Saint-Denis, France – Après avoir recommandé le dépistage systématique du déficit en DPD, l’Agence nationale de sécurité des médicaments (ANSM) le rend désormais incontournable avant toute administration de chimiothérapies à base de 5-FU ou capécitabine. Toute dispensation de traitements comportant des fluoropyrimidines sera, en effet, désormais subordonnée à trois conditions pour garantir la réalisation systématique du test[1].
Plus de prescription sans test au préalable
L’ANSM a annoncé ce lundi 29 avril 2019 qu’elle modifie les conditions de prescription et de délivrance du 5-FU et de la capécitabine « afin que leur prescription, leur dispensation et leur administration soient conditionnées à l’obtention des résultats de ce test pour tous les patients ». Désormais, la dispensation en pharmacie hospitalière ou de ville, et l’administration du 5-FU ou de la capécitabine sont subordonnées aux trois conditions suivantes : 1/ la recherche d’un déficit en DPD, « au travers d’un dosage du taux d’uracile présent dans le sang des patients », 2/ la présence de la mention « Résultats uracilémie pris en compte » sur la prescription et 3/ au fait que le pharmacien s’est assuré de la présence de cette mention avant la dispensation.
On se souvient que l’Institut national du cancer (INCa) et la Haute Autorité de Santé (HAS) ont publié en décembre dernier des recommandations sur les modalités de recherche du déficit en enzyme DPD dans le cadre de chimiothérapies comportant des fluoropyrimidines. Pour détecter en pratique ce déficit, l’INCa et la HAS recommandent la réalisation d’un examen : la mesure de l’uracilémie. L’objectif est d’éviter certaines toxicités très graves chez des patients déficitaires en enzyme DPD, enzyme qui contribue à l’élimination par l’organisme des chimiothérapies à base de 5-fluorouracile (5-FU) ou de capécitabine, pouvant conduire au décès (voir encadré en fin d’article).
3 conditions
« Afin de garantir la réalisation systématique de ce test, le Ministère chargé de la santé, en lien avec l’INCa, la HAS et l’ANSM, a diffusé des instructions à destination des professionnels de santé concernés. Aujourd’hui, dans le prolongement de cette mesure, l’ANSM a demandé une réévaluation européenne de ces médicaments afin de renforcer les conditions d’utilisation mentionnées dans les AMM. Dans l’attente des conclusions de cet arbitrage, l’ANSM modifie les conditions de prescription et de délivrance du 5-FU et de la capécitabine afin que leur prescription, leur dispensation et leur administration soient conditionnées à l’obtention des résultats de ce test pour tous les patients » indique le communiqué de l’ANSM en date du 29 avril.
En pratique, la prescription, la dispensation en pharmacie hospitalière ou de ville, et l’administration du 5-FU ou de la capécitabine sont désormais subordonnées aux conditions suivantes :
- la recherche d’un déficit en DPD, au travers d’un dosage du taux d’uracile présent dans le sang des patients, a été réalisée (dosage prescrit par le médecin),
- le prescripteur mentionne « Résultats uracilémie pris en compte » sur la prescription,
- le pharmacien s’assure de la présence de cette mention avant toute dispensation.
En complément, l’ANSM, l’INCa et la HAS mettent à disposition des patients une fiche d'information (pdf à télécharger) permettant d’informer de l’existence du déficit en DPD et du dosage à effectuer pour rechercher un déficit en DPD, qu’il soit partiel ou total.
Intoxication au 5-FU : plusieurs familles de victimes ont porté plainte
Chaque année, en France, autour de 100 000 personnes sont traitées par le 5-FU et sa principale prodrogue orale, la capécitabine. Ces molécules, de la famille des fluoropyrimidines, sont prescrites principalement pour des cancers du sein, des cancers digestifs ou ORL. Ces traitements sauvent la vie de nombreux patients mais induisent aussi des toxicités sévères et des toxicités létales chez respectivement 10 à 40 % et 0,2 à 0,8 % des patients.
Certains individus présentent, notamment, un déficit enzymatique en dihydropyrimidine déshydrogénase (DPD), une enzyme qui dégrade le 5-FU. On estime que les déficits complets touchent 0,1–0,5 % des patients traités, et les déficits partiels 3–10 % d’entre eux. Chez ces patients, une dose standard de fluoropyrimidine induit une surexposition en 5-FU pouvant entraîner des toxicités graves, notamment hématologiques et digestives, voire engager le pronostic vital. Quatre familles de patients décédés alors qu’ils avaient débuté une chimiothérapie par 5-fluorouracile (5-FU) ont porté plainte contre X le 4 février dernier. Selon elles, les décès auraient pu être évités si un simple test, montrant la difficulté des victimes à dégrader le 5-FU, avait été réalisé. Or ce test, réalisé en routine par certains n’était, jusqu’à peu, pas recommandé de façon systématique. (Voir Intoxication au 5-fluorouracile : plusieurs familles de victimes portent plainte). AL
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Citer cet article: Dépistage systématique du déficit en DPD : l’ANSM impose 3 nouvelle conditions pour garantir sa réalisation - Medscape - 2 mai 2019.
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