France—« La pédopsychiatrie est en danger ». L’Union Syndicale de la Psychiatre(USP) a lancé ce cri d’alarme à l’occasion de son congrès annuel en mars dernier[1]. L’union syndicale s’inquiète « du manque de pédopsychiatres dans le service public mais aussi du manque de moyen ne permettant plus de proposer des prises de soins accessibles à tous et sur l’ensemble du territoire national. »
Selon les derniers chiffres du Syndicat des psychiatres des hôpitaux (Sph) de mars 2018, en 10 ans le nombre de pédopsychiatres a été divisé par deux et il le sera encore les 10 années suivantes, la moyenne d’âge étant de 63 ans pour les hommes et de 61 ans pour les femmes[2].
Selon le Dr Nathalie Batardière, pédopsychiatre des hôpitaux, membre du conseil national de l’USP (Saumur), les spécialistes devraient être environ 2000. Or, ils sont aujourd’hui moins de 600 en France.

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« Nous croulons sous les demandes de soins avec toujours moins de moyens. A titre d’exemple, aujourd’hui un enfant sur 150 souffre d’un trouble du spectre autistique. C’est énorme. Or, nous sommes de moins en moins nombreux à pouvoir les prendre en charge », explique-t-elle à Medscape édition française.
Faute de pédopsychiatres dans le service public, « de plus en plus de familles et de jeunes patients n’ont plus le choix que de se tourner vers des soins non-remboursés quand il en existe dans le secteur. Cette pénurie crée une ségrégation entre ceux qui ont les moyens d’aller vers ce type de prise en soins, et ceux qui, à l’inverse, se retrouvent exclus de l’accès aux soins (financier et/ou géographique) », indique l’USP.
Un véritable problème lorsque l’on sait l’importance de dépister précocement et de prendre en charge ces maladies afin de limiter la souffrance des enfants et de leur famille mais aussi d’éviter des retentissements importants à l’âge adulte.
Que faire pour sortir de l’impasse ?
« Il faudrait former beaucoup plus de médecins et que le mode de sélection des études de médecine donne plus de place aux sciences humaines. Il faut 15 ans pour former un pédopsychiatre donc, dans les années à venir, la situation va empirer. Il faut donc à terme, augmenter le pool d’internes de psychiatrie. A ce jour, nous avons environ un interne de pédopsy pour 40 internes de psychiatrie », explique le Dr Batardière.
« Nous avons besoin de moyens humains mais aussi matériels. La profession n’est plus du tout attractive pour les jeunes internes. Ils arrivent plein de ressources mais quand ils voient la pénibilité du travail et les moyens qui ne cessent de diminuer, ils ne restent pas. Nous avons besoin de locaux corrects, de professionnels qui soient remplacés quand ils partent. Il faut que nous ayons une dotation à nous, un budget », ajoute la pédopsychiatre.
Enfin, « les discours extrêmement disqualifiants comme ceux qui ont été tenus par Madame Cluzel, Ministre, secrétaire d'état chargée des personnes handicapées, à l’égard des pédopsychiatres dernièrement n’incitent pas les jeunes à venir », ajoute-t-elle.
Pour finir, le Dr Batardière a tenu à rappeler que la souffrance des soignants dans leur ensemble était largement partagée par toutes les institutions qui s’occupent des enfants : les écoles, l’aide sociale à l’enfance, le médico-sociale, l’institut médico-éducatif …
La réforme des études de psychiatrie pointée du doigt
Pour l’USP, la réforme des études de psychiatrie, obligeant dorénavant les futurs psychiatres à opter très tôt dans le cursus pour la psychiatrie de l’adulte ou pour la psychiatrie infanto-juvénile, est une erreur. « Ce cloisonnement tend à créer artificiellement deux métiers différents qui n’en sont qu’un », indique l’union syndicale.
« Dès le début du cursus de psychiatrie, il est demandé aux étudiants s’ils veulent faire de la psychiatrie enfant ou adulte. Or, il est très rare que les jeunes internes commencent en disant qu’ils veulent être pédopsychiatres parce que c’est une spécialité très complexe où nous sommes à l’interface de beaucoup d’institutions, ce n’est pas simple à manier. C’est au décours des stages que l’on peut savoir si on est fait pour ce métier ou pas », précise le Dr Batardière.
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Citer cet article: La pédopsychiatrie en danger - Medscape - 29 avr 2019.
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