Clip tricuspide : pour qui et comment?

Dr Nicole Karam, Dr Jean-Pierre Usdin

Auteurs et déclarations

27 mai 2019

Enregistré le 23 mai 2019, à Paris, France

Autrefois appelée la « valve oubliée », la tricuspide peut maintenant être réparée par voie transcutanée avec le TriClip. Comment sélectionner les patients? Quels sont les conditions optimales d’intervention? Interview du Dr Nicole Karam.

TRANSCRIPTION

Dr Jean-Pierre Usdin — Bonjour, je suis le Dr Jean-Pierre Usdin, cardiologue à Paris. Nous sommes dans les locaux de Medscape et en marge du congrès EuroPCR dont c’est la 30e édition. Je suis heureux d’avoir à mes côtés le Dr Nicole Karam, praticienne hospitalière et cardiologue interventionnel à l’hôpital Georges Pompidou, qui va nous parler des nouveautés concernant la réparation de la valve tricuspide à l’EuroPCR.

Dr Karam, qu’y a-t-il de nouveau ? Vous êtes une grande spécialiste de MitraClip, mais là, maintenant, vous vous dirigez aussi vers le clip tricuspide.

Dr Nicole Karam — Bonjour et merci pour l’invitation. Effectivement, je me dirige vers le clip tricuspide, mais il n’y a pas que moi. C’était la valve qu’on a critiqué, qu’on a appelée la « valve oubliée » pendant longtemps et qui ne l’est plus. Donc l’EuroPCR y a pensé et il y avait plusieurs sessions dédiées à la tricuspide, dont deux présentations majeures.

Il y a eu une session qui était plus dédiée à montrer la faisabilité et où on en est, avec les données de l’étude TRILUMINATE, qui avait évalué le TriClip — donc ce n’est pas le MitraClip, c’est vraiment un clip pour la tricuspide — et qui avait montré de bons résultats en termes de succès de procédure (au-delà de 70 %) et de sécurité (pas d’infarctus, quasiment pas d’AVC). Donc ce sont des scores qui étaient assez encourageants. Il y avait aussi des données de la vraie vie et il y a eu plusieurs présentations sur le registre TriValve, qui est le registre international sur les interventions percutanées tricuspides – il y a plusieurs études qui ont été présentées à partir de ce registre et d’autres registres, de Leipzig, de Munich notamment. On a compris la technique, alors maintenant la question est : pour qui et comment sélectionner les patients, que ce soit pour les faire ou pour les mettre dans les études, qu’on n’ait pas à chercher des patients qui ne vont pas en bénéficier.

Dans ce sens, il y a eu une deuxième session, justement, où les différentes questions se sont posées sur : est-ce que sur ventricule droit qui est trop fatigué… ça vaut le coup, encore, d’aller toucher la valve tricuspide ? Est-ce que c’est dangereux ? Est-ce que cela apporte un bénéficie ? Ce qui était intéressant c’est qu’on a déjà la première réponse, c’est-à-dire que le ventricule droit, contrairement au ventricule gauche, a l’air de s’améliorer assez rapidement, puisqu’on a des améliorations à 6 mois. Mais même à 1 mois, on voit des patients qui ont déjà amélioré leur fonction ventriculaire droite, leur diamètre ventriculaire et donc c’est assez encourageant. Alors cela pourrait nous pousser à nous dire que la dysfonction ventriculaire droite ne sera peut-être pas aussi problématique que celle de la fonction ventriculaire gauche. En tout cas, on peut l’espérer pour les patients ; on leur répare une valve tricuspide et on va peut-être améliorer leur fonction ventriculaire droite. En tout cas, c’est ce que montrent les données d’aujourd’hui.

Dr Jean-Pierre Usdin — Et cela va s’adresser à quels patients ? Est-ce que ce sont des patients qui ont déjà eu aussi un MitraClip ? Est-ce qu’on le fait dans le même temps ? C’est probablement une procédure qu’il faut faire de second temps ? Et est-ce qu’il est plus compliqué de faire une tricuspide que de faire un clip sur une valve mitrale ?

Dr Nicole Karam — Pour quels patients ? Alors ce qu’on a vu dans les études, c’est que ce sont souvent des fuites fonctionnelles, ce sont des patients qui soit ont eu dans le passé une intervention – pas nécessairement un MitraClip mais qui ont été opérés il y a quelques années d’une valve aortique, d’une valve mitrale et à l’époque il n’y a pas eu d’annonce sur la valve tricuspide. On les connaît, ces patients, ils viennent dans nos services avec l’insuffisance cardiaque droite, on les déplète — c’est à peu près tout ce qu’on peut faire. Et ce genre de patients bénéficie vraiment de l’intervention, donc cela fait partie des patients qui viennent. Les autres, ce sont des patients qui ont les sondes de stimulation, les sondes de défibrillateur, qui passent à travers la valve tricuspide… Il y a eu d’ailleurs une présentation dédiée pour voir à quel point, quand il y a une sonde qui passe dans la valve tricuspide, cela pourrait être un problème. Et là aussi, les données sont encourageantes…

Dr Jean-Pierre Usdin — C’est formidable.

Dr Nicole Karam — … Apparemment cela marche aussi. Donc ce sont les deux principales sources de patients. Après, il y a le patient qui a la cardiopathie dilatée avec la fuite gauche, la fuite droite. Après, bien sûr, la question pertinente est de savoir s’il faut le faire en même temps ou pas. Bien sûr, quand on fait la chirurgie cardiaque, on va faire les deux en même temps. Ici, on a le luxe de pouvoir se dire « est-ce qu’on fait l’une après l’autre ? » Et surtout qu’on peut se dire que la tricuspide, elle va peut-être s’améliorer une fois qu’on a réparé la gauche.

Dr Jean-Pierre Usdin — Oui. C’est ce qu’on disait beaucoup au moment de la chirurgie de la valve mitrale.

Dr Nicole Karam — Exactement. Mais malheureusement, la chirurgie nous a montré que ces patients, on est en train de les revoir. Après, est-ce que c’est un problème si on les revoit ? Peut-être, parce qu’en fait il y a deux problèmes :

  • dans des études qui ont été faites sur les MitraClip, il y avait des patients qui avaient des fuites tricuspides et clairement, je pense notamment aux données du registre allemand TRAMI, ils avaient montré que quand il y a une fuite mitrale à la tricuspide associée et qu’on ne fait que réparer la mitrale, il y a une surmortalité…. C’est un peu inquiétant.

  • Après, on peut se dire aussi : on attend un mois, si la fuite n’a pas régressé on reprend le patient et au pire, si cela commence, on n’a qu’à aller mettre un clip. C’est une question qui se pose et je pense qu’aujourd’hui on n’a pas assez de données pour pouvoir dire « c’est mieux de faire ceci, c’est mieux de faire cela. » Je pense qu’il faut attendre les données des études pour essayer de comprendre la chronologie, mais c’est une question qui est très d’actualité, parce que c’est facile d’y revenir.

Après, votre troisième question qui était la question : est-ce que c’est plus difficile de faire une tricuspide ? »… Et bien c’est difficile parce que c’est une valve qui est très variable. Autant pour la mitrale, nous avons un schéma assez clair pour voir comment l’aborder, sur la tricuspide, chaque valve est un cas particulier et à partir du moment où on a commencé à les réparer, on s’est rendu compte que la tricuspide est parfois quadricuspide, et parfois elle n’est que bicuspide, il y a un petit lobe supplémentaire, donc l’anatomie est beaucoup plus variable qu’on ne le pensait. Je pense qu’on ne s’en rendait pas compte parce que la visibilité de la valve tricuspide est très mauvaise. L’échogénicité est un vrai problème et cela nous arrive de récuser des patients simplement parce qu’on voit pas suffisamment pour faire la pose.

Dr Jean-Pierre Usdin — Oui, la visualisation de la valve tricuspide est en effet beaucoup plus difficile parce qu’autant la valve mitrale est juste devant l’œsophage, autant la valve tricuspide est, effectivement, plus éloignée. Donc c’est une partie du problème, parce que vous travaillez en interne avec un écho en même temps, un grand ténor de l’échographie transœsophagienne. En fait, on ne s’imagine pas comme ça, mais c’est toute une équipe qui est extrêmement soudée avec laquelle vous avez l’habitude de travailler et c’est très, très intéressant.

Dr Nicole Karam — Exactement. L’échographiste est un personnage clé de cette intervention, parce qu’il faut qu’il y ait un échographiste qui a vraiment compris la valve tricuspide, la technique et, il faut qu’il ait compris la procédure et ce qu’on cherche, autant que l’interventionnelle si on veut ça marche. Et c’est vrai que c’est une écho transœsophagienne – on est plus souvent en transgastrique qu’en transœsophagien, et par moment, on est obligé de reprendre la cendre d’écho classique, l’ETT, pour regarder en sous-costal si on voit mieux. En fait, c’est de l’improvisation à chaque geste, c’est ce qui rend la chose intéressante, mais aussi compliquée effectivement.

Dr Jean-Pierre Usdin — L’improvisation contrôlée, quand même.

Dr Nicole Karam — Voilà, l’improvisation contrôlée, mais pour voir quelle est la meilleure façon, chez ce patient, de voir la valve et de la traiter. Donc c’est au cas par cas, mais par contre oui, c’est prometteur.

Dr Jean-Pierre Usdin — En tout cas, c’est très passionnant. Merci de nous avoir accordé cette visualisation de la tricuspide, même si elle est un peu plus difficile que celle de la valve mitrale. Le sujet reste donc ouvert, ce qui nous donnera, je l’espère en tout cas, l’occasion de nous revoir. Merci et à bientôt sur Medscape.

 

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