Paris, France – Une femme sur dix serait atteinte d’endométriose. Dans la majorité des cas, il s’agit d’une forme simple et modérée. « En 2017, sur 37 000 patientes opérées d’endométriose, environ 1 000 l’ont été pour une atteinte digestive qui est le degré le plus complexe et le plus grave de l’endométriose », note le Dr Pierre Panel, responsable du service de gynécologie-obstétrique du Centre Hospitalier de Versailles.

Dr Pierre Panel
Un syndrome complexe
« L’endométriose est un syndrome complexe caractérisé par un processus inflammatoire chronique dû à la présence de tissu semblable à la muqueuse utérine en dehors de l’utérus. Cet “utérus ectopique” continue à fonctionner sous l’influence des hormones ovariennes provoquant chez certaines femmes de fortes douleurs et parfois une infertilité », rappelle l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) dans un récent point sur les recherches sur la fertilité et l’endométriose [1].
Soulager ces jeunes filles
On parle de 7 à 10 ans de délai entre les premiers symptômes et le diagnostic. Pourtant, le plus souvent, nul besoin d’un diagnostic pour prendre en charge ces symptômes. « Les “germes” de l’endométriose se mettent en place in utero, suite à une exposition à des perturbateurs endocriniens comme certaines pesticides, mais c’est à l’adolescence, avec l’imprégnation hormonale, qu’apparaissent les premiers symptômes. Les lésions peuvent être encore trop petites pour être visibles à l’IRM mais les douleurs sont intenses car la pathologie est nouvelle ; l’inflammation est donc importante (avant qu’une fibrose cicatricielle se mette en place) », explique le Dr Panel. Pour le spécialiste, il s’agit donc de soulager ces jeunes filles, d’abord grâce à des antalgiques de palier 1 et des anti-inflammatoires.
Avoir recours à une pilule classique
« Le yoga, la sophrologie, peuvent aussi diminuer la perception des douleurs en agissant sur le stress. Il faut aussi penser à vérifier la statique du bassin : un déséquilibre peut entraîner une forte augmentation des douleurs qu’une semelle adaptée peut résoudre », mentionne-t-il.
L’endométriose peut aussi entraîner des troubles digestifs, parce que les intestins baignent dans un « jus inflammatoire » à chaque période de règles. L’endométriose peut aussi atteindre le système nerveux autonome, notamment le plexus hypogastrique inférieur, de part et d’autre du rectum et du vagin. Les troubles fonctionnels peuvent alors remonter jusqu’à l’estomac. « En général, ces symptômes répondent bien à un régime sans gluten et sans lactose, des substances qui fermentent et sollicitent davantage l’intestin ce qui ajoute à l’inflammation », rapporte le spécialiste.
Si le traitement de la douleur est insuffisant mais que les douleurs ne se manifestent que pendant les règles, on peut avoir recours à une pilule classique, en continu ou semi-continu. « Ces traitements doivent être personnalisés et adaptés à chaque patiente (œstroprogestatifs, progestatifs, analogues de la GnRH). Ils doivent être prescrits en première intention chez la femme sans désir de grossesse et ce, afin de réduire les douleurs liées à cette pathologie », précise l’Inserm.
Projet de grossesse
« Lors d’un projet de grossesse, l’assistance médicale à la procréation (AMP) et la chirurgie peuvent être envisagées », poursuit la synthèse de l’Inserm. « Si tout le bilan est normal et que l’endométriose est modérée, la chirurgie va permettre d’être enceinte spontanément dans 60 % des cas, complète le Dr Panel. Et dans un parcours de PMA, des spécialistes nous adressent des patientes lorsqu’ils n’arrivent pas à avoir un endomètre de bonne qualité ou que des kystes empêchent une ponction ovarienne. »
L’endométriose peut perturber la fertilité à bien des niveaux : mauvaise qualité de l’endomètre (de l’utérus), perturbation de l’ovulation, trompes affectées par des adhérences, jus inflammatoire qui s’attaque aux gamètes (ovules ou spermatozoïdes), femmes qui ont peu de rapports sexuels du fait des douleurs qui peuvent être permanentes et exacerbées lors des rapports (au niveau des parois vaginales ou au fond du vagin, elles peuvent être diminuées par certaines positions)…
Retarder la chirurgie
Il s’agit aussi de retarder la chirurgie. Elle n’intervient que si les traitements sont inefficaces ou que les traitements hormonaux sont mal tolérés ou en cas de complications : torsions d’annexes, occlusion intestinale, hémorragies, compression de l’uretère…
« La chirurgie de l’endométriose peut être très invasive et invalidante (résection de certaines parties du côlon, risque élevé d’abîmer la réserve ovarienne en cas de retrait de kyste ovarien, etc.) et, en ne traitant pas la cause, elle n’empêche pas la maladie de revenir. […] médecins et chercheurs s’accordent sur le fait qu’une femme opérée jeune présente un risque important que les lésions endométriosiques reviennent et soient à nouveau problématiques au moment d’un éventuel souhait de grossesse », détaille l’Inserm. La chirurgie doit être minutieuse, pour retirer un maximum de tissu atteint et éviter ainsi les récidives, tout en limitant les lésions d’organes.
Quant aux réinterventions, elles sont plus complexes et moins efficaces, et pas toujours utiles : « il y a moins de récidives qu’on peut le penser. Dans deux tiers de cas, si les douleurs reviennent, ce n’est pas à cause d’une vraie récidive, mais à cause de douleurs neuropathiques ou de dysfonctions intestinales qui persistent », explique encore le Dr Panel.
Le spécialiste note aussi que « depuis deux ans, nos consultations spécialisées sont noyées de jeunes filles dont les mères ont elles-mêmes de l’endométriose. À ce stade, la prise en charge relève des professionnels de premier recours (médecins généralistes, sages-femmes, infirmières scolaires…) pour faire un premier screening et soulager les douleurs. »
Il invite donc les professionnels à s’appuyer sur les recommandations de pratique clinique publiées fin 2017 [2] en attendant le plan d’action annoncé par la ministre de la Santé. La Direction générale de l’offre de soins (DGOS) a lancé quatre groupes de travail : filières de soins (auquel participe le Dr Panel), recherche, formation médicale initiale et continue et information.
Recherche
« Il existe une explosion des études sur le sujet depuis les cinq dernières années. Environ 1 200 articles par an sont produits par les chercheurs du monde entier pour faire avancer les connaissances sur cette pathologie », relève l’Inserm.
À mentionner, la cohorte ComPare, pour Communauté de Patients pour la Recherche, pilotée par l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP). Elle s’intéresse à toutes les maladies chroniques, « les plus fréquentes comme les plus rares » et ambitionne recruter 100 000 patients, qui seront « impliqués dans toutes les étapes de la recherche, du choix des questions de recherche à la conception de la recherche et à l’interprétation des résultats, etc. ».
Quant au Dr Panel, ses recherches s’orientent autour de la qualité de vie des patientes et de la reconnaissance du handicap, qu’il soit gynécologique, digestif, sexuel… Il participe aussi à un projet de recherche sur la place de la chirurgie digestive (EndoFert) ainsi qu’à un projet national de base de données porté par le CHU de Clermont-Ferrand.
Liens d’intérêts Le Dr Panel est aussi secrétaire général de la Société de Chirurgie Gynécologique et Pelvienne (SCGP), membre du groupe de travail des Recommandations pour la Pratique Clinique (RPC) sur la prise en charge de l’endométriose communes à la HAS et au Collège National des Gynécologues et Obstétriciens Français (CNGOF) dont il est un des vice-présidents ; il est aussi membre du comité scientifique de l’association EndoFrance. Le Dr Panel a déclaré n’avoir aucun lien d’intérêt. |
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Citer cet article: Endométriose: l’objectif premier est de soulager les symptômes - Medscape - 21 mai 2019.
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