il y a de nouveau, c’est qu’on avait là 2 interventions diététiques différentes et des 2 interventions d’activité physique qui étaient évaluées en plan factoriel avec finalement quatre groupes…

Ronan Roussel — Donc pas de médicaments ?

Michael Joubert — Pas de médicaments. Ces interventions en plan factoriel étaient précédées d’une première intervention de deux mois qui consistait à prescrire à tous les patients un régime hypocalorique pour objectif qu’ils perdent 8 % de leur poids corporel…

Ronan Roussel — C’est déjà un objectif quand même assez ambitieux… En deux mois ?

Michael Joubert — Oui, en l’espace de deux mois. Et au terme de cette première séquence, les patients qui n’arrivaient pas à cet objectif étaient exclus de l’étude, et les autres bénéficiaient du plan factoriel d’intervention d’hygiène de vie diététique et activités physiques sur une durée de trois ans avec pour objectif de maintenir la perte de poids qui avait été obtenue initialement.

Ronan Roussel — C’est donc un essai de maintien d’un bénéfice.

Michael Joubert — Tout à fait.

Ronan Roussel — En deux mots, qu’est-ce qui différentiait les deux interventions diététiques et deux interventions d’activité physique ?

Michael Joubert — Les deux interventions diététiques étaient principalement guidées par le pourcentage d’apport en protéines : il y avait un régime hyper-protéiné avec 25 % de protéines d’un côté, et de l’autre côté un régime à 15 % d’apport énergétique sous forme de protéines. Pour l’activité physique : on avait de l’activité physique à haute intensité à raison de 75 minutes par semaine, et de l’activité physique à moyenne intensité à raison de 150 minutes par semaine. Ces deux interventions étaient croisées, ce qui fait qu’il y avait au total quatre groupes.

Ronan Roussel — Qui est-ce qui gagne ?

Michael Joubert — Alors personne ne gagne, ou plutôt, tout le monde gagne. C’est-à-dire qu’il a été montré dans cette étude que le pourcentage de patients qui va devenir diabétique est très faible, puisque seulement 4 % des patients passent du pré-diabète au diabète de type 2, ce qui est un bon résultat.

Ronan Roussel — Qu’est-ce qui les définissait comme pré-diabétiques ? Parce que c’est une notion un peu vague quand même…

Michael Joubert — Oui, tout à fait. Ils devaient avoir un critère parmi les deux qui sont soit une hyperglycémie modérée à jeun, soit une intolérance aux hydrates de carbone à deux heures de l’HGPO… Et ils avaient, évidemment, un IMC élevé, au-dessus de 25 si ma mémoire est bonne.

Ronan Roussel — D’accord. Donc peu importe comment on s’organise, chez les winners qui ont réussi à perdre 8 % de leur poids corporel en deux mois, on peut maintenir un taux, on peut leur garantir une certaine protection…

Michael Joubert — Oui. Alors, 75 % des patients ont réussi à ne pas dépasser leur poids initial ; donc on peut dire que 75 % des patients n’ont pas repris le poids qu’ils avaient perdu. C’est déjà un résultat en soi. Par contre, il faut noter que malheureusement, comme dans beaucoup de ces études d’intervention d’hygiène de vie, comme l’étude Look AHEAD qu’on avait eue il y a quelques années, l’observance des mesures d’hygiène de vie est difficile. La moitié des patients sont sortis d’étude avant la fin… L’observance du régime hyperprotéiné n’a pas été maintenue de façon optimale pendant toute l’étude, et finalement, les deux plans d’activité physique se sont un peu homogénéisés et c’est probablement pour cela qu’on ne voit pas vraiment de différence entre les groupes, parce qu’il a été difficile de maintenir le projet initial.

Ronan Roussel — En fait, c’est une étude quand même assez intéressante sur les modalités, qui dit un peu « il faut que les gens aient quelque chose qui leur plaise et qu’ils puissent le tenir. » Enfin, on imagine que peu importe la façon, mieux vaut s’y tenir et pouvoir durer.

Les régimes hypoglucidiques

Ronan Roussel — Dans ce contexte, il y a eu aussi (mais pas du tout avec la même envergure d’essai, ni le même niveau de preuve) des données [1] sur les régimes low carb, qui sont très populaires, y compris le very low carb, qui correspond du coup à un régime cétogénique, qui sont promus dans le contexte bien-être/minceur, donc pas nécessairement très sérieux, mais également dans le contexte du diabète.

Cela fait un peu peur — évidemment, la cétone ce n’a pas très bonne réputation dans notre domaine — mais certaines études sont conduites dans le diabète. Là il s’agissait également de données sur le pré-diabète montrant — dans des études qui n’ont pas de bras, qui ne sont pas randomisées, même s’il y a un bras contrôle, donc c’est quand même du petit niveau — qu’on a un effet qui est maintenu très longtemps de prévention du pré-diabète, avec un effet qui est médié en partie par la perte de poids alors même que la recommandation n’est pas de réduire ses apports, c’est ad libitum. Spontanément, quand on se plie à un régime local — qui n’est pas nécessairement hyperprotéiné, d’ailleurs c’est souvent high fat, c’est ça qui domine dans l’alimentation. En fait, les patients, spontanément, se restreignent — alors c’est peut-être parce que ce n’est pas bon, tout simplement – enfin toujours est-il que ceux qui y adhèrent restreignent un peu leurs apports et perdent quelques % de poids corporel.

Et il y a eu un essai randomisé en cours de publication qui a été présenté avec des données vraiment nouvelles, sur un petit groupe de militaires, parce que l’armée américaine se soucie des problèmes métaboliques et d’obésité chez ses membres, fussent-ils jeunes et plutôt bien portants. C’est donc un essai randomisé où justement ils ont cherché à contrôler le poids pour voir ce qu’apportait en lui-même le régime très low carb, légèrement cétogénique, c’est-à-dire que la cétonémie est de l’ordre de 1 à 1,22 mmol/L, maintenue sur trois mois ; il y avait un effet protecteur métabolique, en particulier sur l’homéostasie glucidique, du régime cétogénique.

Après, il faut mettre cela en place, et ce n’est pas si simple. Et certains proposaient du e-coaching, et là aussi il y a une étude qui a soutenu le bénéfice du coaching, parce qu’on sait bien que sinon l’accès à la ressource diététique est limité.

Quid de la vitamine D ?

Ronan Roussel — Il y avait encore une autre étude dans la prévention qui visait à évaluer la vitamine D (étude D2d, NCT01942694).  Alors, pourquoi la vitamine D dans la prévention du diabète ? Parce qu’il y a de multiples études épidémiologiques qui ont décrit une association entre des faibles concentrations plasmatiques de vitamine D et le risque de diabète, y compris ces associations maintenues après ajustement sur les facteurs confondants, le poids, etc., également les données socio-économiques, démographiques et génétiques des patients — il y a des polymorphismes des récepteurs de la vitamine D qui sont associés au risque de diabète. Évidemment, cela ne veut pas dire que c’est causal pour autant. Et pour avoir la causalité, il faut faire un essai. Donc là il y avait un essai randomisé chez des patients à encore plus haut risque que ceux qui étaient évoqués, puisque pour définir le pré-diabète ils devaient avoir deux critères parmi : hyperglycémie modérée de jeune, intolérance au glucose sur une HGPO et/ou une HBA1c entre 5,7 et 6,4. Sur cette population à très haut risque, plusieurs dizaines de % sur les quelques années de l’étude sont devenus d’authentiques diabétiques. La randomisation était vitamine D ou pas de vitamine D. Bernard, quel est le verdict ?

Bernard Charbonnel — La réponse est rapide : l’essai est négatif. Il n’y a pas de prévention du diabète alors même que le taux de vitamine D qui a été mesurée dans les deux ans d’étude est très significativement augmenté et tout à fait dans ce qu’on veut attendre…

Ronan Roussel — Ils partaient de combien ?

Bernard Charbonnel — Je ne me rappelle plus de combien ils partaient, mais ils n’étaient pas faibles.

Michael Joubert — Entre 20 et 25 ng/ml…

Ronan Roussel — Donc ils n’étaient pas sélectionnés pour une carence, enfin, un vrai déficit.

Bernard Charbonnel — Non. Et après, ils étaient à 54 en cours d’étude.

Ronan Roussel — Donc largement au-delà… c’est 30 la limite, si je me rappelle bien.

Bernard Charbonnel — Donc 54, sans effet hypercalcémique décrit, mais aucune prévention du diabète. Donc je crois qu’à la question que tu posais sur des données observationnelles, la réponse est négative pour la causalité.

Ronan Roussel — Alors, les données observationnelles portaient beaucoup sur la carence en vitamine D et risque de diabète. Qu’en est-il des populations carencées, parce qu’il devait bien y en avoir…

Michael Joubert — L’analyse en sous-groupes montre que même chez ceux qui étaient carencés — mais ils étaient peu nombreux puisqu’il n’y avait qu’une 20% qui étaient en dessous de 20, initialement, de vitamine D — même chez ceux-là, il n’y a pas de bénéfice. Mais peut-être que le sous-groupe est trop petit pour montrer quelque chose.

Ronan Roussel — D’accord. En tout cas, pas de bénéfice majeur. Ce n’est pas qu’on s’est clairement trompé de population. Donc la vitamine D : non ; le régime… : oui ?

Bernard Charbonnel — À propos de la prévention, je pense à une étude que j’ai trouvée très intéressante : RISE (Restoring Insulin Secretion), du consortium RISE. Elle est un peu mécanistique, elle étudie la capacité de sécrétion de l’insuline par clamp hyperglycémique — donc on est là dans quelque chose de très solide sur le plan méthodologique. Et chez des patients très bien traités par le liraglutide — c’est randomisé — ou par la glargine, des types 2, on voit qu’on améliore la fonction bêta sous traitement, mais dès qu’on arrête, la détérioration se reconfirme… Donc indirectement, puisque la perte de sécrétion bêta caractérise l’histoire du pré-diabète vers le diabète, je trouve que cela a rapport à notre sujet.

Ronan Roussel — C’est vrai. Et que beaucoup a été dit sur les incrétines qui préserveraient…

Bernard Charbonnel — Ce n’est pas confirmé. Cela ne l’était pas déjà par la même méthode avec Bayetta et cela ne l’est de nouveau pas avec le liraglutide.

Ronan Roussel — Très bien. Merci beaucoup. À bientôt.

 

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