Le contrôle intensif de la pression artérielle peut-il préserver les fonctions cognitives ?

Dr Jean-Claude Lemaire

Auteurs et déclarations

15 mai 2019

Photo Dr Jeff Williamson

Philadelphie, Etats-Unis — Lutter contre l’hypertension artérielle ne diminue pas seulement le risque cardio-vasculaire, mais aussi le risque de trouble neurocognitif léger, selon les données de l’étude SPRINT-MIND[1] discutées lors de la session plénière du congrès de l’ American Academy of Neurology (AAN).

« Cette intervention randomisée contrôlée montre pour la première fois qu'un contrôle intensif de la pression artérielle permet de réduire le risque de déficit cognitif léger », a commenté l’orateur, le Dr Jeff Williamson (Wake Forest Baptist Health Wake Forest, Etats-Unis) lors de la présentation des résultats.

L’étude SPRINT-MIND a inclus plus de 9 000 hypertendus traités ou non, ayant une systolique comprise entre 130 et 180 mm Hg (35,6% de femmes, âge moyen 67,9 ans et 28% de sujets ≥75 ans) sans diabète ni antécédent d’AVC et ayant au moins 1 facteur de risque cardiovasculaire supplémentaire (atteinte cardiovasculaire clinique ou infraclinique, détérioration de la fonction rénale définie par un taux estimé de filtration glomérulaire ≤ 60 ml/min/1,73 m2, score de Framigham à 10 ans ≥15%, âge ≥75 ans).

Des résultats cardiovasculaires très convaincants

Selon la randomisation, ces sujets dont la systolique moyenne était de 140 mm Hg ont été alloués à un bras intensif (objectif systolique <120 mm Hg ; n=4.678) ou à un bras standard (objectif systolique <140 mm Hg ; n=4.683).

A l'issue d'une durée moyenne de traitement de 3,34 ans, l’essai a été interrompu en raison du bénéfice cardiovasculaire supérieur documenté dans le bras intensif, mais les patients ont continué à être suivis (médiane 5,11 ans).

Des résultats cognitifs en demi-teinte

Dans le cadre de ce suivi, une démence probable a été diagnostiquée chez 149 patients du bras intensif versus chez 176 patients du bras standard, soit 7,2 versus 8,6 cas/1000 personnes-année (PA), une réduction qui n'est toutefois pas significative HR (IC 95%) 0,83 (0,67-1,04).

En revanche les cas de trouble cognitif léger (facteur de risque connu de démence) sont significativement moindres dans le bras intensif : 287 versus 353 dans le bras standard, soit 14,6 versus 18,3 cas/1000 PA ; HR 0,81 (0,69-0,95) (-19%).

Il existe également une réduction significative pour la combinaison des deux risques, respectivement 20,2 versus 24,1 cas/1000 PA; HR= 0,85 (0,74-0,97) (-15%).

Sur le plan IRM les données obtenues sur un échantillon de 673 participants indiquent une augmentation significativement moindre du volume lésionnel de la substance blanche dans le bras intensif (∆ 0,15) que dans le bras standard (∆ 0,28), p=0,001. Un élément important a souligné Jeff Williamson dans la mesure où « les lésions de la substance blanche indiquent très souvent une atteinte des petits vaisseaux et est associée à un risque accru d'AVC, de démence et de décès ».

De l'influence de l'âge

Une analyse menée en fonction de l'âge montre clairement que l'incidence des démences/troubles cognitifs légers augmente parallèlement à l'âge, le cumul des deux passant ainsi dans le bras intensif de 11 cas/1000 PA pour les moins de 75 ans à 47 pour les ≥75 ans et à 60 pour les ≥80 ans. Les nombres de cas dans le bras standard étaient respectivement de 14, 54 et 73/1000 PA et les différences entre les deux bras ne sont que numériques et non statistiquement significatives.

Et maintenant ?

L'absence de résultat significatif sur les démences dans l'analyse globale s'explique très probablement par l'arrêt prématuré de l'étude. Il est en effet connu que l'impact délétère de l'hypertension sur la démence se manifeste en général après 10 à 20 ans.

« On voit bien dans l’étude SPRINT-MIND que les courbes commencent à s’écarter sur la fin de la période de suivi, un suivi plus long aurait probablement démontré un bénéfice significatif aussi sur les démences », a commenté, pour Medscape édition française, le Pr Olivier Hanon, gériatre à l’hôpital Broca (AP-HP, Paris) lors de la publication des résultats de l’étude dans le JAMA[2].

Un bémol important, toutefois, la progression d’un trouble cognitif léger vers la démence n’est pas systématique, il s'agit d'une probabilité. En revanche, hypotensions orthostatiques, syncopes, anomalies électrolytiques et défaillances rénales aigues sont des effets secondaires qui ont bel et bien été documentés dans les deux bras et semblent donc bien être la rançon du contrôle tensionnel.

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