Paris, France - Le traitement de la fuite tricuspide par voie transcutanée avec le dispositif TriClip (Abbott), similaire au MitraClip (Abbott) utilisé dans l’insuffisance mitrale s’est avéré efficace pour réduire la fuite, selon les résultats préliminaires à un mois de l’essai TRILUMINATE, présentés lors du congrès EuroPCR2019[1]. L’insuffisance tricuspide a été abaissée d’au moins un grade chez près de 90% des patients traités. (Voir aussi la vidéo Clip tricuspide : pour qui et comment?).
« Ces résultats sont excellents et assez inespérés. La valve tricuspide est une valve fragile et difficile à opérer. Je m’attendais à un taux d’échec plus important, » a commenté le Pr Patrice Guérin (CHU de Nantes) pour Medscape édition française. Le cardiologue a participé à l’étude, en opérant le premier patient en France par cette voie.
Malgré une surmortalité liée à l’insuffisance tricuspide, la grande majorité des patients présentant une fuite de la valve cardiaque tricuspide ne sont pas opérés, l’intervention chirurgicale étant considéré comme à très haut risque. Le traitement se limite aux diurétiques pour réduire la pression intraventriculaire.
Rôle fondamental de l’imagerie
En raison de ce risque lié à l’opération, la Société Européenne de Cardiologie (ESC) recommande une réparation chirurgicale de la valve tricuspide en cas de dilatation de l'anneau (>40 mm ou 21mm/m2) et uniquement lorsque la chirurgie de la valve mitrale ou aortique est indiquée.
Dans ce contexte, le traitement percutané de la valve tricuspide apparait comme une alternative prometteuse, qui s’avère désormais possible grâce à l’évolution de l’imagerie, a expliqué le Pr Guérin. Une meilleure compréhension de l’anatomopathologie de l’insuffisance tricuspide a également permis d’envisager une réparation percutanée dans cette indication.
Le dispositif utilisé, baptisé TriClip, est très proche du MitraClip. Il s’en distingue uniquement par le système porteur qui permet d’amener le clip sur la valve. Dans le cas de la valve mitrale, le système doit en effet percer la cloison séparant les deux ventricules, puis se retourner pour atteindre les feuillets. L’accès vers la tricuspide est plus direct.
L’opération n’est pas pour autant facilitée, bien au contraire. « En pratique, la réparation d’une valve tricuspide par voie percutanée est plus compliquée que pour la valve mitrale. Tout dépend de la qualité de l’échographie. La valve tricuspide étant plus difficile à visualiser que la valve mitrale, l’imagerie est l’élément clé dans cette opération. »
Jusqu’alors inenvisageable
L’anatomie de la valve a aussi été un frein. « A l’origine, le MitraClip a été conçu pour joindre deux feuillets. Il n’était pas concevable de l’envisager pour les trois feuillets de la tricuspide. Or, dans la majorité des cas, il suffit de ramener le feuillet septal vers le feuillet antérieur pour traiter une fuite tricuspide. En quelque sorte, on transforme la valve tricuspide en valve bicuspide ».
Pour évaluer l’efficacité et la sécurité du dispositif, le Dr Georg Nickenig (Hôpital universitaire de Bonn, Allemagne) et son équipe ont lancé l’essai international TRILUMINATE. L’étude prospective a été menée sur 21 sites aux Etats-Unis et en Europe, dont le CHU de Nantes qui a traité un patient.
Les chercheurs ont inclus 84 patients souffrant d’une insuffisance tricuspide modérée à sévère symptomatique. Ceux-ci ne devaient pas avoir de pathologie valvulaire au niveau du coeur gauche, ni présenter une hypertension pulmonaire (PAPs≥65 mmHg). Parmi les critères d’exclusion figure également une faible fraction d’éjection du ventricule gauche (FEVG≤ 20%).
Le critère primaire d’évaluation est la réduction de la sévérité de l’insuffisance tricuspide d’au moins 1 grade à 30 jours. Les résultats montrent que le critère principal a été observé chez 86,6% des patients (n=71). Dans 40% des cas, l’insuffisance a été abaissée de deux grades. A 30 jours, plus de la moitié des patients avaient une fuite légère ou modérée.
Qualité de vie améliorée
Sur le plan fonctionnel, 80,5% des patients avaient un NYHA de classe I ou II à 30 jours (pas ou peu de limitation de l’activité physique), contre 25,6% à l’inclusion. La qualité de vie a aussi été nettement améliorée puisque le score KCCQ (Kansas City Cardiomyopathy Questionnaire) a gagné plus de 14 points en moyenne en 30 jours. Pour ce test, l’amélioration est jugée significative à partir de 5 points supplémentaires.
Le taux de succès de la procédure est de 91,6 % avec au moins deux clips posés pour 60% des patients. L’opération a duré en moyenne 152 minutes, avec un temps de pose du ou des clips de 75 minutes à partir du moment où la ponction est réalisée sur l’artère fémorale.
Concernant les données de sécurité, aucun décès, chirurgie en urgence, AVC, infarctus du myocarde ou complication vasculaire majeure n’ont été rapportés. Le seul événement majeur survenu pendant le suivi est une insuffisance rénale aiguë. Parmi les autres événements cliniques recensés figurent six hémorragies majeures.
« Les résultats sont excellents. Il ne faut pas oublier qu’on n’a actuellement aucun traitement disponible pour traiter la fuite tricuspide, en dehors des diurétiques. C’est la première fois qu’un dispositif révèle une efficacité dans le traitement d’une valve tricuspide », a souligné le Pr Guérin.
« Etant donné que les chirurgiens refusent d’opérer un patient présentant une fuite sur valve tricuspide, ces résultats apportent beaucoup d’espoir. On a là une potentielle option pour des personnes qui ont perdu en qualité de vie », poursuit le cardiologue. Il estime que 1 000 à 1500 patients pourraient bénéficier de cette opération chaque année en France.
Quel impact sur le pronostic ?
A Nantes, le patient opéré avait un NYHA de classe II, quasiment de classe III. « Pour des efforts habituels de la vie courante, il était essoufflé. Aujourd’hui, après un an, son état est stable. Il a repris une activité normale ». Cette stabilité, qui reste à démontrer, semble se maintenir. C’est du moins ce que rapportent les praticiens allemands qui pratiquent déjà cette opération depuis quelques années.
Il faut désormais attendre les résultats définitifs de l’étude après un suivi de trois ans. Un autre essai TRILUMINATE devrait être lancé prochainement. Il prévoit d’inclure 700 patients qui seront randomisés pour recevoir un traitement percutané TriClip ou un traitement médical.
Si les études portent pour le moment sur la réparation des fuites tricuspides isolées, elles devraient à l’avenir inclure des patients présentant une autre pathologie cardiaque, dont l’insuffisance mitrale, la fuite tricuspide alors étant considérée comme un facteur de mauvais pronostic.
D’autres dispositifs percutanés sont à l’essai. Le remplacement transcathéter de la valve tricuspide est à sa phase initiale. Selon le Pr Guérin, « la technique est peu satisfaisante car, contrairement à la valve mitrale qui est ronde, l’anneau de la tricuspide est en forme de croissant, ce qui complique l’implantation ».
Les dispositifs d’annuloplastie semblent plus prometteurs. « Il reste difficile d’implanter un anneau dans une paroi si fine, mais la technique est séduisante. »
L’essai TRILUMINATE est financé par le laboratoire Abbott
Le Pr Guérin a des liens d’intérêt avec le laboratoire Abbott et de nombreux laboratoires investis dans la cardiologie interventionnelle.
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Citer cet article: Insuffisance tricuspide : résultats concluants avec le traitement percutané par TriClip - Medscape - 24 mai 2019.
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