Paris, France — « La mise en place d’activités physiques chez les patients suivis en psychiatrie est possible et entraine des améliorations significatives sur la santé mentale et de la santé en général ». Autant d’arguments pour développer des interventions dans ce domaine, a considéré le Dr Etienne Halauze, psychiatre au CHU de Clermont-Ferrand lors d’une intervention au congrès de l’Association de Recherche et de soutien de Soins en Psychiatrie Générale (ARSPG) à Paris fin mars 2019.
Prévalence accrue du syndrome métabolique
Les pathologies psychiatriques sont associées à un risque accru de décès. Pour la schizophrénie, ce risque est multiplié par 3 par rapport à la population générale. « En moyenne, entre 10 et 15 années de vie seraient perdues selon les étiologies psychiatriques confondues » indique le psychiatre. Ce risque est majoritairement expliqué par la forte prévalence d’affections cardiovasculaires et endocriniennes type diabète, elles-mêmes sous-tendues par la présence d’un syndrome métabolique chez ces patients. Les données récentes françaises issues de cohortes de centres experts font état d’une prévalence du syndrome métabolique chez 24,2% des patients souffrant de schizophrénie [1], 20% des patients atteint de troubles bipolaires [2] et 38% des patients souffrant de dépression résistante (Godin et al, 2018) – chiffre élevé tenant compte d’une population plus âgée, précise le Dr Halauze. Et deux tiers d’entre eux ne sont pas traités correctement pour ce syndrome métabolique [1,2].
Mauvaises habitudes alimentaires mais surtout peu d’activités physiques
Plusieurs facteurs entrent en ligne de compte dans le calcul de ce risque de décès plus élevé et certains peuvent être des leviers d’action pertinents pour le réduire comme l’intervention sur les modes de vie et les mauvaises habitudes alimentaires, fréquentes chez ces patients. Les traitements, notamment antipsychotiques mais pas seulement, et les comorbidités addictives – 50% des patients atteints de schizophrénie fument, soit 3 fois plus que la population générale, – sont à prendre en compte, indique l’orateur.
Tout comme le peu d’activité physique. Reconnue pour son action bénéfique sur les risques cardiovasculaires par l’Organisation Mondiale de la Santé, l’activité physique régulière est deux fois moins pratiquée par les patients présentant une schizophrénie que dans la population générale. Pourtant, différentes options sont possibles pour proposer aux patients une activité physique adaptée.
Dans le monde anglo-saxon, plusieurs programmes existent comme le In SHAPE (Self Health Action Plan for Empowerment) [4] ou le KBIM (Keep the body in Mind) [5].
Ce qui marche
Plusieurs activités tels que la marche, le vélo, le stretching, le jogging, le yoga et le travail de la force contre résistance ont fait l’objet d’évaluations dans des études. Il en ressort deux éléments essentiels :
d’une part, l’importance de l’encadrement par un professionnel, qu’il s’agisse d’un préparateur physique, d’un moniteur ou d’un professionnel de santé formé, « plus l’encadrement est défini, meilleurs sont les résultats ».
D’autre part, le travail sur les règles hygiéno-diététiques. « Ce qui marche, c’est de combiner l’activité physique à des exercices de remédiation et à d’autres conseils, notamment nutritionnels. »
Des améliorations notables
Les résultats de ces interventions rapportés dans la littérature sous forme d'une méta-revue [5] montrent des améliorations sur la masse corporelle, le conditionnement à l’effort, les symptômes thymiques et d’anxiété, la qualité de vie et les paramètres biologiques.
Dans le détail, les études dans la schizophrénie ont montré une efficacité des exercices de type aérobie de plus de 90 min sur la diminution symptômes totaux, positifs et négatifs mais une absence de résultats sur poids, l’indice de masse corporel (IMC), le tour de taille et le pourcentage de masse maigre. Dans la dépression unipolaire, l’activité physique aérobie réduit les symptômes dépressifs, et l’effet pourrait être équivalent à la psychothérapie et au traitement pharmacologique. En revanche, il n’y a pas d’amélioration de l’anxiété.
Dans le trouble bipolaire, le niveau de preuve est limité sur l’amélioration des symptômes dépressifs et la diminution du niveau d’anxiété, mais l’activité physique pourrait être favorable au contrôle du poids.
Pour le Dr Halauze, « des interventions simples et déclinables (comme la marche, yoga) permettent de montrer des améliorations significatives, celles-ci sont autant d’arguments en faveur de l’intégration et du développement de l’activité physique adaptée dans la prise en charge des patients suivis en psychiatrie ».
En France, outre la prescription d’activité physique, on peut citer les propositions de la Fédération Française du Sport Adapté (FFSA), du Dispositif d’Accompagnement de l’Humain vers des Loisirs Intégrés et Réguliers (DAHLIR) ou encore de Sport en tête.
Athlètes de haut niveau et troubles psys
Si l’activité physique est bénéfique sur le mental, le dogme qui voudrait que les athlètes de haut niveau soient protégés contre les troubles psychiatriques est, lui, totalement faux, a précisé le Dr Halauze. Non seulement, ils ne sont pas protégés, mais leurs troubles connaissent certaines spécificités (troubles des comportements alimentaires, addiction, encéphalopathies traumatiques chroniques, troubles de l’humeur).
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Citer cet article: L'activité physique pour les patients suivis en psychiatrie: faisable et efficace! - Medscape - 15 mai 2019.
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