Hypothyroïdie : 10 messages clefs à retenir

Marine Cygler

Auteurs et déclarations

17 avril 2019

Saint-Denis, France – Les recommandations sur la prise en charge de l'hypothyroïdie frustre sont-elles connues et bien suivies par les médecins ? A priori, peut mieux faire. C'est ce qui a motivé la Haute Autorité de Santé (HAS) à publier un référentiel sur la pertinence des soins consacré à cette thématique[1]. On n'y trouve pas de vraies nouveautés mais le document, aussi synthétique que pratique, est bienvenu dans un climat de doutes liés à l'affaire du Lévothyrox. Un changement donc plus sur la forme que sur le fond. 

« Les recommandations de la HAS sur l'hypothyroïdie datent de 2007 [2]. On les reprend ici sous forme d’une fiche, conçue pour être plus facile à mémoriser » indique le Pr Bernard Goichot (Service de Médecine Interne, Endocrinologie et Nutrition, CHRU de Strasbourg), qui a fait partie du groupe de travail constitué par la HAS.

« Nous insistons aussi sur le dialogue médecin-patient car les associations de patients qui faisaient partie du groupe de travail nous ont rappelé l'importance de cet échange. Globalement, les médecins n'ont pas assez écouté les patients qui étaient vraiment déséquilibrés avec la nouvelle formule du Lévothyrox » poursuit-il.

Le Pr Goichot rappelle que « les médecins généralistes peuvent prendre en charge les hypothyroïdies dans la mesure où ils connaissent et suivent les recommandations ». 

Voici les dix messages clef à retenir.

DÉPISTAGE

1.  En population générale, il n’est pas recommandé de réaliser un dosage de TSH s’il n’y a pas de signes cliniques évocateurs de dysthyroïdie.

« Le problème aujourd'hui n'est pas de passer à côté d'un diagnostic mais de sur-traiter. En termes d’examens biologiques, le dosage de la TSH est la quatrième prescription de la plus fréquente. Le bilan thyroïdien est beaucoup trop prescrit » considère le Pr Bernard Goichot.

La HAS s’est d’ailleurs prononcée en défaveur d'un dépistage dont l'intérêt n'a pas été démontré en population générale.

DIAGNOSTIC

2.  En présence de symptômes évocateurs d’hypothyroïdie, il est recommandé de prescrire le dosage de la TSH en première intention. Si le taux de TSH est anormal, il doit être recontrôlé et le dosage de T4L doit être réalisé.

« Concernant ce point, il s'agit d'un rappel des bonnes pratiques, qui doivent être connues et appliquées par les médecins » commente Bernard Goichot.

3.  Le dosage des anticorps anti-TPO n’est pas nécessaire pour le diagnostic d’hypothyroïdie. Il est utile pour rechercher une origine auto-immune éventuelle de la maladie. La positivité des anti-TPO est associée à un risque plus élevé d’évolution d’une hypothyroïdie fruste vers une hypothyroïdie avérée.

« Ceci figure également dans les recommandations de 2006. Ceci dit, le dosage des anticorps anti-TPO n'avait peut-être pas été bien compris. Les anticorps anti-TPO sont de bons marqueurs prédictifs d'évolutivité de l'hypothyroïdie et ils signent aussi une maladie thyroïdienne » explique le Pr Goichot.

« Nous avons voulu attirer l'attention sur le fait que devant une TSH augmentée mais des anticorps anti-TPO négatifs, il faut bien réfléchir, voire demander l'avis d'un spécialiste. Cela peut être autre chose qu'une hypothyroïdie : un problème de dosage de la TSH ou encore une élévation transitoire de la TSH » souligne-t-il.

4.  Si le taux de TSH n’est que modérément élevé (entre 4 et 10 mUI/L) et que la T4L est normale, il est recommandé de doser à nouveau la TSH et la T4L à distance après les dosages initiaux avant de décider de débuter, ou non, un traitement.

Les experts rappellent que le taux de TSH peut être transitoirement augmenté sans diminution de la T4 libre et redevenir normal par la suite. Il est donc nécessaire de confirmer le diagnostic par différents dosages, en prenant en compte la clinique et le ressenti de la personne.  

5.  Dans le diagnostic initial d’une hypothyroïdie, il n’y a pas lieu de prescrire un dosage de T3L (T3 libre).

« Le dosage de la T3 libre est trop souvent prescrit. La T3 libre est l'hormone active dans les tissus mais on sait que les résultats de son dosage sont très difficiles à interpréter. Ce dosage ne sert que dans quelques situations d'hyperthyroïdie qui sont prises en charge par l'endocrinologue » commente le Pr Goichot.

TRAITEMENT

6.  Le traitement par lévothyroxine ne doit pas être initié sans qu’il ne soit réalisé au préalable au moins un dosage de TSH.

Menée à partir des données de l'Assurance Maladie, une enquête de 2013 a révélé que 30 % des initiations de traitement par lévothyroxine étaient réalisées sans dosage préalable de TSH [3]. « C'est plus que de la mauvaise pratique d'initier un traitement de l'hypothyroïdie sans dosage de la TSH. C'est complètement absurde. Manifestement, la recommandation de 2007 n'avait pas été comprise. » déplore Bernard Goichot.

 
C'est plus que de la mauvaise pratique d'initier un traitement de l'hypothyroïdie sans dosage de la TSH. Pr Bernard Goichot
 

7.  En cas d’hypothyroïdie fruste, si le taux de TSH est supérieur à 10 mUI/L lors de 2 examens successifs, un traitement par lévothyroxine doit être discuté avec la personne.

Le groupe de travail rappelle que le traitement par lévothyroxine a pour but de prévenir l’évolution vers une hypothyroïdie avérée. Des études observationnelles ont montré une association entre l’élévation de la TSH > 10 mUI/L et le risque cardiovasculaire. Cette association est moins évidente chez les personnes âgées chez qui une élévation modérée de la TSH peut témoigner d’adaptations physiologiques.

Ceci dit, sans preuve disponible que le traitement des hypothyroïdies frustes diminue le risque cardiovasculaire, les experts préconisent que la décision thérapeutique soit être discutée au cas par cas.

« Pour l'instant, on ne sait pas quel est le bénéfice à traiter, d'autant qu'une fois initié ce traitement est pris à vie » commente le Pr Goichot qui rappelle que « ce n'est pas parce qu'un paramètre est anormal qu'il faut absolument traiter ».

8.  Le dosage de la TSH est recommandé 6-8 semaines après le début du traitement par lévothyroxine ou après tout changement de dose ou de spécialité.

« Nous avons ajouté ce point pour éviter que se reproduise l'histoire du Lévothyrox nouvelle formule. Ni les médecins, ni les patients n'ont eu le réflexe d'envisager qu'un changement de version du médicament pouvait induire un déséquilibre » rappelle Bernard Goichot.

« Si on change de spécialité ou si la spécialité change, c'est un facteur de déséquilibre. Il ne faut pas hésiter à refaire un bilan TSH » résume-t-il.

Ainsi les experts précisent que « lors de l’instauration ou de toute modification du traitement par lévothyroxine, la personne doit être informée de la nécessité de consulter son médecin en cas de persistance ou de réapparition des symptômes de déséquilibre thyroïdien. Ils décideront ensemble, si besoin, des modulations du traitement et/ou de nouveaux dosages biologiques. »

En outre, le dosage de la T4 libre peut être utile s’il y a une difficulté d’équilibration ou une discordance entre la clinique et la biologie.

 
Si on change de spécialité ou si la spécialité change, c'est un facteur de déséquilibre. Il ne faut pas hésiter à refaire un bilan TSH.
 

9.  Il est rappelé que la lévothyroxine est un médicament à marge thérapeutique étroite. Pour des personnes traitées bien équilibrées et sans effet indésirable, il n’y a pas lieu de changer de traitement.

Quand le médicament est indisponible et qu'il est nécessaire d’en changer, une surveillance clinique et biologique adaptée est recommandée. Les conditions de prise du médicament, notamment par rapport aux repas, et les modalités de surveillance doivent être explicitées.

SUIVI

10.  Si la personne est bien équilibrée sous traitement par lévothyroxine, la surveillance s’effectue annuellement par un interrogatoire, un examen clinique et un dosage de la TSH.

L’examen annuel doit permettre de vérifier l’efficacité du traitement sur les symptômes d’hypothyroïdie et sur la TSH ainsi que sa bonne tolérance. Ceci dit, si le patient ressent la réapparition de symptômes évocateurs de déséquilibre thyroïdien, il faut qu'il consulte son médecin avant même ce rendez-vous annuel. 

 
Si le patient ressent la réapparition de symptômes évocateurs de déséquilibre thyroïdien, il faut qu'il consulte son médecin avant même ce rendez-vous annuel.
 

 

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