L’actualité des stents et des anti-plaquettaires à l’EuroPCR 2019

Pr Jean-Philippe Collet, Dr Philippe L’Allier

Auteurs et déclarations

9 juin 2019

Enregistré le 24 mai 2019, à Paris, France

Jean-Philippe Collet et Philippe L’Allier commentent les données présentées au congrès de cardiologie interventionnelle EuroPCR sur les stents biorésorbables, les stents à mailles fines, le nouveau PCR Statement sur le risque hémorragique, et l’analyse post-hoc de l’étude GLOBAL LEADERS.

TRANSCRIPTION

Pr Jean-Philippe Collet — Bonjour, bienvenue à Medscape, en direct du congrès de l’EuroPCR, à Paris. C’est le plus grand congrès de cardiologie interventionnelle... J’ai le plaisir d’accueillir Philippe L’Allier, de l’Institut de Cardiologie de Montréal, et nous allons faire le point sur les coronaires. C’est un congrès qui est riche : il y a beaucoup d’information sur le structurel, le périphérique et aussi sur les coronaires qui restent le cœur du métier.

Parlons des stents biorésorbables : où en est-on? Quid des stents à mailles fines…? Philippe, que pouvez-vous nous dire? Que s’est-il passé à ce congrès?

Les stents biorésorbables : excès de thromboses tardives

Dr Philippe L’Allier — C’était un congrès en effet très riche en données. Il y a eu plusieurs études présentées sur le suivi à plus long terme des stents biorésorbables et qui ont tenté de démontrer l’avantage des stents à mailles fines.

Concernant les stents biorésorbables : beaucoup d’études à plus long terme sur le tuteur Absorb de la société Abbott ont montré qu’il y avait globalement un excès de thrombose (on parle des registres russes, français, et de la Grande-Bretagne). C’était assez concordant, ce qui est assez intéressant pour des résultats de registres où, effectivement, les données ont montré un taux d’événements cliniques qui n’était certainement pas plus bas que ce qu’on s’attendrait à voir avec des tuteurs métalliques, et avec un excès de thrombose quand même allant jusqu’à 3 % à trois ans, donc effectivement je crois que les concepts qui étaient déjà connus se sont maintenus à trois ou cinq ans dans ces études-là.

Pr Jean-Philippe Collet — Donc beaucoup de thromboses tardives, et très tardives…

Dr Philippe L’Allier — En fait, c’était à peu près divisé moitié-moitié par rapport à la première année versus le suivi, donc il n’y a pas eu une absence totale de thrombose au suivi, bien qu’il y avait un prix à payer relativement élevé lors de la première année. Il semble, par contre, à la lumière de ces résultats, qu’il y ait moyen de réduire les événements cliniques liés aux thromboses quand on améliore la technique d’implantation. Certains de ces registres avaient inclus un certain nombre de manœuvres reconnues comme étant considérées le gold standard, par exemple la post-dilatation avec un nombre d’atmosphère élevé, donc ceci et la prolongation de la double thérapie antiplaquettaire pouvaient mitiger le taux de thrombose. Ce sont des concepts qui ont été retenus et bien documentés.

Pr Jean-Philippe Collet — Mais est-ce que vous pensez que, justement, pour optimiser la technique d’implantation de ces plates-formes qui ne sont, quand même, finalement pas faciles à mettre en place (en tout cas on évite de faire les bifurcations, on prépare la lésion) il faut vraiment faire de l’OCT quand on n’est pas certain, comme c’est maintenant relativement bien recommandé dans les guidelines ?

Dr Philippe L’Allier — Oui, mais je crois qu’il est nécessaire de faire ce genre d’imagerie pour bien comprendre le comportement du dispositif en début d’utilisation. Une fois que c’est bien connu, on doit… porter attention au déploiement du tuteur, à son diamètre, avec les manœuvres que nous connaissons qui sont délétères, par exemple utiliser des mailles dans des vaisseaux qui ont un tapering très important, des choses comme ça ; évidemment, je crois que c’est très utile. Maintenant, est-ce que c’est absolument nécessaire ? Ça ne me le paraît pas. La prolongation de la double thérapie antiplaquettaire, la dilatation à très hautes atmosphères, semblent apporter quand même un avantage par rapport aux techniques initiales qui avaient été recommandées. Ceci étant dit, les tuteurs biorésorbables ne sont pas monnaie courante aujourd’hui.

Pr Jean-Philippe Collet — On ne les a plus sur les étagères en tout cas… Quel est alors le futur de cette technologie ?

Dr Philippe L’Allier — De manière intéressante, il y a eu deux études qui ont proposé des tuteurs biorésorbables avec des mailles plus minces. Alors, on se souviendra que les tuteurs étaient autour de 150 microns, le tuteur Absorb, mais les nouveaux tuteurs qui sont autour de 100 ou 125 microns, dépendamment des diamètres des dispositifs, peuvent montrer un avantage relativement clair. Nous avons des données préliminaires avec deux de ces dispositifs, avec des résultats à un an ou à neuf mois respectivement, mais qui donnent des résultats très favorables avec zéro thrombose de tuteur et un taux de resténose qui ne dépasse pas les 3 % à 5 %. Donc c’est vraiment quelque chose de beaucoup plus intéressant et cela semble avoir réduit de l’ordre de 50 % les événements qu’on ne considère pas vraiment favorables…

Pr Jean-Philippe Collet — Pense-t-on que c’est lié à une vitesse de résorption plus rapide? Est-ce que cela a été étudié avec ces nouveaux stents?

Dr Philippe L’Allier — Les données sont relativement préliminaires par rapport aux tuteurs à base de polymères et ce n’est absolument pas connu par rapport à la vitesse résorption. Je crois que c’est principalement lié à l’épaisseur des mailles qui est plus mince et que c’était un des facteurs qui faisaient en sorte que les tuteurs en question sont assez […] de thrombose. Maintenant, il y a aussi les tuteurs à base de magnésium, le tuteur Magmaris en particulier, qui lui aussi semble avoir des résultats intéressants avec un taux d’événements cliniques à un an qui est passablement intéressant. Et nous avons eu quand même quelques résultats chez quelques patients, des études de phase 1, qui donnent effectivement des résultats relativement intéressants et cela pourrait peut-être devenir utile à la longue si le développement clinique et technique du tuteur se poursuit. Donc il pourrait y avoir un intérêt de ce côté-là.

Stents à mailles fines

Pr Jean-Philippe Collet — Le cahier des charges est quand même vraiment strict et les stents métalliques restent des compétiteurs importants.

Il y a une évolution aussi dans ces dispositifs médicaux implantables et on utilise des stents à mailles de plus en plus fines. Quelle est la définition d’une maille fine ? Parce qu’il y a des compromis à faire… et ce n’est pas très clair. Y a-t-il des nouveautés à ce congrès sur ce sujet ?

Dr Philippe L’Allier — Oui. Il est clair qu’il y a une tendance en faveur des tuteurs à mailles fines ou très fines. Pour la définition, il n’y a pas de consensus. Et du fait qu’il n’y ait pas de consensus à ce sujet-là, on peut imaginer que les gens parlent de maille extrêmement fine, de l’ordre d’à peu près 65 microns. À maille fine, on parle à peu près de 80 à 85 microns et puis ce sont les deuxièmes générations du tuteur métallique. Évidemment, comme vous l’avez bien dit, il y a un compromis à faire entre la capacité du tuteur à maintenir la géométrie une fois implanté, et la capacité du tuteur à faire le travail par rapport à la déformation qu’on lui donne lorsqu’on fait des bifurcations par exemple. Mais effectivement, il semble que globalement il y ait un avantage à avoir des mailles plus fines et il n’y a certainement pas une tendance à avoir des mailles plus épaisses.

Ensuite, il y a eu quelques études qui ont voulu montrer un avantage sur le taux de resténose. Il s’avère qu’il y a quand même plusieurs facteurs impliqués dans le taux de resténose, que ce soit au niveau de la composition métallique, au niveau du polymère, au niveau du médicament qui est utilisé, ou encore au niveau de la cinétique du médicament. Et le seul facteur de l’épaisseur de la maille (entre très mince et mince) n’a pas été évident à montrer du point de vue pratique — les différentes études ont montré essentiellement une équivalence ou une non-infériorité entre les très minces et les minces. Il y a eu quand même des études randomisées, par exemple avec le tuteur Firehawk dans TARGET-AC qui a montré essentiellement une certaine équivalence entre le tuteur Xience et le tuteur Firehawk. C’était à deux ans, avec des résultats qui se sont donc maintenus. Ensuite, il y a eu des très grands registres qui ont tenté de regarder différents tuteurs, en particulier le stent Ultimaster avec l’étude de registre e-Ultimaster (avec 25 000 patients) qui a montré des résultats très favorables à une durée de suivi de l’ordre de deux ans. Et de ce point de vue, c'était utile et assez cohérent avec ce qu’on s’attendait, avec des taux de resténose de moins de 10 % et des taux d’événements cliniques de moins de 5 %. Donc très favorable. Il n’y avait pas de groupe comparateur par contre, mais c’est quand même sur 25 000 patients chez les tout-venant, donc c’était assez intéressant comme résultat.

Pr Jean-Philippe Collet — Donc des informations toujours pertinentes et un choix qui repose un peu sur l’alchimie, qui dépend des caractéristiques des patients et évidemment de l’anatomie coronaire.

Il y a eu aussi des nouveautés sur les grands registres, comme vous l’avez signalé, et puis il y a eu quelques sessions intéressantes, qui sont nouvelles, où on regarde l’apport de la pharmacologie sur les dispositifs médicaux implantables. Et c’est un peu nouveau. Il y a eu des sessions sur des lipides et aussi sur les antiplaquettaires et on a vu par exemple, à ce congrès, ce qu’on appelle les PCR Statements

Nouveau PCR Statement sur le risque hémorragique

Pr Jean-Philippe Collet —  il y a eu un PCR statement assez intéressant sur le risque hémorragique, avec une publication simultanée dans l’European Heart Journal — où on essaie de sortir des sentiers battus et de définir le risque hémorragique de façon pragmatique, puisque dans tous ces essais les patients sont souvent éliminés lorsqu’ils ont un risque hémorragique élevé et on se retrouve avec des scores qui ne correspondent pas tellement la réalité. Ce PCR Statement est intéressant puisque les critères sont nombreux, mais en fait ils sont très exhaustifs. Il y a 14 critères majeurs, 6 critères mineurs, et cela définit ce qu’on appelle le haut risque hémorragique chez des patients chez lesquels on va essayer de diminuer la bithérapie antiagrégante. Ce que j’ai trouvé interessant dans ce PCR Statement, c’est qu’il manque un critère, quand même, qui est le grand âge — et on n’en a des nonagénaires chez qui on fait des implantations de stent… Je pense qu’avec les patients qui ont plus de 85 ans, ce n’est quand même pas pareil que quand ils ont 70, 75 ans ; les comorbidités sont différentes, ce sont des chuteurs, le cerveau n’est pas le même… on ne peut pas tout prendre en compte, mais c’est quand même intéressant.

GLOBAL LEADERS : analyse post hoc

Pr Jean-Philippe Collet —  J’ai également vu une autre chose intéressante pour les gens qui s’intéressent à la pharmacologie et à la bithérapie, c’est une étude post-hoc de GLOBAL LEADERS où on a regardé la comparaison du ticagrelor seul au-delà d’un mois chez les malades qui ont une angioplastie versus une bithérapie au long cours. Cette étude était grande puisqu’il y avait quand même pas loin de 15 000 patients. Elle n’a pas réussi à montrer de différence, mais ils ont fait une étude post-hoc sur des patients qu’on appelle multi-PCI, c’est-à-dire qu’ils ont plusieurs stents dans plusieurs artères lors de la même séance ou de la même hospitalisation et on voit que les patients qui continuent le ticagrelor décèdent moins et ont moins d’infarctus du myocarde par rapport à la poursuite d’une bithérapie, même avec le clopidogrel. Donc je pense que ce sont des pistes qui vont nous aider à affiner les traitements. Quelle est d’ailleurs la position du Canada sur ce sujet, puisque vous faites souvent vos propres recommandations? Allez-vous vous aligner sur l’Europe?

Dr Philippe L’Allier — Nous avons le luxe de pouvoir regarder les différentes recommandations. Notre opinion est que les Européens ont beaucoup tendance à vouloir réduire la durée du traitement antiplaquettaire alors que les Américains ont plus tendance à vouloir le poursuivre plus longtemps. De notre côté, on essaie d’ajuster le tir en fonction du patient, donc la personnalisation de la décision nous paraît la bonne voie. Si nous considérons que le patient est à risque élevé de saignement, nous allons avoir tendance à suivre les recommandations de ceux qui préconisent un raccourcissement de la double thérapie antiplaquettaire, et lorsque nous considérons le risque athérothrombotique comme étant le plus élevé, nous aurons tendance à poursuivre la double thérapie antiplaquettaire au plus long cours. On aura tendance, donc, à personnaliser.

Pr Jean-Philippe Collet — Cette discussion reflète bien l’ambiance de ce congrès qui est très éducationnel. Il n’y a pas souvent de late breaking trials ou de grands essais, mais il y a un aspect très éducatif et il y a ces PCR Statements qui sont, je trouve, assez intéressants puisqu’ils correspondent vraiment à la réalité du quotidien et c’est pour cela que c’est un congrès qui a du succès.

Je vous remercie, Philippe L’Allier, et je souhaite à ceux qui poursuivent leur congrès une bonne fin de congrès et un bon séjour à Paris.

Dr Philippe L’Allier — merci.

 

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