Atlanta, Etats-Unis — La confiance vis-à-vis de la cigarette électronique serait-elle en train de s’altérer ? Alors que le dispositif a longtemps bénéficié d’une image positive, la tendance semble effectivement s’inverser, selon les résultats de deux enquêtes, menées aux Etats-Unis, qui révèlent une nette hausse de la proportion d’adultes considérant le vapotage comme étant aussi nocif que le tabagisme. L’étude est parue dans le JAMA Network Open [1].
Depuis son lancement en 2007, la cigarette électronique a connu une popularité grandissante et est devenu un moyen de sortir du tabagisme, qui semble même plus efficace que les substituts nicotiniques. La question du risque associé à son usage, notamment sur le plan cardiovasculaire, reste toutefois débattue et est régulièrement évoquée dans les médias.
Comment le grand public perçoit aujourd’hui la cigarette électronique, en termes de sécurité et de bénéfice, en comparaison avec la cigarette classique ? Et, comment cette perception a-t-elle évoluée au cours de ces dernières années ? Telles sont les questions auxquelles Jidong Huang (School of Public Health, Atlanta, Etats-Unis) et son équipe ont voulu répondre.
Plus nocive que la cigarette pour certains
Leur étude porte sur deux enquêtes distinctes, menées séparément auprès d’adultes américains, sélectionnés au hasard et contactés pour répondre à un auto-questionnaire. La démarche a été renouvelée à plusieurs reprises entre 2012 et 2017. Les personnes interrogées devaient notamment préciser si elles considèrent la toxicité de la cigarette électronique comme inférieure, égale ou supérieure à celle de la cigarette classique.
Pour la premier enquête, baptisée Tobacco Products and Risk Perceptions Surveys (TPRPS), entre 4 000 et 6 000 personnes ont répondu pour chacun des cinq sondages organisés pendant ces six années, soit un taux de réponse moyen de 7%. Dans la deuxième enquête Health Information National Trends Surveys (HINTS), les quatre sondages ont permis, à chaque fois, de recueillir l’avis de 2 400 à 3 300 personnes.
L’analyse des réponses révèle que les doutes concernant la sécurité de la cigarette électronique se renforcent. Selon le TPRPS, la proportion d’adultes américains considérant que le dispositif est moins nocif que la cigarette classique s’est réduit, passant de 39,4% à 33,9% entre 2012 et 2017. Ceux qui perçoivent une nocivité équivalente à celle de la cigarette sont devenus trois fois plus nombreux (11,5% en 2012, puis 36,4% en 2017).
L’évolution de l’opinion est apparue similaire dans l’enquête HINTS. La perception d’une nocivité inférieure pour la cigarette électronique concernait 50,7% des individus interrogées en 2012, puis 36,4% en 2017. La nocivité était équivalente pour 46,6% des personnes et 55%, six ans plus tard. Le taux d’individus estimant que la cigarette électronique est plus néfaste que la cigarette classique est passée de 2,8% à presque 10% en 2017.
Un préjudice surestimé?
Globalement, la perception d’une moindre nocivité de la cigarette électronique ou d’une nocivité équivalente par rapport à la cigarette a été de moins en moins exprimée pendant les premières années, avant une stabilisation de la proportion de personnes partageant cet avis à partir de 2015. Et, preuve que le vapotage suscite davantage d’interrogations : alors que la moitié des individus interrogés étaient sans opinion en 2012, ils n’étaient plus que 26% en 2017.
Ce sont surtout les fumeurs qui déclarent que la e-cigarette est aussi dangereuse que la cigarette (11% en 2012 et 34% en 2017), voire plus dangereuse (1% et 5,5%). Chez ceux qui utilisent les deux produits en même temps, la proportion considérant que la cigarette électronique est autant, voire plus néfaste, que la cigarette classique a aussi nettement augmenté, passant de 2,3% à 6,1% en six ans.
« Les résultats de cette étude soulignent qu’il est urgent d’informer le public avec précision sur le risque que représente l’usage des cigarettes électroniques. Il doit pouvoir clairement distinguer le risque relatif associé à la e-cigarette du risque absolu », ont commenté les auteurs. La confusion « peut contribuer à fausser la communication » et conduire à « surestimer le préjudice ».
Deux-tiers d’utilisation mixte
Selon eux, l’information doit viser « les fumeurs adultes, qui ne peuvent pas ou ne veulent pas arrêter de fumer et qui seraient les plus à même de bénéficier d’un passage à la cigarette électronique ». Ils ajoutent que les messages de santé publique devraient être axés sur la baisse potentielle des risques en passant à la e-cigarette, comparativement au maintien du tabagisme.
Dans un éditorial accompagnant la publication, le Dr Stanton Glantz (Center for Tobacco Control Research and Education, University of California, San Francisco, Etats-Unis) a toutefois insisté sur les risques associés au vapotage qui ont tendance depuis peu à être mis en évidence, notamment sur le plan cardiovasculaire [2]. « Certains de ces risques sont proches de ceux associés à la cigarette. »
Il souligne que les risques se retrouvent également renforcés lorsque les utilisateurs continuent de fumer du tabac, ce qui s’observerait, selon lui, chez deux-tiers des fumeurs décidant de passer à la cigarette électronique. « Les risques associés à la cigarette électronique s’ajoutent à ceux d’une consommation de tabac. »
Le tabacologue américain, connu pour ses positions très critiques vis-à-vis de la cigarette électronique, rappelle que celle-ci est efficace pour arrêter de fumer seulement avec un accompagnement spécifique. Ceci dit, 80% de ceux qui optent pour cette méthode pour un sevrage tabagique continuent de l’utiliser six mois plus tard, ajoute-t-il, ce qui interroge sur le maintien de la dépendance à la nicotine.
Quid de la dépendance à la nicotine?
Le Dr Glantz évoque en particulier les risques encourus par les jeunes Américains, particulièrement séduits par la cigarette électronique, la perception d’une moindre nocivité par rapport à la cigarette étant largement partagée dans cette population. Il faudrait donc accompagner les adultes dans leur utilisation de la vapoteuse, tout en dissuadant les plus jeunes.
Les chiffres récemment diffusés par la Food and Drug Administration (FDA) font état d’un vapotage en hausse chez les adolescents et jeunes adultes américains, qui seraient 3,6 millions à être utilisateurs de la cigarette électronique en 2018, soit 1,5 million de plus que l’année précédente [3].
L’agence américaine s’alarme de cette utilisation généralisée chez les plus jeunes et suggère de mettre en place de nouvelles stratégies de prévention pour éviter de faire face à une épidémie de dépendance à la nicotine. « On ne peut pas prendre le risque d’avoir une génération entière devenir dépendante à la nicotine ».
Après le risque de convulsion récemment rapporté par la FDA [4], la perception de l’effet bénéfique de la e-cigarette commence sérieusement à s’écorner.
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Citer cet article: Cigarette électronique: la méfiance s’installe - Medscape - 15 avr 2019.
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