Cancer du sein : suivre un régime pauvre en graisses améliore la survie

Aude Lecrubier

Auteurs et déclarations

1er juin 2019

Chicago, Etats-Unis—Manger sain limite-t-il le risque de cancer du sein ou celui de décéder d’un cancer du sein ?

Jusqu’ici les études observationnelles qui se sont penchées sur ces questions ont donné des résultats contradictoires.

D’où l’importance du premier essai randomisé réalisé sur ce sujet, qui a été présenté en avant première de l’ASCO, cette année par l’auteur principal, le Dr Rowan Chlebowski (Los Angeles Biomedical Research Institute, Harbor-UCLA Medical Center, Torrance, Etats-Unis)[1].

L’étude réalisée à partir de la cohorte Women’s Health Initiative (WHI) montre que par rapport à une alimentation classique, suivre un régime pauvre en matières grasses pendant plusieurs années est associé à une baisse significative de 21 % de la mortalité liée au cancer du sein lorsque ce dernier survient.

Dans l’essai, l’impact de la modification du régime alimentaire a été évalué chez 48 835 femmes ménopausées âgées de 50 à 79 ans, consommant au moins 32 % de leurs apports caloriques journaliers en graisses (IMC moyen 28,2%). Les participantes, provenant de 40 centres américains, n’avaient pas d’antécédent de cancer du sein et des mammographies normales.

8,5 ans de régime et près de 20 ans de suivi

Entre 1993 et 1998, les femmes ont été randomisées en deux bras. L’un sans modification du régime alimentaire (n=29 294) et l’autre dans lequel l’objectif était de limiter les matières grasses à 20 % des apports caloriques quotidiens et de consommer au moins une portion de légumes, de fruits et de céréales complètes par jour (n= 19 541).

Les femmes du bras « intervention » ont suivi ce régime pendant approximativement 8,5 ans. Au final, ces-dernières ont abaissé leurs apports quotidiens en matières grasses à 25 % des apports caloriques quotidiens (la majorité n’a pas atteint les 20 % escomptés) et elles ont augmenté leurs apports en légumes, fruits et en céréales complètes. Parmi celles qui ont maintenu ce régime, une perte de poids de 3 % en moyenne a été observée (p<0,001).

Au final, l’ensemble des participantes a été suivi 19,6 ans et 3374 cas de cancers du sein ont été diagnostiqués entre 1993 et 2013.

Quel impact sur l’incidence des cancers du sein et les décès associés ?

Au cours des 8,5 années de régime alimentaire, l’incidence des cancers du sein et des décès liés au cancer du sein était inférieure de 8 % dans le bras « intervention » mais cette différence n’était pas statistiquement significative.

 
Il s’agit du premier essai randomisé contrôlé à montrer que l’adoption d’un régime pauvre en graisses limite le risque de décès par cancer du sein chez les femmes ménopausées. Dr Rowan Chlebowski
 

En revanche, le taux de mortalité toutes causes après un cancer du sein était significativement moindre chez les femmes qui avaient adopté le régime pauvre en matières grasses à la fois au cours des 8,5 ans de régime (-35 %) et au cours des 19,6 ans de suivi (-15 %, p=0,01).

Enfin, sur ce suivi long, il est également apparu que l’incidence des décès liés au cancer du sein était abaissée de 21% (p=0,025).

« Il s’agit du premier essai randomisé contrôlé à montrer que l’adoption d’un régime pauvre en graisses limite le risque de décès par cancer du sein chez les femmes ménopausées », a indiqué le Dr Chlebowski lors de la présentation des résultats à la presse en amont du congrès. « Le régime alimentaire équilibré que nous avons choisi, dans la modération, est toujours bénéfique pour la santé après 20 ans de suivi », précise-t-il.

Comment expliquer ces bénéfices ?

Interrogé par un journaliste, l’orateur a expliqué que les résultats étaient similaires après ajustement pour le poids.

Aussi, plutôt qu’un effet bénéfique direct du poids, le Dr Chlebowski suggère plutôt que le régime pauvre en graisses « freine la croissance du cancer plutôt que son émergence, en limitant l’inflammation ». Il rappelle aussi, « qu’en inhibant la cascade inflammatoire, on agit sur plusieurs paramètres comme le syndrome métabolique (SM), le diabète ou l’hypertension (HTA). »

Il souligne d’ailleurs qu’une analyse de sous-groupe chez des femmes qui présentaient certaines caractéristiques du syndrome métabolique (tour de taille ≥ 88 cm, HTA élevée ou utilisation d’antihypertenseurs, cholestérol élevé, diabète) a montré qu’après 19,6 ans de suivi, celles qui avaient 3 à 4 caractéristiques du SM bénéficiaient plus du régime pauvre en matières grasses que celles qui avaient moins de caractéristiques du SM.

La baisse du risque de décès lié au cancer du sein associée au régime était de 69 % chez les femmes avec 3 à 4 des caractéristiques du SM par rapport aux autres groupes.

« Ce groupe à haut risque a donc probablement plus de chance de bénéficier du régime pauvre en matières grasses », a conclu le Dr Chlebowski.

Le Dr Chlebowski a des liens d’intérêts avec Novartis, Pfizer, Genentech, Amgen, AstraZeneca, Immunomedics.

 

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