Rapport « Grand-Âge Autonomie» : propositions-clés et pistes de financement

Aude Lecrubier

Auteurs et déclarations

28 mai 2019

France -- Dominique Libault, président du Haut Conseil de financement de la protection sociale, a remis à Agnès Buzyn, Ministre des Solidarités et de la Santé, son rapport « Grand-Âge Autonomie » au terme d’une vaste concertation nationale initiée le 1er octobre 2018 [1]. Lors de la remise officielle du rapport, le 28 mars, Agnès Buzyn a confirmé que cette mission donnerait lieu à une proposition de loi à l’automne 2019.

Jusqu’à présent, plusieurs gouvernements ont reculé sur la question du grand âge en raison des financements importants qui y sont associés, mais aujourd’hui, le défi est devenu une urgence qui ne peut plus être ignorée. En témoignent quelques chiffres : en 2050, la France comptera 4,6 millions de personnes âgées de plus de 85 ans, soit plus de trois fois le chiffre actuel et 2,2 millions de personnes âgées seront en perte d'autonomie d'ici 30 ans, soit un million de plus qu’en 2015.

Jusqu’à présent, plusieurs gouvernements ont reculé sur la question du grand âge mais aujourd’hui, le défi est devenu une urgence qui ne peut plus être ignorée.

De la prise en charge de la dépendance à l’autonomie

En tout, le rapport compte 175 propositions qui ont « pour ambition de créer un cercle vertueux entre l’attractivité des métiers, l’amélioration de la qualité du service en Ehpad comme à domicile, la transformation de l’offre, un cadre de vie plus adapté, la diminution du reste à charge pour les familles, la prévention de la perte d’autonomie ».

Pour passer d’une logique de prise en charge de la dépendance à une logique de soutien à l’autonomie, le ministère de la santé a mis en exergue 10 propositions clés :

  1. La création d’un guichet unique pour les personnes âgées et les aidants dans chaque département, avec la mise en place de Maisons des aînés et des aidants.

  2. Un plan national pour les métiers du grand âge permettant notamment d’agir à la fois sur une hausse des effectifs, une transformation des modes de management, la prévention des risques professionnels, la montée en compétences à travers une politique de formation ambitieuse, le développement de perspectives de carrière en faveur de l’attractivité des métiers du grand âge et d’une meilleure structuration de la filière.

  3. Un soutien financier de 550 millions d’euros pour les services d’aide et d’accompagnement à domicile, afin d’améliorer le service rendu à la personne âgée et de revaloriser les salaires des professionnels

  4. Une hausse de 25 % du taux d’encadrement en Ehpad d’ici 2024 par rapport à 2015, soit 80 000 postes supplémentaires auprès de la personne âgée, pour une dépense supplémentaire de 1,2 milliard d’euros.

  5. Un plan de rénovation de 3 milliards d’euros sur 10 ans pour les Ehpad et les résidences autonomie.

  6. Des financements pour permettre aux établissements et aux structures de financer leurs projets de transformation et d’amélioration de la qualité de l’accompagnement, en y consacrant 300 millions d’euros par an

  7. Une baisse du reste à charge mensuel de 300 € en établissement pour les personnes modestes gagnant entre 1000 et 1600 € par mois.

  8. Une mobilisation nationale pour la prévention de la perte d’autonomie, avec la sensibilisation de l’ensemble des professionnels et la mise en place de rendez-vous de prévention pour les publics fragiles.

  9. L’indemnisation du congé de proche aidant et la négociation obligatoire dans les branches professionnelles pour mieux concilier sa vie professionnelle avec le rôle de proche aidant.

La mobilisation renforcée du service civique et, demain, du service national universel, pour rompre l’isolement des personnes âgées et favoriser les liens intergénérationnels.

9 milliards d’euros à trouver d’ici 2030

Le coût des 175 propositions du rapport « Grand âge et autonomie », par rapport à 2018, est estimé à 4,8 Md€ en 2024 et à 6,1 Md€ en 2030.

Les propositions élèveraient les dépenses publiques consacrées à l’autonomie à hauteur de 1,6 % du PIB en 2030 soit près de 35 % de plus qu’en 2018. Environ 45 % de cette hausse proviennent du seul effet du vieillissement démographique ; les 55 % restants renvoient aux mesures proposées pour l’amélioration de la qualité de l’offre ou pour la baisse du reste à charge en établissement.

D'ici 2024, l'augmentation du besoin de financement lié au grand âge est donc globalement évaluée à plus de 6 milliards d’euros dont 4,8 milliards dus aux nouvelles mesures et le reste à l’évolution démographique. Pour 2030, l’estimation totale est de neuf milliards d'euros, dont trois milliards liés à la démographie et 6,1 milliards aux mesures nouvelles.

Quelles pistes de financement ?

Le rapport recommande que l’effort financier nécessaire au financement de l’évolution démographique et des mesures nouvelles proposées soit effectué dans le respect de trois principes fondamentaux :

- le recours à un financement public reposant sur la solidarité nationale, dans la logique de la constitution d’un risque de protection sociale à part entière, le financement privé ayant une vocation complémentaire et facultative,

- la mobilisation de prélèvements obligatoires existants, plutôt que la création de nouveaux prélèvements, notamment en lien avec la fin de la dette sociale,

- la priorisation des dépenses publiques affectées au grand âge au sein de la protection sociale.

Les idées d’institution d’une journée de solidarité ou de l’augmentation des droits de successions ne semblent donc plus à l’ordre du jour. Pas question, non plus, d’instaurer une assurance privée obligatoire, le rapport estime que le marché n’est pas mûr et que les Français n’en veulent pas. Il préconise pour l’aider à se développer d’instaurer le mécanisme des contrats responsables déjà en vigueur dans la complémentaire santé.

 
D'ici 2024, l'augmentation du besoin de financement lié au grand âge est donc globalement évaluée à plus de 6 milliards d’euros
 

La mission propose également des pistes d’économies, notamment par une prévention active de la perte d’autonomie, une coordination des acteurs forte, limitant les hospitalisations évitables, la mise en emploi de personnes en parcours d’insertion ou de demandeurs d’emploi. Elle permettrait aussi des gains d’efficience par une réorganisation de l’offre médico-sociale, une baisse de l’absentéisme et des dépenses d’indemnités journalières maladie, résultant des mesures en faveur des professionnels et des proches aidants.
 

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