Ostéoporose : mise à jour de la fiche du bon usage des médicaments

Marine Cygler

Auteurs et déclarations

27 mai 2019

Saint-Denis, France -- La Haute Autorité de Santé (HAS) vient de mettre à jour la fiche de bon usage des médicaments de l'ostéoporose post-ménopausique [1]. Elle introduit le FRAX (un algorithme qui donne une probabilité de fracture sur 10 ans), elle simplifie les schémas décisionnels en cas de fracture (sévère ou non sévère) et en l’absence de fracture. Dans cette dernière situation, les facteurs de risque à prendre en compte ont été mieux définis. Enfin, seuls les médicaments avec un service médical rendu (SMR) démontré sont présents dans ce document. Les autres, désormais non remboursables en raison de leur intérêt clinique insuffisant, ont été retirés de la fiche.

« Les anciennes recommandations étaient compliquées et confuses si bien que les médecins s'y perdaient. Ceci explique en partie le défaut de prise en charge de l'ostéoporose » explique le Pr Patrice Fardellone, chef du service de rhumatologie du CHU d'Amiens qui indique que ces nouvelles recommandations reprennent celles du Groupe de recherche et d’information sur les ostéoporoses (GRIO) présentées lors du congrès de la Société française de rhumatologie (SFR) en décembre 2017.

Un traitement anti-ostéoporotique pour qui ?

Un traitement préventif des fractures liées à l'ostéoporose est indiqué uniquement devant un risque de fracture élevé. Celui-ci dépend de la densité minérale osseuse (DMO) mais aussi d'autres facteurs de risque de fracture (voir encadré), notamment l’existence d’un antécédent de fracture de fragilité.

Pour déterminer la DMO, une ostéodensitométrie est réalisée sur deux sites osseux (rachis lombaire, extrémité supérieure du fémur).

La DMO s’exprime en T-score, soit l'écart entre la densité osseuse mesurée et la densité osseuse théorique de l’adulte jeune de même sexe, au même site osseux.

Si le T-score >  - 1 : densité normale.

Si le -2,5 <T-score ≤  - 1 : ostéopénie.

Si le T-score ≤  - 2,5 : ostéoporose (considérée comme sévère en cas de fracture).

Concernant la mise en route d'un traitement, la HAS a élaboré un arbre décisionnel.

« Il y a trois situations : quand il y a des fractures sévères, on traite ; quand la DMO ≤ -3, on traite et dans tous les autres cas, on calcule le FRAX grâce à douze critères » résume le Pr Fardellone. Développé par l'OMS, le FRAX permet de quantifier le risque individuel de fracture sous forme de probabilité de fracture à 10 ans. « Dans le monde, la moitié des femmes qui se fracturent ont une DMO normale ou peu ostéopénique. L'algorithme FRAX permet de mieux les identifier » commente-t-il.

Les « nouveaux » facteurs de risque de fracture à prendre en compte

► Chez l’ensemble des patients :

- fracture de fragilité, vertébrale ou périphérique, de découverte clinique ou radiologique (il faut rechercher une cause tumorale, une ostéoporose secondaire, etc.) ;

- corticothérapie systémique en cours (≥ 3 mois consécutifs, à une posologie ≥ 7,5 mg/j d’équivalent prednisone) ;

- autre traitement ou affection responsable d’ostéoporose : hypogonadisme prolongé (dont l’androgéno- ou l’estrogénoprivation chirurgicale [orchidectomie, ovariectomie] ou médicamenteuse [agonistes de la Gn-RH, antiaromatases]), hyperthyroïdie évolutive non traitée, hypercorticisme, hyperparathyroïdie primitive ;

- âge > 60 ans ; tabagisme ;

- immobilisation prolongée.

 Chez la femme ménopausée :

- corticothérapie systémique passée (≥ 3 mois consécutifs, à une posologie ≥ 7,5 mg/j ; d’équivalent prednisone) ;

- IMC < 19 ;

- ménopause avant 40 ans ;

- fracture de fragilité du col fémoral chez un parent du premier degré.

 

► Certains facteurs n’accroissent pas le risque d’ostéoporose, mais le risque de chute :

- alcoolisme ;

- baisse de l’acuité visuelle ;

- troubles neuromusculaires et/ou orthopédiques

Arbre décisionnel élaboré par la HAS dans le cas de l’ostéoporose postménopausique

Quelles sont les mesures hygiéno-diététiques à prendre ?

► Avant tout traitement spécifique, le médecin veille à la correction d’une éventuelle carence en vitamine D et/ou d’une carence calcique (chez les patients les plus âgés notamment), par ajustement des apports alimentaires et/ou supplémentation médicamenteuse.

► Chez le fumeur, l’arrêt du tabac est vivement recommandé.

► L’exercice physique et la prévention des chutes, par l'aménagement du lieu de vie notamment, font partie de la prise en charge globale des patients ostéoporotiques.

« C'est un rappel important et nécessaire de la part de la HAS : le calcium et la vitamine D sont des pré-requis et non pas des traitements » considère le Pr Patrice Fardellone. 

« Depuis 7 à 8 ans, on observe une nette diminution de la mise en place des traitements et de la prescription d'examen de densitométrie osseuse. » déplore-t-il.

Selon lui, « à cause des complications rares, les patients ont peur de prendre des médicaments, et les médecins peur de prescrire. Du coup, ces derniers se contentent de prescrire des supplémentations en vitamine D et en calcium, au détriment des traitements spécifiques ».

Quels médicaments prescrire et dans quel ordre ?

1- Les bisphosphonates (alendronate, risédronate, zolédronate) sont les traitements de première intention. Avant d’instaurer le traitement, le médecin doit orienter sa patiente vers un dentiste qui  réalisera un examen bucco-dentaire et des soins dentaires si besoin. Il s'agit de prévenir le risque, exceptionnel, d’ostéonécrose mandibulaire. Ce bilan dentaire sera répété au moins une fois par an pendant toute la durée du traitement.

La patiente doit être informée que le bisphosphonate administré per os doit être pris à jeun, au moins 30 minutes avant un repas, debout ou assise (sans se recoucher ensuite), avec un grand verre d’eau plate peu minéralisée, pour réduire le risque de lésion œsophagienne.

2- Deux autres médicaments peuvent être utilisés : le raloxifène, réservé aux femmes à faible risque de fracture périphérique, et le tériparatide, pour les patientes ayant au moins deux fractures vertébrales.

3- Le dénosumab, anticorps monoclonal, administré par voie sous-cutanée tous les 6 mois, est indiqué en deuxième intention, en relais des bisphosphonates.

Les auteurs ont choisi de ne pas aborder le traitement hormonal de la ménopause (THM). Ils rappellent cependant que « dans l'ostéoporose, la prescription du THM est actuellement limitée aux patientes répondant mal ou ne tolérant pas les autres traitements indiqués dans l'ostéoporose, après évaluation du rapport bénéfice/risque individuel. » Par ailleurs, un THM peut être justifié en cas de troubles sévères liés à la ménopause.

Quelle conduite à tenir en cas de corticothérapie ?

La HAS a aussi élaboré un arbre décisionnel en cas de corticothérapie, à dose supérieure ou égale à 7,5 mg/j d’équivalent prednisone pendant au moins 3 mois.

« Je suis étonné que dans les recommandations concernant l'ostéoporose cortisonée, l'ostéodensitométrie soit considérée non nécessaire. C'est un examen peu cher et  utile pour surveiller l'évolution des patients et l'efficacité des traitements » indique Patrice Fardellone.

Enfin, l’ostéoporose masculine

La HAS rappelle que les bisphosphonates (alendronate, risédronate, zolédronate) sont les traitements de première intention chez les patients à haut risque de fracture. Elle précise que le tériparatide est réservé aux patients ayant au moins deux fractures vertébrales, comme c'est aussi le cas pour les femmes.

* Le FRAX est un outil développé par l’OMS qui permet de quantifier le risque individuel de fracture sous forme de  probabilité de fracture à 10 ans. Son calcul est disponible sur le lien suivant : www.sheffield.ac.uk/FRAX/toolaspx?country=12

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