Grève des IVG : le Cnom poursuit trois responsables du syndicat des gynécologues-obstétriciens

Philippe Anaton

Auteurs et déclarations

9 avril 2019

Paris, France--C'est un concert de félicitations qui a accompagné la décision du Conseil national de l'Ordre des médecins (Cnom) de poursuivre devant la justice ordinale trois responsables du Syndicat national des gynécologues et obstétriciens français (Syngof) : le Dr Jean Marty, le Dr Élisabeth Paganelli et le Dr Bertrand de Rochambeau.

Pour rappel des faits, à la suite d'un report d'un amendement dans le projet de loi de santé que le Syngof a décidé de menacer d'une  grève des IVG dans un e-mail envoyé le mardi 12 mars, à environ 2 000 de ses adhérents.

L’amendement visait à faire en sorte que les obstétriciens concernés par des sinistres de l'ordre de 10 à 15 millions d'euros, alors que les assurances ne couvrent qu'à hauteur de 6 millions d'euros au maximum, puissent être indemnisés via un fond mis en place en 2012, mais non rétroactif. Cet amendement aurait permis de couvrir également les sinistres entre 2002 et 2012, de manière rétroactive. 

Constatant que cet amendement ne serait pas examiné dans le projet de loi de santé, les responsables du Syngof ont alors demandé audience auprès de la ministre de la santé Agnès Buzyn.

 
Préparez-vous à ce que le syndicat vous donne l'ordre d'arrêter les IVG si la ministre de la santé refuse de nous recevoir. Dr Jean Marty, Dr Élisabeth Paganelli, Dr Bertrand de Rochambeau
 

Le Dr Jean Marty, ancien président du syndicat, le Dr Élisabeth Paganelli, et le Dr Bertrand de Rochambeau, ont alors prévenu leurs adhérents dans une newsletter interne : "Préparez-vous à ce que le syndicat vous donne l'ordre d'arrêter les IVG si la ministre de la santé refuse de nous recevoir."

Le syndicat avait déjà lancé une grève des IVG en 2000 suivi d'une grève des accouchements, selon l'agence de presse médicale (APM). Sans obtenir gain de cause. Mais dix-huit ans auparavant, il n'avait pas soulevé pareil tollé.

Suite aux vives réactions suscitées par cet email du Syngof, deux jours plus tard, le syndicat avait répondu dans un communiqué que le Syngof soutenait « sans réserve le droit à l’IVG » mais qu’il s’était senti obligé de « générer une fausse polémique sur les réseaux sociaux » pour se faire entendre du Ministère…

La décision du Cnom plébiscitée

L’explication n’aura pas convaincu le Cnom. Dans un tweet du 5 avril, le Cnom détaille : "Réuni en session, le Cnom a décidé de saisir la juridiction ordinale contre 3 responsables du syngof pour avoir annoncé, dans une newsletter du syndicat, qu'il pourrait ordonner à cesser la pratique d'IVG". Dans un autre tweet qui précédait celui-ci, le Cnom rappelait que "le droit à l'IVG est un acquis majeur des femmes, et qu'il ne saurait être mis en balance comme moyen de faire aboutir une revendication syndicale". Ces deux tweets, surtout celui qui annonçait les poursuites devant la justice ordinale, a provoqué la joie des tweetos :

https://twitter.com/BombalFanny/status/1114283026358337542 https://twitter.com/mrmoignon/status/1114395296052723713
 
Le droit à l'IVG est un acquis majeur des femmes, et qu'il ne saurait être mis en balance comme moyen de faire aboutir une revendication syndicale. Conseil national de l'Ordre des médecins
 

Un seul parmi eux se posait la question d'une possible entrave à l'action syndicale :

https://twitter.com/wong_fr/status/1114231629260709888

Tollé général

Avant la décision du Cnom, 90 associations, syndicats et partis politiques avaient décidé de porter plainte devant l'Ordre des médecins contre les mêmes responsables syndicaux. Ce collectif demandait au Cnom "d'introduire une action disciplinaire de sa propre initiative devant la chambre disciplinaire de première instance compétente" contre les dirigeants du Syngof. Il considérait que l'appel à la grève des IVG brandi par le Syngof constituait une entrave à l'IVG, une atteinte aux  droits des patientes de choisir librement leur médecin, une  déconsidération de la profession médicale. Par ailleurs, le collectif  rappelait que les membres du  Syngof, qui voulaient user de la clause de conscience pour refuser systématiquement toute demande d'IVG, n'étaient pas recevables : la clause de conscience étant un droit individuel, il ne peut être "actionné" dans le cadre d'une action collective.

Actions féministes

Aux plaintes ordinales s'est ajoutée, le 21 mars, une plainte devant le procureur de la République, par une militante féministe Anaïs Leleux, selon les mêmes termes que ceux déposés devant le Conseil national de l'Ordre des médecins. Et 12 000 personnes ont enjoint le Cnom, en lui adressant des mails, d'entamer des poursuites contre le Syngof. Sans compter un envahissement des locaux du Cnom par des féministes, ainsi qu'un affichage sauvage sur ses locaux de l'affiche « Merci Simone », qui rend hommage à Simone Veil, qui a fait voter la loi sur le droit à l'avortement.

Last but not least, la ministre de la Santé en personne avait décidé de condamner les menaces du Syngof. "Agnès Buzyn a souligné le caractère inadmissible de ces menaces destinées, d’après le communiqué du SYNGOF, à se « faire entendre », et qui vont à l’encontre du respect inconditionnel du droit à l’IVG garanti dans notre pays. La ministre regrette également l’image faussée des médecins gynécologues obstétriciens de France que renvoient ces nouvelles déclarations inacceptables de la part d’un syndicat qui entend les représenter", avait-elle déclaré dans un communiqué.

 

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